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Les arômes contenus dans les e-liquides représentent-ils un danger encore méconnu pour la santé ?

Mis à jour le 9/12/2015 à 15h22
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Trois médecins du département de médecine préventive de l’Université de Californie du Sud partagent leur réflexion dans une revue scientifique [1] sur le sujet des arômes dans les e-liquides pour cigarettes électroniques. Selon eux il y a urgence à mener des études sur le risque potentiel que ces ingrédients peuvent avoir sur la santé et le système respiratoire du consommateur. Ils interpellent la FDA américaine sur l’absence de proposition de loi basée sur cet aspect scientifique du vaporisateur.

Principe de précaution, fantasmes ou faits scientifiques réels ?

Les arômes sont au coeur des débats américains pour réglementer l'e-cigarette.

Les arômes sont au coeur des débats américains pour réglementer l’e-cigarette.

Voici les propos de ces trois professionnels, traduits de l’anglais, entrecoupés par des notes de la rédaction (ndlr) afin de mettre en perspective certaines informations.

L’utilisation de cigarettes électroniques (e-cigarettes), vaporisateurs stylos, stylos à shisha (e-hookah), e-cigares, e-pipes ou d’autres systèmes électroniques de délivrance de nicotine (ENDS) a considérablement augmenté depuis l’introduction de ces produits aux Etats-Unis en 2007, créant un marché qui pèse aujourd’hui 2 milliards de dollars. Il existe une controverse en ce qui concerne l’utilité des ENDS comme stratégie de réduction des risques, reflétant d’importants vides au niveau des preuves émergentes sur les avantages et les dangers potentiels de ces produits.

Bien qu’une utilisation exclusive de ENDS soit généralement considérée comme moins risquée que la consommation de produits de tabac, il subsiste des craintes sur le fait que leur disponibilité puisse conduire à une double utilisation (à savoir ENDS et cigarettes traditionnelles) et freiner le processus de cessation tabagique. En outre, il existe des craintes selon lesquelles les ENDS pourraient être utilisés par les adolescents et les jeunes adultes non-fumeurs qui n’auraient autrement pas utilisé de produits de délivrance de nicotine, et une double utilisation pourrait alors s’en suivre.

[ndlr : aucune étude à ce jour n’a pu montré d’effet de passerelle vers le tabagisme chez des jeunes non-fumeurs via l’utilisation d’e-cigarettes. A lire : Royaume-Uni : Les jeunes non fumeurs ne sont pas attirés par la cigarette électronique].

De nombreux produits aromatisés qui semblent avoir attiré l’attention des adolescents existent sur le marché, comme les arômes au goût cerise, chocolat, pomme et vanille ; leur disponibilité pourrait générer une toute nouvelle population d’utilisateurs dépendants à la nicotine qui n’avaient jusqu’alors, jamais consommé de produit de tabac.

[ndlr : En Europe, les enquêtes menées jusqu’à présent montrent que parmi les jeunes intéressés par la cigarette électronique, la majeure partie d’entre eux sont ou ont été des fumeurs. A lire : L’e-cigarette ne serait pas une porte d’entrée vers le tabagisme chez les jeunes.]

Etant donné que ces produits sont sur le marché depuis quelques années seulement, l’innocuité à long terme des ENDS n’est pas avérée. Une crainte à laquelle peu d’attention a été accordée est la possibilité d’effets toxiques provenant des arômes inhalés. A ce jour, les recherches sur la toxicité pulmonaire se sont largement concentrées sur la solution à base de nicotine (e-liquide) vaporisée par les ENDS et composée d’un certain mélange de propylène glycol, de glycérine végétale, de nicotine et d’autres arômes pour la plupart des produits.

[ndlr : Le concept d’innocuité absolue des cigarettes électroniques est à mettre en relation avec le tabagisme qui reste la première cause de mortalité évitable dans de très nombreux pays. Selon l’ensemble des études publiées jusqu’à présent le vaporisateur personnel présente une réduction des risques considérable pour le fumeur et son entourage. Des centaines de toxines reconnues comme étant très nocives dans la fumée du tabac, seule une poignée suscite l’inquiétude relative des scientifiques à l’heure actuelle, c’est notamment le cas de l’acroléine, du formaldéhyde, de l’acétaldéhyde ou encore du diacétyl même si la plupart des taux relevés restent bien en dessous des valeurs limites d’exposition (TLV). A lire : Une nouvelle étude révèle l’absence de toxines dans les e-cigarettes ou encore Les conclusion de 114 études sur la cigarette électronique.]

De récentes études in vitro ont montré que les effets cytotoxiques des e-liquides étaient largement limités aux composés aromatisés. La diversité des ENDS, en particulier en termes d’arômes, augmente également à un rythme accéléré. Jusqu’au mois de janvier 2014, il existait 466 marques différentes de cigarettes électroniques et au moins 7764 arômes uniques, soit une augmentation d’environ 10.5 marques et 242 nouveaux produits aromatisés par mois entre août 2013 et janvier 2014. En outre, de nombreux utilisateurs pourraient décider de créer leur propre solution aromatisée en mélangeant différents arômes ou en s’en en procurant directement chez les fabricants d’arômes alimentaires pour créer des goûts uniques.

[ndlr : l’attractivité de l’e-cigarette repose en grande partie sur le large choix d’arômes dont elle dispose. Limiter leur nombre réduirait l’efficacité du dispositif. A lire : l’importance des arômes.]

Les arômes sont un danger potentiel très peu connu des ENDS, conçus pour générer un aérosol ultrafin qui pénètre en profondeur dans les poumons. Des toxines nocives pour le système respiratoire provenant de ces arômes pourraient donc représenter une menace pour la santé des utilisateurs.

[ndlr : A visionner ci-dessous : Vapexpo, La vape en Questions spéciale santé.]

L’Association américaine des fabricants d’arômes et des extraits évalue l’innocuité des produits chimiques utilisés dans les arômes alimentaires dont bon nombre pourraient être utilisés dans les ENDS. Cependant, les recherches de l’association sont limitées à l’évaluation de l’innocuité des produits chimiques dans les aliments destinés à être ingérés et en tant que tel, les arômes utilisés dans les ENDS contenant les mêmes produits chimiques ne peuvent pas être considérés comme « généralement reconnus comme étant sans danger » pour être inhalés.

Par exemple, le diacétyle (2,3-butanedione) est utilisé pour donner aux aliments un goût de beurre ou de caramel. Il a été démontré qu’une forte dose de diacétyle, reconnu comme produit sûr pour être ingéré par l’Association des fabricants d’arômes et des extraits et par la FDA, provoque des bronchiolites oblitérantes aiguës, des maladies pulmonaires obstructives sévères et irréversibles, lorsque ce produit chimique est inhalé par des ouvriers exposés à des arômes à l’état d’aérosol particulaires contenant de la diacétyle. La bronchiolite oblitérante, surnommée à l’origine « popcorn worker lung », littéralement « le poumon du travailleur du pop-corn » est une maladie respiratoire qui a frappé les ouvriers d’une usine fabricant du pop-corn pour micro-ondes, après l’inhalation de vapeurs de diacétyle.

Actuellement, il n’existe aucune norme contraignante spécifique à la diacétyle visant le milieu du travail. Aux Etats-Unis, l’Institut national pour la sécurité et la santé au travail, qui fait partie des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, a recommandé que la limite d’exposition professionnelle soit fixée à 5ppb (valeur moyenne pondérée sur une durée de 8h).

A la lumière des recherches sur les effets néfastes liés à l’inhalation de diacétyle, d’autres saveurs de dicétone (par exemple 2,3-pentanedione, 2,3-hexanedione et 2,3 heptanedione) ont été utilisées comme substituts aromatiques à la diacétyle. Cependant, certaines études suggèrent que ces substituts de dicétone pourraient être aussi toxiques pour les poumons que la diacétyle.

Une récente étude conduite sur 159 solutions sucrées de ENDS a détecté la présence de diacétyle dans 69.2% des échantillons et dans au moins un échantillon chez 92% des fabricants ; de la 2,3-pentanedione a été retrouvée dans un tiers des échantillons. Les chercheurs ont évalué la teneur journalière inhalée en diacétyle et en 2,3-pentanedione à 3 mL par jour de solution de ENDS (ou de solution aromatique diluée), et ont conclu que 47.3% des solutions de diacétyle et 41.5% des solutions de 2,3-pentanedione affichaient une exposition supérieure aux normes recommandées par l’Institut national pour la sécurité et la santé au travail.

Les risques potentiels des arômes contenus dans les ENDS ne se limitent pas à la diacétyle et à ses substituts. Les arômes pourraient également contenir d’autres produits chimiques utilisés dans les arômes alimentaires qui sont considérés comme sûrs pour être ingérés mais pas pour être inhalés.

En 2012, l’Association des fabricants d’arômes et des extraits a publié un rapport dans lequel 27 produits aromatiques devaient être analysés en vue de relever les limites permissibles d’exposition professionnelle sur la base des effets toxiques néfastes sur le système respiratoire. Parmi ces 27 produis figurent la diacétyle et les substituts à la diacétyle ainsi que d’autres produits chimiques qui pourraient être inclus dans les ENDS ou des produits dérivés du processus de fabrication.

Les risques d’effets sur le système respiratoire des ENDS inquiètent l’association qui a récemment publié un rappel sur le fait que les principaux programmes d’évaluation pour la santé des arômes sont limités à l’utilisation d’arômes dans les aliments et que « les fabricants d’e-cigarettes ne doivent ni représenter ni suggérer que les ingrédients aromatiques utilisés dans leurs produits sont sûrs en raison du fait qu’ils sont estampillés du statut de FEMA (Association des fabricants d’arômes et d’extraits), à savoir « généralement reconnu comme étant sans danger » pour être utilisés dans les aliments car une telle affirmation serait fausse et trompeuse ».

Des groupes d’utilisateurs de ENDS ont exprimé en ligne leur inquiétude sur les risques potentiels pour la santé de la diacétyle contenue dans les arômes. Cependant, les risques respiratoires éventuels des arômes sont largement absents de l’agenda des autorités sanitaires et réglementaires qui se sont principalement concentrées sur l’utilisation des arômes pour attirer les jeunes dans le cadre de leur campagne agressive de marketing et sur les risques résultant de la dépendance à la nicotine chez les adolescents.

Une récente déclaration sur les ENDS par le Forum des sociétés respiratoires internationales (FIRS) ne contenait qu’une seule ligne en rapport avec les risques potentiels des arômes. A notre connaissance, il n’y a eu récemment qu’une seule analyse publiée sur la diacétyle et la 2,3-pentanedione contenues dans les arômes de ENDS et un nombre limité d’analyses sur d’autres toxines respiratoires potentielles alors qu’il n’y a pas eu suffisamment de temps pour conduire une étude épidémiologique afin de comprendre le lien entre l’utilisation des arômes dans les ENDS et les effets néfastes pour la santé.

Aujourd’hui, il n’existe aucune juridiction qui réglementerait la composition des e-liquides, aucun programme qui évaluerait les risques des arômes contenus dans les ENDS, et aucun système de surveillance qui identifierait les utilisateurs de ENDS qui souffrent de graves maladies respiratoires.

[ndlr : Chaque pays où la cigarette électronique connait un certain succès auprès des fumeurs dispose de forums d’utilisateurs ou organise des évènements autour du sujet. Certains hôpitaux français proposent même des points d’information sur le vaporisateur et les professionnels de santé sont très souvent informés par des réseaux internes à la profession. Enfin, de nombreuses enquêtes et études de suivi ont été réalisées jusqu’à présent afin d’identifier les effets secondaires ou gênes physiques ressenties par les consommateurs. Depuis 10 ans que le produit existe dans sa forme industrielle aucune grave maladie respiratoire n’a été identifiée suite à l’usage prolongé d’e-cigarettes. A lire : Résumé de l’enquête sur 19 000 vapoteurs.]

La réglementation proposée par la FDA, qui étendrait son autorité pour lui permettre de réglementer les produits qui répondent à la définition statutaire de « produits du tabac » (y compris les ENDS), ne suggère que d’interdire la vente des ENDS aromatisés aux mineurs. Aucune réglementation n’a été proposée concernant la composition des ENDS aromatisés sur la base de leurs effets sur le système respiratoire, dû en partie à l’absence de recherches disponibles sur les effets toxiques et néfastes des ENDS aromatisés.

[ndlr : une étude de Konstantinos Farsalinos menée en 2013 sur des cellules cardiaques exposées à de la vapeur d’e-cigarette dont les e-liquides contenaient différents types d’arômes, a montré que seule une très faible proportion d’arômes pouvait provoquer des dommages cellulaires, dans des mesures toujours très inférieures à celles observées pour la fumée du tabac.]

D’autres recherches sont nécessaires afin de décrire aussi bien la présence de produits chimiques dans les ENDS aromatisés que les risques liés aux effets néfastes pour la santé suite à une exposition aux e-liquides, en particulier aux arômes.

Entre temps, en dépit des avantages à long terme liés à une réduction éventuelle des risques pour la santé des ENDS, une question politique importante se pose, à savoir si les risques encore méconnus d’éventuelles maladies pulmonaires graves méritent une réglementation fondée sur le principe de précaution de la composition des e-liquides dans un contexte d’incertitude scientifique considérable.


[1] : Flavorings in Electronic Cigarettes. An Unrecognized Respiratory Health Hazard? – Jessica L. Barrington-Trimis, Jonathan M. Samet, Rob McConnell – JAMA. Published online November 10, 2014. doi:10.1001/jama.2014.14830