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OMS : pourquoi est-elle aussi méchante ?

Mis à jour le 23/07/2024 à 16h48
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Le 26 juillet 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait déjà mis le feu aux poudres en publiant son rapport sur l’épidémie mondiale de tabagisme en chargeant la vape sur 4 pages. L’OMS en a rajouté une couche avec une foire aux questions très orientée, publiée le 20 janvier dernier sur son site Web. Face à tant d’entêtement, la question se pose : pourquoi l’OMS s’acharne-t-elle autant contre cet outil de réduction des risques ?

Durant l’été 2019, l’OMS a publié un rapport sur l’épidémie mondiale sur le tabagisme dans lequel figurent 4 pages sur le vaporisateur personnel. Elle y conseille notamment aux gouvernements des États membres de le classer comme un “produit nocif”. Rien d’étonnant finalement, puisque l’OMS indique clairement que le rapport a été financé par Bloomberg Philantropies, la fondation créée par le milliardaire américain Michael R. Bloomberg, candidat à l’investiture démocrate pour les élections présidentielles américaines, connu pour ses positions antivape.

La riposte de la communauté de la vape a été à la hauteur de l’événement. Sur France Info, le professeur Bertrand Dautzenberg expliquait que le vaporisateur personnel “aide à arrêter de fumer”. Un fait qu’il “constate lors de ses consultations”. Dans son communiqué, la Fivape dénonçait “très fermement” les positions de l’Organisation mondiale de la santé quant à “l’incontestable nocivité” des cigarettes électroniques. Même Cécile Thibert, journaliste au Figaro, s’étonnait de “la surprenante charge de l’OMS contre la cigarette électronique” et sa position qui va “à contre-pied de celle adoptée par de nombreuses instances sanitaires” dans les colonnes du quotidien français.

L’opinion publique est sensible à ses messages

Malheureusement, l’impact médiatique des défenseurs de la vape n’est pas aussi puissant qu’un communiqué de l’OMS repris par tous les mass média dans le monde. Résultat, son message a, une fois de plus, écorné l’image de ce produit de réduction des risques chez le grand public.

Hasard du calendrier, quelques jours plus tard éclatait la crise médiatique due aux morts de vapoteurs américains ayant inhalé des liquides frelatés à l’acétate de vitamine E provenant du marché noir du THC. Une crise d’une ampleur considérable, qui a touché l’ensemble de la planète et dont le marché français commence à peine à se relever, avec une crise du coronavirus qui n’arrange décidément rien.

Une foire aux questions honteuse

Mais cela ne suffit pas à l’OMS. Le 20 janvier dernier, l’organisation en rajoute une couche en relayant sur les réseaux sociaux des extraits d’une foire aux questions censée répondre aux grandes interrogations du public sur le sujet du vapotage et intitulée “E-cigarettes : à quel point sont-elles dangereuses ?”.

10 idées fausses (ou en partie) que l’OMS continue de véhiculer sur la vape

Nocivité du produit, théorie de la passerelle, vapotage passif, vapotage des adolescents, peau brûlée par de l’e-liquide, tous les thèmes classiques des antivape, pourtant largement mis à mal par de nombreuses études, y sont remis sur le devant de la scène. L’OMS ose même l’amalgame légendaire entre le propylène glycol et l’éthylène glycol, un antigel, pour insinuer que les vapoteurs en inhaleraient.

À ce niveau d’entêtement, on peut se demander pourquoi l’OMS en veut à ce point à la vape, qui n’est autre qu’un outil de réduction des risques à utiliser dans le cadre du sevrage tabagique. Nous avons mené l’enquête en posant la question à plusieurs chercheurs et professeurs de santé publique français, américains et anglais. 

Experts de la santé publique : différentes attitudes par rapport à l’OMS

Nous avons été étonnés par certaines de leurs réactions. Certains ont répondu qu’ils ne pouvaient pas intervenir dans “notre média étroitement associé aux intérêts d’une industrie du tabac ne [leur apparaissant] pas éthiquement compatible avec [leur] rôle.” Malgré une clarification à ce sujet, la discussion n’a pas donné suite. Mais on peut lire entre les lignes de cette réponse la peur des liens entre industrie de la vape et celle du tabac, ce qui pourrait être une partie de l’explication de la position extrême de l’OMS.

De son côté, Peter Hajek, professeur de psychologie clinique et directeur de l’unité de recherche sur la dépendance au tabac à l’Institut Wolfson de médecine préventive, de l’université Queen Mary de Londres, a clairement répondu qu’il ne savait pas pourquoi l’OMS adopte une telle posture. En parlant de la foire aux questions publiée sur le site de l’organisation, il avoue que “les motivations des personnes qui ont écrit ceci sont aussi mystérieuses pour moi qu’elles le sont pour [nous].”

Enfin, d’autres experts ont préféré ne pas trop s’impliquer personnellement mais nous ont tout de même renvoyés vers les articles publiés par Clive Bates sur son blog The Counterfactual. Clive Bates, consultant britannique et ancien directeur de l’association Action on Smoking and Health (ASH), est un bon client, connu pour son franc-parler, c’est donc vers lui que nous nous sommes tournés.

“L’OMS est entrée en guerre contre le vapotage parce qu’il menace leur façon de faire” – Clive Bates

Comment expliquez-vous le refus de l’OMS de reconnaître que la cigarette électronique aide à arrêter de fumer ?

Clive Bates : Il n’y a pas d’explication crédible à ce que l’OMS puisse nier que la vape aide les fumeurs à arrêter de fumer, ou alors peut-être en exigeant un degré de certitude qu’elle n’applique jamais à un autre domaine. Les preuves de l’efficacité de la vape sont très solides et comprennent une étude récente contrôlée et aléatoire montrant que la thérapie de substitution de la nicotine est deux fois plus efficace, incluant des données d’observation concernant ce qui se passe lorsque les gens utilisent les produits, et des données de population – les fortes baisses de la prévalence du tabagisme là où la vape a décollé. Tout cela vient étayer l’idée assez évidente selon laquelle les fumeurs comprennent et ressentent les avantages d’un passage à un produit qui leur donne une grande partie de ce qu’ils aiment (nicotine, expérience sensorielle, comportementale) avec beaucoup moins d’exposition aux toxines, aux odeurs et autres désagréments.

Pourquoi l’OMS se félicite-t-elle de l’interdiction de l’utilisation des cigarettes électroniques dans certains pays ?

B. : L’OMS salue et encourage l’interdiction de la vape en se basant sur deux grandes idées erronées qui constituent un terrible manquement à ses responsabilités. Tout d’abord, elle ne saisit pas le rôle que le vapotage pourrait jouer dans l’arrêt du tabagisme si des organismes comme l’OMS soutenaient la réduction des risques liés au tabac en approuvant ces produits innovants et disruptifs. Au lieu de cela, elle est devenue l’ennemie de l’innovation dans la branche la plus importante de la politique de lutte contre les maladies non transmissibles et freine les progrès vers les objectifs qu’elle s’est fixés. Deuxièmement, elle ne comprend absolument pas les conséquences involontaires des politiques qu’elle recommande. En particulier, l’interdiction des produits de la vape a pour effet (évident) de protéger le commerce des cigarettes de la concurrence de produits de meilleure qualité. Il en résultera probablement une augmentation du nombre de fumeurs et, par conséquent, une augmentation des maladies.

Pourquoi l’OMS est-elle si opposée aux cigarettes électroniques et ne s’inscrit-elle pas dans une démarche de réduction des risques ?

B. : Je ne peux qu’émettre des hypothèses concernant les motivations de l’OMS. Mais c’est inquiétant parce que la réduction des risques fait partie de la définition de la lutte antitabac dans la convention cadre pour la lutte antitabac et qu’elle a été complètement ignorée et est maintenant supprimée. Je pense que c’est parce que leur approche de la lutte antitabac repose largement sur des mesures coercitives, punitives, restrictives et imposées par l’État. Elle est destiné aux ministères de la Santé des gouvernements qui ont une perspective similaire. L’approche de la réduction des risques est très différente : elle est efficace parce qu’elle repose sur des consommateurs volontaires et bien informés qui interagissent avec des producteurs innovants dans un marché de consommation peu réglementé. Cette approche est contraire à la culture d’organismes tels que l’OMS et ces derniers n’ont pas de véritable rôle à jouer. Au lieu de changer leur façon de penser et de reconnaître que la vape peut offrir des opportunités, les dirigeants de l’OMS sont entrés en guerre contre elle parce qu’elle menace leur façon de faire. J’ajouterai que l’OMS prend de l’argent à Bloomberg, et que Michael Bloomberg est favorable à l’interdiction du vapotage – un grand conflit d’intérêts non reconnu. 

Pensez-vous qu’ils sont manipulés par les lobbies de l’industrie pharmaceutique ou pensez-vous que leur haine de la nicotine est due aux actions passées de l’industrie du tabac ?

B. : J’opterais plutôt pour la dernière hypothèse. C’est plus une culture défensive et agressive qu’autre chose, je pense. Ils se considèrent tous comme des “guerriers” dans la lutte contre le tabac. C’est donc déroutant si l’ennemi a de meilleures réponses que vous ! De plus, Bloomberg est un financeur et un prohibitionniste.

OMS : 8 ans d’acharnement contre la vape

2012 : Premier rapport de l’OMS suggérant de bannir le vapotage car il serait une porte d’entrée vers le tabagisme.2013 : L’OMS publie un nouveau rapport qui “déconseille” le vapotage.

2014 : L’organisation continue d’étudier la cigarette électronique en rappelant que ses émissions contiennent “des produits chimiques qui peuvent être considérés comme toxiques”.

2015 : Dans son rapport baptisé The Global Tobacco Epidemic 2015, l’organisation continue d’encourager les gouvernements à “réfléchir sur la réglementation voire le bannissement des liquides aromatisés”, et leur recommande de limiter ou d’interdire la promotion de ces dispositifs.

2016 : Un nouveau rapport de l’OMS est publié à l’occasion de la COP7. Là encore, théorie de la passerelle, risques pulmonaires et autres fantaisies sont de la partie. Lors de l’événement, l’OMS a d’ailleurs appelé les parties présentes “qui n’ont pas encore interdit l’importation, la vente et la distribution du vaporisateur (…) à envisager soit leur prohibition, soit leur réglementation”.

2018 : Tenue de la huitième édition de la COP8, décrite par l’OMS comme un rassemblement durant lequel “la lutte antitabac est à l’honneur”. Les mots “cigarettes électroniques” ou “vapotage” n’y ont pas été prononcés une seule fois.

2019 : Publication d’un nouveau rapport de l’OMS dans lequel l’organisation explique que malgré “un examen approfondi des données disponibles sur la cigarette électronique”, il n’y a pas assez de “données probantes” pour affirmer que vapoter est moins nocif que fumer.

La même année, l’organisation mondiale de la santé a applaudi l’interdiction du vapotage en Inde, pays qui voit plus d’un million de personnes mourir chaque année du tabagisme.

2020 : Publication d’une foire aux questions dans laquelle l’OMS insinue que vapoter peut être plus dangereux que fumer. La théorie de la passerelle, le vapotage passif, l’addiction des adolescents et l’interdiction de la vape sont également au programme.

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