La période est morose, les esprits préoccupés, le suspense parfois à son comble, bref, clairement, depuis l’arrêt provisoire des articles du vendredi, le monde a sombré dans la dépression. Il est temps, à nouveau, de vous administrer le remède.
Avant toute chose
On est encore en janvier ? J’en sais rien, en fait. D’habitude, ma banquière me convoque chaque année pour me dire « Vous voulez un calendrier ? Si, prenez un calendrier. Non, mais vraiment : prenez un calendrier. La banque en a fait plein, et ils sont stockés dans mon bureau. Débarrassez m’en, que je puisse bosser à nouveau. Vous en prenez un ? Chouette, merci. Je vous ai parlé de nos agendas ? ».
Cette année, inquiet de ne pas avoir des nouvelles, j’ai appelé ma banquière, qui m’a dit en substance « non, pas de calendriers cette année, pénurie de carton, c’était trop cher. Je vous ai parlé de vos agios ? ».
Mais bon, trois jours d’intenses recherches m’ont appris que nous étions toujours en janvier, et donc, qu’il était encore temps :
Bonne année à vous ! Qu’un gros bloc de bonheur compact s’abatte brutalement sur vous et vous écrase sous le poids d’une joie immense et faisant gicler votre allégresse, éclabousse tous vos proches.
Et surtout, la santé.
Vous l’attendiez tous
C’est un coup de fil de Maîtresse Sévère qui m’a sorti de mon marasme.
« Tiens, je parcourais le Vaping Post, comme à chaque fois que j’ai envie d’une lecture intelligente, éclairée et pertinente, et je me suis rendu compte que ça faisait un bail que tu n’avais pas fait d’articles du vendredi ».
J’ai tout déballé, la mal-être existentiel, la panne d’inspiration, la langueur mélancolique qui s’était emparée de mon âme, comme la dernière feuille morte qui finit par de détacher de l’arbre et atterrit dans une flaque de boue. Ce vide qui vous étouffe lorsqu’une figure familière de votre paysage disparaît sans crier gare. Je ne pensais pas que ce calendrier me manquerait autant.
Mais Maîtresse Sévère ne se laissa pas démonter : « passe à la maison, j’ai de quoi te remonter le moral, voire franchement te mettre en joie ».
J’y ai été, par amitié, mais avec une certaine circonspection. Elle n’a pas la même notion que vous et moi de « se mettre en joie ».
Arrivé chez elle, elle m’entraîna immédiatement vers son coffre à jouets, expliquant « j’ai entré un nouvel accessoire du tonnerre ! » et, joignant le geste à la parole, le saisit et me le brandit sous le nez.
J’essayai de faire la mise au point, louchais, puis convint qu’il était plus simple de reculer d’un pas. Parce que chez Maîtresse Sévère, l’expression « sous le nez » est à prendre au sens littéral. J’examinai l’objet, que j’avais instantanément reconnu, réfléchis à une question pertinente, l’arrangeais afin qu’elle fut formulée avec le sens de la précision nécessaire, puis finit par la poser : « gné ? ».
« Tu sais ce que c’est ? » demanda-t-elle. Je répondis aussitôt « ben oui, c’est un pod jetable, mais je ne vois pas trop ce que… ». Mais, tandis que je prononçais ces mots, la compréhension s’était taillé un chemin dans mon esprit « ne me dis pas que… ».
Jamais je n’avais vu le visage de Maîtresse Sévère exprimer une telle joie « si ! Je fais vapoter ça, à tous les vapoteurs qui viennent me voir ! Et ils en redemandent ! Mon carnet de rendez-vous est plein pour les six mois à venir ».
Je lui posai la question qui me travaillait « mais… Je ne comprend pas pourquoi ils viennent chez toi. Tu peux trouver ces trucs n’importe où ».
Sa réponse était à la fois logique et limpide : « oui. Mais tu connais un vapoteur qui utiliserait ça sans y être obligé, et dans un autre but que de souffrir ? ».
Revenu chez moi, je constatais que l’inspiration était revenue. Rien de tel qu’un vapoteur qui souffre pour ça.