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Les “buravapeshops” selon British American Tobacco

Mis à jour le 13/06/2019 à 14h37
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Les buralistes et BAT lancent 5 points de vente 2.0, magasins pionniers d’un nouveau concept mettant en avant les dispositifs à “risques potentiellement réduits”. Nous avons interviewé les responsables de BAT France pour savoir à quoi ressembleraient ces buralistes nouvelle génération et quelles étaient leurs intentions et tenté de décrypter leur stratégie.

Point de vente 2.0

Xavier Brunschvicg, Directeur de la communication et des affaires publiques pour la France, la Belgique, et le Luxembourg et Benjamin Blivet, Shopper Marketing Manager, ont répondu à nos questions.

“Ce point de vente 2.0 est une idée globale, qui permet d’accélérer la transformation des buralistes, premier réseau de proximité en France, vers le modèle drugstore. Le concept permet de mettre en avant les nouveaux produits, particulièrement le vapotage, qui est devenu important et va encore progresser dans les prochaines années”

Les objectifs de cette opération ? “Créer un espace moderne, qui permettra de mettre en avant les nouveaux produits et d’éduquer le consommateur”. L’espace sera équipé d’une “vending machine”, à savoir un appareil qui permettra de réduire considérablement les linéaires de tabac. “C’est un des outils pour mettre en avant les nouveaux produits. Cela permet de dégager de l’espace pour les produits du vapotage, qui seront ainsi en face du client”.

Et simplifie aussi la tâche du buraliste pour vendre des cigarettes : alors que le paquet neutre et la taille réduite des inscriptions avait compliqué le rangement et la vente de cigarettes, la machine fera le tri pour lui.

Machine à vendre, supports de communication, espaces multiproduits, le bureau de tabac de demain selon BAT prend forme. 

Le concept inclut également un espace communication “Le rythme en bureau de tabac et en shop de vape n’est pas le même” soulignent les responsables de BAT “en boutique de vape, le vendeur a le temps de conseiller son client et de l’informer. En bureau de tabac, nous aurons une solution en deux temps, où le consommateur recevra un certain nombre d’informations, que le buraliste complétera ensuite”.

L’objectif : aider le buraliste à vendre de la vape… Et à ne pas oublier le tabac. 

Une sorte d’industrialisation du concept, à laquelle il serait intéressant de confronter les tabacologues, addictologues et spécialistes de la vape pour voir ce qu’ils penseront de cela, alors qu’un des aspects les plus importants selon eux dans l’efficacité du vapotage, c’est justement la personnalisation qu’elle offre…

Buraliste 2.0 à La Brillanne (Alpes de haute Provence)

Les prescripteurs d’abord

Le concept est global “Il est prévu pour accueillir l’ensemble de l’offre, ainsi, par exemple, il y a un espace pour la Française des Jeux”.

Ce qui peut se comprendre : privatisée, la Française des Jeux est plus libre de ses mouvements, et rien ne l’empêche, demain, d’aller négocier des points de vente dans la grande distribution, chez les boulangers, ou, pourquoi pas ? Dans les boutiques de vape. Autant d’hypothèses qui empêchent beaucoup de buralistes de dormir, la nuit.

Le Ministère des finances, les buralistes et les cigarettiers mettent tous la main à la poche pour sauver le métier. 

Ce point de vente 2.0 s’inscrit dans un plan plus ambitieux “Nous nous inscrivons dans le projet de transformation des buralistes négocié avec Bercy. Sur chacun des cinq points de vente, il y a plusieurs intervenants : l’aide à la transformation des buralistes, versée par l’état, le commerçant lui-même, qui investit dans son point de vente, et nous-même”.

Un plan ambitieux, et… Sans précédent. Nulle trace, dans l’histoire politique récente, d’aides aussi substantielles à une profession en difficulté. Disquaires, merceries, petits libraires, etc. apprécieront.

Mais est-ce que les buralistes doivent des contreparties à BAT, comme par exemple les brasseurs exigent une exclusivité et un niveau de commande minimum lorsqu’ils aident à financer un bar ? “Non, nous ne nous inscrivons pas dans ce modèle économique. Bien entendu, le point de vente met en avant nos produits, mais le premier investisseur reste le buraliste, et il est maître de ses choix. Mais il est évident que nous ne pourrons pas parvenir au même niveau d’investissement partout”.

La vente du tabac, pour beaucoup de buralistes, s’apparente de plus en plus à une corvée à la rentabilité incertaine.

Sur quels critères ces buralistes sont sélectionnés ? “La sélection se fait à travers nos échanges quotidiens, et nos rencontres sur les salons professionnels.” explique Benjamin Blivet. Xavier Brunschvicg complète “nous avons sélectionné ces cinq premiers magasins pilotes sur deux niveaux de critères : le volontarisme et l’entraînement. Ce n’est pas nous qui démarchons les buralistes pour ces points de vente, ce sont eux qui sont venus nous demander ce que nous avions comme solution à proposer. Les cinq points de vente avec lesquels nous allons proposer le concept dans un premier temps ont été choisis parce qu’ils sont convaincus, et que ce sont des leaders d’opinion qui pourront montrer ce que nous pouvons faire”.

Ou peut-être est-ce un moyen de contrer un autre phénomène, celui des buralistes qui ont réalisé qu’une certaine époque était révolue, et qui se tournent de plus en plus exclusivement vers la vape ? Certes, ceux qui ont tombé la carotte et sont devenus vape shops à temps plein restent rares, mais il faut savoir être honnête et constater  que de nombreux buralistes sont devenus de vrais conseillers vape, et que la vente du tabac, pour beaucoup d’entre eux, s’apparente de plus en plus à une corvée à la rentabilité incertaine…

Buraliste 2.0 à La Brillanne (Alpes de haute Provence)

Buraliste, un métier d’avenir ?

Mais il existe différentes sortes de buralistes, entre un bureau de tabac de quartier, un bureau rural ou un bureau dans un lieu de passage, les problématiques sont différentes ? “Absolument. Tous nos outils peuvent s’adapter et évoluer. L’objectif est d’entraîner l’ensemble du réseau avec nous”.

Nombre de buralistes sont pessimistes sur l’avenir de leur profession telle qu’on l’entend aujourd’hui. 

Certaines voix, parmi les buralistes, sont assez pessimistes sur l’avenir de la profession, tablant sur une baisse, pour certains, de 25000 bureaux de tabac aujourd’hui à 10 000 dans quelques années. Vous partagez cet avis ? “C’est un sujet de préoccupation chez nos partenaires buralistes” souligne Xavier Brunschvicg “il y a effectivement une baisse tendancielle de la consommation de tabac que nous ne pouvons pas contrecarrer. C’est pour cela que nous accordons beaucoup d’importance aux produits à risques potentiellement réduits.”

Chaque mot est important dans la phrase qui précède. Parmi les “produits à risques potentiellement réduit”, on compte aussi bien la vape que le tabac chauffé, dans le même sac malgré le fait que les études n’attribuent pas du tout la même dangerosité aux deux produits. Il est également à noter que, à aucun moment, BAT ne parle de risques réduits, ils le sont toujours “potentiellement”.

Pour les cigarettiers, la faute en revient aux trafics… et aux taxes. 

Xavier Brunschvicg s’agace en revanche devant un phénomène “que la lutte contre le tabagisme soit un objectif de santé publique, c’est tout à fait normal et nous l’acceptons. Mais que 25 % des cigarettes consommées aujourd’hui en France soient vendues hors réseau, c’est inacceptable. Le trafic de cigarettes, par exemple, est un fléau pour tout le monde : les buralistes, qui en souffrent, les fabricants, qui perdent du chiffre d’affaires et se voient confrontés à des enjeux de réputation, l’état, qui y perd des recettes fiscales, les riverains, parce que voir ces trafics, et tout ce que ça implique, se dérouler en bas de chez eux n’est pas sécurisant, et le consommateur, qui ne bénéficie pas de la traçabilité des produits.”

Pour BAT, les états ne prennent pas suffisamment la mesure du problème, et regardent au mauvais endroit. “Nous, par exemple, on nous reproche de livrer à Andorre beaucoup plus que la quantité de cigarettes que la Principauté devrait consommer en réalité, parce qu’elle approvisionne la vente transfrontalière. Mais légalement, nous n’avons aucun moyen de refuser ces livraisons. Pour un consommateur, les achats transfrontaliers sont légaux tant qu’il respecte certaines limites. Alors quand on nous passe une commande à Andorre, nous devons livrer, sinon nous sommes en tort légalement. Et on nous reproche, de l’autre côté, de livrer”. Xavier Brunschvicg est clair : “La raison, c’est un niveau trop élevé et une disparité importante de la fiscalité. Ne me demandez pas de régler un problème que je n’ai pas créé.”

Façade du buraliste 2.0 à La Brillanne (Alpes de haute Provence)

Vape shops et buralistes, côte à côte ou face à face ?

Si le projet de BAT se concrétise, les vape shops vont souffrir. 

Ces buralistes 2.0, face aux boutiques de vape, dans votre vision, sont ils confrères, concurrents ? “Ce n’est pas une concurrence. D’ailleurs, on le voit, les mentalités évoluent. Auparavant, nous étions parfois considérés comme les « Big Tobacco », empoisonneurs de la planète et des fumeurs. On nous accusait de vouloir tuer la vape. Mais nous ne sommes pas en train de tuer la vape, au contraire, nous accompagnons son développement. D’ailleurs, notre stratégie d’entreprise s’intitule «Transforming Tobacco». Aujourd’hui, notre chiffre d’affaire sur les produits de nouvelle génération est de 900 millions de Livres Sterling, nous visons les 5 milliards pour l’ensemble des nouvelles catégories d’ici 2023/2024”.

Cinq milliards, c’est peu pour un si grand groupe… Ah, c’est sans le tabac, d’accord. 

BAT affirme clairement ne pas croire à un monde sans tabac.

Xavier Brunschvicg développe “Il faut bien comprendre, pour les vape shops et les buralistes, que le marché de la vape est dynamique, pas statique. Nous ne nous partageons pas un marché délimité, mais au contraire, nous contribuons tous à sa croissance et à l’augmentation du nombre de vapoteurs. Les vape shops ont l’avantage de la spécialisation et les buralistes ont la densité du maillage. Ils sont complémentaires. Et les deux réseaux, aujourd’hui, ne se voient plus vraiment comme concurrents, les mentalités changent”.

Les buralistes peuvent avoir un avenir, à eux de décider si il se fera avec ou sans le tabac. 

Dans l’idée de BAT, le modèle semble clair : les fumeurs iront acheter leur kit et se faire expliquer son fonctionnement en vape shop, puis s’approvisionneront au quotidien en liquides et résistances chez les buralistes… Un modèle économique tout sauf viable pour les premiers. Il est difficile, face au professionnalisme de BAT, de croire qu’ils partagent réellement cette vision naïve. A chacun de tirer, ensuite, ses conclusions. 

Même si les intentions déclarées ne sont pas hostiles, les vape shops vont souffrir de cette confrontation. BAT veut sauver les buralistes, pas par bonté d’âme ou par reconnaissance vis à vis de leur partenaire historique, mais parce que c’est le seul réseau qui vend des cigarettes, sur lesquelles l’entreprise compte pour assurer une bonne part de son chiffre d’affaires. Le tout avec un système qui aide les buralistes à vendre de la vape, tout en les maintenant dans le tabac. Reste à savoir ce que les buralistes, pris dans une situation quelque peu schizophrène, décideront.