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Mort dans l’explosion de son mod. La vape m’a tuer

Mis à jour le 12/09/2022 à 16h46
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Normalement, le vendredi, c’est le jour où la rédaction du Vaping Post m’autorise à faire un article rigolo. Mais, aujourd’hui, je n’ai pas tellement envie de vous faire marrer. Un homme est mort, tué dans l’explosion de sa cigarette électronique. Un homme. Tout seul. Même pas connu. Et il se trouve que les gens qui meurent, c’est un sujet que je connais bien. Chiche que je vous fais vomir.

Sans précédent

Donc, un homme est mort dans l’explosion de sa cigarette électronique aux États-Unis. Un quidam que personne ne connaissait. L’homme aurait reçu un shrapnel lors de l’explosion de son mod mécanique philippin, aurait été tué sur le coup, et son corps brûlé à 80 % du fait de l’incendie consécutif.

La dernière fois qu’on a autant parlé de la mort d’un homme, je pense, c’était pour Johnny Hallyday. C’est simple, c’est dans toute la presse. Peu importe son orientation politique, peu importe même sa ligne éditoriale. Il n’y a guère que dans Philatélie Magazine que le sujet est soigneusement évité. Si quelqu’un édite un timbre commémoratif un jour, évidemment, la situation évoluera.

On peut suggérer aussi, dans le désordre, liste non exhaustive : le téléphone portable donne le cancer du cerveau, le Wi-Fi est mauvais pour la santé, l’iPhone 10 vous rendra aveugle, des enfants perdent leurs doigts dans des accidents de spinner, nombreux morts dans des accidents d’hoverboard, manger bio provoque des carences, les dangers des tablettes chez les enfants, faut il se faire vacciner, etc.

La vape, cette tueuse

Donc, on va parler beaucoup de ce décès, qui, si il est bien confirmé, portera le nombre de victimes de la vape à 1. Ce qui va attester, dans l’esprit du public, de l’extrême dangerosité de la chose. Houlala, c’est dangereux, imaginez, il a pris un éclat dans la tête et il a été tué sur le coup ! Tout ça à cause de la vape, alors qu’il aurait pu mener une vie heureuse, profiter pendant des années de son cancer du poumon, mettons, ou faire un infarctus massif qui l’aurait laissé en fauteuil roulant parce que son cerveau aurait manqué trop longtemps d’oxygène.

Tout le monde ne connaît pas mon CV, alors voilà : avant de devenir un professionnel de la vape, j’étais dans les pompes funèbres. Quinze ans, passés à aller chercher des défunts sur le lieu de leur décès, à les rendre présentable quand c’est possible, à les mettre dans leur cercueil et à les enterrer ou les crématiser. Parce qu’on incinère les déchets ménagers, les gens, on les crématise. Même les ordures.

Âmes sensibles, tant pis pour vous

Oh, bien sûr, je pourrais vous parler des morts du tabac. C’est facile. Des cancers du poumon, par exemple, mais il y en a plein d’autres très spectaculaires. Le cancer maxillo-facial, par exemple, vous connaissez ? C’est un cancer du tabac. Pas du genre rapide, non, il dure longtemps. Le patient se voit amputer de tout ce qui est trop touché pour le maintenir encore un peu en vie. On commence par lui enlever la langue, bien sûr. Puis les lèvres, les gencives, la mâchoire, le nez, les os des pommettes… Il ne reste pas grand-chose, à la fin, mais ce qui impressionne, c’est que quelqu’un ait pu vivre dans cet état là.

Ou bien je pourrais vous faire pleurer avec l’histoire des petites filles, sept et cinq ans, dans leur petite robe tout mignonne de petite fille, parce que leur maman n’avait pas pu trouver des vêtements plus adaptés au deuil dans cette taille, pleurant sur la tombe de leur papa qui les avait eu sur le tard, mort à 44 ans d’un infarctus directement lié à son tabagisme. Allez voir dans les magasins : au rayon vêtements fillettes, c’est difficile de trouver du noir.

Pourtant, il ne se passe rien, et le journal n’en parle même pas.

Ou je pourrais vous parler des passages à niveau. On lit dans le journal qu’untel ou untel est mort sur un passage à niveau. Vous savez à quoi ça ressemble, mourir percuté par un train ? Déjà, le choc, violent, fait éclater la plupart des organes internes. Puis, les roues du train si on passe en dessous, ou les tôles de la voiture dans laquelle on est prisonnier, se transforment en hachoirs. Heureusement, à ce moment là, on est déjà mort, c’est pour les pompes funèbres que c’est pénible, ça prend des heures de tout ramasser.

Là, le journal en parle, en passant les détails sous silence. Les gens s’offusquent, mais, au final, il ne se passe rien.

Oh, non, je sais ! Je vais vous parler de ce petit garçon, trois ans, qu’on a été chercher, une fois. Il était étendu par terre, tout pâle. Son visage, avec ses grands yeux ouverts, arborait une expression complexe, mélange de surprise, parce qu’il ne comprenait pas ce qu’il lui arrivait, de souffrance, parce que sa fin avait été tout sauf agréable, et de tristesse infinie, parce qu’il était mort seul, sans son papa ou sa maman, qui ne s’étaient pas rendu compte de ce qu’il lui arrivait. Il avait avalé une préparation insecticide dans une bouteille non protégée que ses parents pensaient hors d’atteinte.

D’ailleurs, ses parents ne s’en sont pas remis. Bien entendu, ils se sont séparés, le père est devenu alcoolique, la mère fait de fréquents séjours en hôpital psychiatrique.

Quand la presse daigne en parler, dans les commentaires sous l’article, je vois toujours des gens qui fustigent les parents, sans savoir. Jamais personne ne souligne que ces produits sont dangereux, utiles, mais dangereux. Au final, il ne se passe rien.

Bien entendu, sur les articles déjà les quidams commentent, et soulignent à quel point la vape est dangereuse, ils l’avaient bien dit, d’ailleurs, ça devrait être interdit, ma bonne dame. Ah, les braves gens. Je les connais bien, ces âmes généreuses et soucieuses de leur prochain. J’en ai vu, en quinze ans de pompes funèbres.

Je les ai vu à travers la porte entrebâillée jeter des coups d’œils furtifs pendant qu’on décrochait le cadavre de leur voisin pendu parce qu’il était trop seul.

Je les ai vu se plaindre de l’odeur et des mouches pendant qu’on amenait le corps décomposé de leur autre voisin, mort depuis des semaines chez lui sans que personne ne s’en soit rendu compte.

Je les vois aujourd’hui cracher sur la vape et dire à quel point ça devrait être interdit, parce que finalement, on peut se mêler des affaires des autres bien planqué derrière son écran, sans se soucier une seule seconde des milliers de gens qu’une telle interdiction enverrait à une mort longue et atroce.

Et je vois la presse s’en repaître, encore, et s’en délecter.

Et nous, pendant des semaines, nous allons devoir expliquer ce qu’est un mod mécanique, la sécurité, la loi d’ohm, etc. Vous connaissez ça par cœur.

Nous allons devoir expliquer tout cela à cause de la mort d’un homme, un événement triste que certains ne manqueront pas d’instrumentaliser pour servir leurs intérêts. Nous allons devoir l’expliquer à un public qui se fiche bien de ces sujets ennuyeux, la sécurité, la conformité, le bon usage de la vape, parce que tout ça, c’est tellement barbant, c’est tellement précis, ça demande un effort. 

Cet article d’opinion n’engage que le point de vue de son auteur et ne représente pas forcément l’avis de la rédaction.