Cette variété de tabac utilise la nicotine pour se défendre. Mieux encore, la molécule permet d’attirer les prédateurs des insectes qui la tourmentent.
Un papillon qui en demande un peu trop
Les variétés de tabac sont nombreuses. Si plusieurs sont le fruit de différents croisements réalisés par l’Homme pour en augmenter le rendement ou la résistance à certaines maladies, d’autres existent depuis des millénaires. Parmi elles, le tabac Coyote (Nicotiana attenuata), qui, au fil de son évolution, a mis au point une méthode de défense particulièrement efficace contre les insectes qui s’en prennent à lui. Il y a quelques jours, dans le cadre de son émission Les superpouvoirs des plantes, FranceTV lui a dédié un sujet.
Le tabac Coyote est une variété de tabac sauvage qui peut mesurer jusqu’à 1,20 mètre de haut. Nécessitant une température comprise entre 20 et 35° pour s’épanouir, on le trouve dans plusieurs types d’habitats s’étalant de l’ouest de l’Amérique du Nord jusqu’au Mexique. Parmi ses particularités se trouve sa floraison qui se produit exclusivement la nuit. Une période propice à la présence de ses deux principaux prédateurs : le sphinx du tabac (Manduca sexta) et le sphinx de la tomate (Manduca quinquemaculata). Attirés par le parfum dégagé par les fleurs, ces gros papillons, que l’on retrouve également sous nos latitudes, ont la fâcheuse habitude de pondre leurs œufs sur la plante après s’être nourris de son nectar.
Une fois arrivés à maturité, les œufs éclosent et donnent vie à des chenilles qui n’auront alors plus qu’un seul objectif : dévorer la plante pour se nourrir jusqu’à devenir, à leur tour, des sphinx adultes.
Manduca sexta et Manduca quinquemaculata se ressemblent. Prenant la forme de gros papillons gris pouvant atteindre 13 cm d’envergure, leur passage au jardin ne passe pas inaperçu de par leur taille et le son caractéristique émis lorsqu’ils volent.
La chenille qu’ils mettent au monde, reconnaissable par sa taille pouvant aller jusqu’à 10 cm, se pare de plusieurs raies blanches qui la rendent facilement identifiable. Cette dernière est considérée comme un ravageur des plantes de la famille des Solanacées (Solanaceae).
L’attaque des punaises
Mais c’était sans compter sur le système de défense du tabac Coyote. Lorsqu’il sent que l’une de ses feuilles est attaquée, il sécrète de la nicotine. Selon les variétés de tabac, la quantité de nicotine produite pourrait atteindre l’équivalent de 100 cigarettes dans une seule feuille. La molécule, une fois absorbée par les chenilles prédatrices, les plonge dans un état léthargique les poussant à leur tour à sécréter une substance particulière. Une substance qui va très rapidement attirer la punaise du désert (Orius laevigatus), dont l’un des mets préférés est justement… la chenille. Arrivées en nombre, les punaises ne vont faire qu’une bouchée des larves de sphinx qui s’attaquaient au tabac, lui permettant ainsi de continuer à vivre jusqu’à être capable de produire les graines qui serviront à perpétuer son espèce.
Orius laevigatus est une punaise qui détecte ses proies grâce au toucher et à l’odorat. Son efficacité pour la chasse aux insectes ravageurs est telle qu’elle sert d’insecticide naturel au sein de plusieurs cultures.
Dans le cadre de la réduction de l’utilisation des pesticides, des lâchers de cette espèce sont préconisés par plusieurs ministères de l’Agriculture dans le monde. Elle est notamment utilisée pour la protection des cultures d’aubergine, de concombre, de fraise, ou encore de melon.
Mais ce n’est pas tout ! Nicotiana attenuata possède une ultime défense qu’elle met en œuvre uniquement lorsque les précédentes n’ont pas été assez efficaces. Un Sphinx étant capable de pondre jusqu’à 200 œufs, il arrive que les prédateurs des chenilles qui en sortent ne soient pas assez nombreux pour protéger le tabac. Dans ce cas, en l’espace de huit jours, la plante est capable de changer son cycle de floraison. Ses fleurs s’ouvrent ainsi la journée, offrant alors leur nectar aux Colibris, dont la présence ne cause aucun tort à la plante. Une fois toutes les chenilles éliminées, la floraison nocturne reprend, et Nicotiana attenuata poursuit ainsi sa vie.
Pour l’anecdote, en 2021, des recherches réalisées dans l’Utah, aux États-Unis, ont mis à jour la présence de tabac du Coyote au sein d’une habitation datant d’il y a près de 13 000 ans, soit neuf siècles plus tôt qu’on le supposait jusqu’alors.
La nicotine, un puissant insecticide
Il est également important de noter que si la nicotine est un insecticide naturel, les néonicotinoïdes sont quant à eux le fruit de l’invention humaine. La nicotine étant trop toxique pour être utilisée dans le cadre de l’agriculture, des dérivés ont ainsi été créés par l’Homme, les néonicotinoïdes. Très efficaces pour protéger certaines cultures des insectes ravageurs, ils sont aujourd’hui accusés de participer à la destruction des abeilles. Leur stabilité chimique leur permettrait en effet de survivre à très long terme, jusqu’à se retrouver dans le sol et les fleurs des cultures traitées. Des fleurs qui sont par la suite butinées par les abeilles, et dont les résidus d’insecticides les désorienteraient, les empêchant ainsi de retrouver le chemin de leur ruche, les conduisant à une mort certaine.
Pour en apprendre plus sur la nicotine utilisée dans les e-liquides, nous vous invitons à consulter notre guide sur le sujet.