En ligne depuis septembre 2012, Le Petit Vapoteur est le leader européen incontesté de la vente sur le Web. Nous nous sommes rendus à Cherbourg pour interviewer Olivier Drean et Tanguy Gréard, les fondateurs de cette entreprise en croissance exponentielle. Au programme : logistique, humanisme et Red Astaire.
Le Petit Vapoteur a été créé il y a huit ans maintenant. Depuis le début, votre société est en croissance constante.
Tanguy Gréard : Oui, et nous devons anticiper en permanence cette croissance. Par exemple, nos locaux, que nous occupons depuis juin 2018, vont bientôt devenir trop petits et nous cherchons déjà quelque chose de plus grand. Nous prévoyons toujours à l’avance.
Olivier Drean : Nous avons déjà tellement lutté en cassant des murs, en travaillant dans des espaces trop restreints que nous ne voulons plus revivre ça.
Comment expliquez-vous le succès du Petit Vapoteur ?
T. G. : En fait, nous (les sites Web, ndlr) proposons tous les mêmes produits mais nous ne les vendons pas de la même manière. C’est ce qu’il y a autour des produits qu’il faut développer et je pense que nous le faisons bien. Il faut énormément de pédagogie pour les débutants, un site et un service après-vente irréprochables.
La guerre des tarifs a joué un rôle, non ? À une époque, vous étiez considérés comme les discounters du Web.
O. D. : Je ne sais pas si nous étions réellement des discounters. Certains ont focalisé sur Le Petit Vapoteur parce que nous étions numéro 1, mais finalement à l’époque, c’était une compétition entre concurrents sur le Web. Mais nous n’avons pas cassé les prix, nous nous adaptations tous aux tarifs les uns des autres.
T. G. : Quand nous avons commencé en 2010, il y avait déjà des sites qui étaient bien plus compétitifs que nous, même en termes de prix. Nous nous sommes dit que c’était un marché de boutiques physiques, donc si nous voulions que ça marche en ligne, il fallait que le service rendu soit exactement le même que celui d’une boutique physique. Ça passait par un SAV, un conseil et une pédagogie irréprochables, une relation avec des gens en direct, bref, un écosystème où le client est au centre de la relation et dans lequel il se sent privilégié comme dans une boutique physique. Finalement, il y a même plus de services que dans une boutique.
O. D. : Nous avons toujours respecté et écouté le client en proposant des prix justes. Nous n’avons jamais été dans la vente pour la vente. Nous avons aussi beaucoup écouté les retours clientèle concernant notre service et nous regardons beaucoup les avis déposés sur les produits. C’est une source d’inspiration pour nous améliorer et que l’expérience client soit la meilleure.
Que ressentez-vous quand il y a des avis négatifs déposés sur le site ?
T. G. : La majorité des avis négatifs résulte de problèmes de transport une fois que le produit est entre les mains du prestataire de livraison, là nous ne maîtrisons plus. Quand l’avis négatif concerne un problème interne à l’entreprise, nous sommes sur le coup et nous essayons de résoudre le problème.
Le Petit Vapoteur est leader de la vente sur le Web et pourtant, quand on se promène dans vos locaux, on voit peu de personnes travailler sur des écrans.
O. D. : Oui, parce que le cœur de notre métier, c’est la logistique. Être capable d’envoyer le jour même un produit commandé par le client le matin, c’est notre challenge quotidien. Et actuellement, nous devons réaliser ce défi pour 5 000 commandes. Notre objectif, c’est qu’il y ait plus de commandes, donc nous améliorons sans cesse les fonctionnalités du site Web et en parallèle, nous adaptons la logistique pour faire face aux augmentations de commandes qui en découlent.
Le process est donc en évolution constante ?
O. D. : Oui, on l’améliore en temps réel, on s’adapte en permanence. En gros, nous devons être en capacité de gérer les augmentations constantes des ventes, donc nous essayons de trouver des solutions au fur et à mesure.
Le vrai challenge n’est pas d’optimiser le processus en place, mais de le faire en anticipant l’augmentation du volume à venir ?
O. D. : Oui, mais nous n’avons pas à faire face à des augmentations brutales, elles sont lissées. Mais effectivement, nous devons anticiper la hausse de demandes.
Dans l’entrepôt, nous avons l’impression d’être dans une fourmilière. Vous passez vos journées à serrer des mains, non ?
O. D. : Oui, ça nous prend 1h30 par jour (rires). Et l’activité ne s’arrête jamais, des salariés travaillent la nuit et le week-end. Nous avons quatre équipes : une équipe du matin, une équipe “classique”, une équipe de soir et une équipe de nuit.
De quoi êtes-vous le plus fier au niveau logistique ?
O. D. : Notre grande fierté, c’est notre système logistique. Derrière cette tablette, il y a des heures et des heures de développement. Chaque préparateur de commande en est équipé sur son chariot. L’application a été conçue en interne, toute la logistique est cousue main. C’est un système en évolution constante pour être parfaitement adapté à notre manière de travailler.
T. G. : La logistique est une partie importante mais le service Web est aussi très étoffé. Le service Web, le service photo et les développeurs comptent quand même une quinzaine de personnes. C’est aussi une petite fourmilière. Il y a une personne pour chaque fonction, que ce soit la traduction, le référencement, la gestion des réseaux sociaux, l’élaboration des fiches produits.
Travaillez-vous encore personnellement sur la gestion du site ?
O. D. : Oui, nous travaillons encore beaucoup sur l’amélioration du site. Nous cherchons toujours de nouvelles fonctionnalités.
T. G. : Notre objectif, c’est de simplifier au maximum l’expérience utilisateur pour faire en sorte que le débutant soit le moins perdu possible. Nous essayons de faire en sorte que le client ait les réponses à ses questions et qu’il achète vraiment le produit qui lui correspond. C’est ça notre axe de développement.
O. D. : Le module “DIY facile” est représentatif de ce qu’on sait bien faire. Nous sommes partis du constat que le matériel consomme de plus en plus, donc le vapoteur va dépenser beaucoup d’argent pour arrêter de fumer. Nous nous sommes dit qu’en France, nous avons la chance que le DIY se développe bien avec de nombreux arômes disponibles. Mais il y a beaucoup d’obstacles : il faut du matériel, pouvoir doser ses produits, etc. Alors nous nous sommes dit que l’idéal ce serait de pouvoir faire du DIY un peu comme on prépare ses sirops.
Nous avons donc créé un module “DIY facile” dans lequel il faut simplement rentrer l’arôme que l’on souhaite vapoter et le taux de nicotine souhaité. Le module propose alors un pack avec la base, les boosters de nicotine et les fioles d’arômes. Il y a aussi une vidéo qui explique comment faire son mélange. Nous nous sommes vraiment creusé la tête pour répondre à un besoin du vapoteur. On peut se dire que ce n’est pas forcément rentable pour nous, car le client va mettre plus de temps à revenir sur le site puisqu’il a un gros volume d’e-liquide à vapoter. Mais le client est satisfait et probablement fidélisé.
C’est un gros challenge. Justement, comment les marges ont-elles évolué depuis la création du site ?
O. D. : Étonnamment, nos marges augmentent globalement.
T. G. : Les marges sur le matériel baissent.
O. D. : Mais globalement, elles augmentent parce que nous avons du volume, donc des prix fournisseurs intéressants. Nous avons aussi des commerciaux qui négocient les prix et nous avons constaté qu’en gros, nous avons réalisé une marge plus importante que les années précédentes.
Quels sont vos best-sellers ?
O. D. : C’est le pack iKuu/Zenith. C’est un pack que nous avons créé nous-mêmes en allant chercher un clearomiseur qu’on a testé et qui nous plaisait vraiment, que nous avons associé avec une batterie pas chère avec beaucoup d’autonomie et facile d’utilisation. Pour nous, c’est un kit ultime pour arrêter de fumer. Et ça reste notre objectif.
Et au niveau des liquides ?
O. D. : Il y a toujours des références comme le Tribeca de Halo.
T. G. : Le Red Astaire de T-Juice, c’est vraiment l’or rouge.
O. D. : Et ce qui est intéressant, c’est que T-Juice a rapidement commercialisé du DIY et ça a boosté leurs ventes d’e-liquides et d’arômes en même temps. Ça a été une surprise, nous ne nous y attendions pas à l’époque.
Plus de 50 boutiques en 2021
Le Petit Vapoteur souhaite développer son réseau de boutiques physiques et s’est fixé l’objectif de 50 magasins au total. La société travaille actuellement sur le développement de son réseau parisien. Aujourd’hui, l’enseigne compte 11 boutiques implantées dans le Grand Ouest : à Cherbourg, Caen, Le Mans, Nantes, Angers, Rouen, Rennes, Lorient, Amiens, Granville et Orléans.
Il y a une dimension empirique dans le développement. C’est donc aussi une question de chance. Vous avez sans doute dû subir des échecs, vous pouvez en citer ?
T. G. : Il n’y a pas eu beaucoup de fiascos. Ah si, peut-être le pack One, c’était une batterie type cigalike avec un tout petit clearo d’une autre marque. Nous l’avions appelé One car nous pensions c’était la bonne e-cig pour arrêter de fumer. Les ventes n’ont pas été ridicules, c’est la technologie qui n’était pas au point, le produit marchait mal. À ce moment, on s’est dit que nous étions très bons pour vendre les produits des autres mais pas pour créer nos propres produits. Depuis, nous nous sommes professionnalisés et nous sommes entourés de gens qui maîtrisent parfaitement la vape. Nous avons toutes les compétences en interne pour développer notre propre matériel.
Quel est votre point de vue sur le CBD ?
O. D. : Nous sommes posé beaucoup de questions sur le sujet, nous en vendons parce qu’il faut le faire, mais nous nous limitons à deux gammes.
T. G. : Il y a quand même des ventes. Des gens disent que ça soulage leur mal de dos.
Le Petit Vapoteur a toujours porté des valeurs humanistes. Est-ce que c’est difficile de les conserver en grossissant comme vous le faites ?
T. G. : Plus nous sommes nombreux, moins l’ambiance est familiale. Mais je pense que les valeurs de départ sont toujours là et que tout le monde en est conscient.
Par exemple, quel est le salaire d’un préparateur de commande chez Le Petit Vapoteur ?
O. D. : Avec les primes, il peut gagner jusqu’à 2 200 € nets par mois.
T. G. : Nous avons la chance de n’être que deux dirigeants, il n’y a pas d’actionnaires dans notre société, on maîtrise le process de A à Z. Donc, on peut redistribuer ce qu’on a envie de redistribuer. Chacun participe à sa manière au développement de la société, c’est normal que chacun en récolte les fruits. Pour avoir travaillé dans d’autres sociétés avant, il n’y a rien de plus frustrant que d’enrichir les dirigeants en sachant que tu ne toucheras jamais les fruits de ton investissement.
O. D. : Nous considérons que si nous en sommes là actuellement, ce n’est pas juste Tanguy et moi. L’ensemble des salariés a participé au développement de la société.
T. G. : Il n’y a pas que ça qui compte. Tu peux avoir un très bon salaire et être malheureux dans ton entreprise. Les gens qui travaillent chez Le Petit Vapoteur aiment aussi l’aspect transversal, les décisions ne sont pas prises de manière très hiérarchisée. Ici, tout le monde échange avec tout le monde.
O. D. : Il y a finalement peu de hiérarchie. Il y a nous deux, une ligne de responsables et c’est tout. Et c’est volontaire, nous voulons limiter au maximum les échelons. Ça permet aussi de prendre des décisions très rapidement.
Comment arrivez-vous à associer l’environnement capitaliste et vos valeurs humanistes ?
O. D. : C’est une situation schizophrène. Nous sommes pris dans un jeu et nous le vivons un peu comme ça.
T. G. : Je ne suis pas contre le fait d’avoir de la croissance. Mais avec les bénéfices que nous générons, nous pouvons aussi faire du bien autour de nous, comme nous l’avons fait avec l’opération Black Fairday par exemple (lors du Black Friday 2018, Le Petit Vapoteur a reversé intégralement son chiffre d’affaires à des associations, ndlr). Le capitalisme peut être négatif quand il n’y a pas de redistribution. Avec le Black Fairday, nous avons montré qu’on peut associer une activité économique florissante à une redistribution pour des causes sociétales importantes. Je pense que ce n’est pas assez fait. Nous avons voulu montrer qu’il peut y avoir un échange prospère entre les entreprises commerciales et la société civile.
Olivier Drean, vous aviez dit dans l’un de nos reportages : “Pour vivre heureux, vivons cachés”. Vous êtes toujours d’accord avec cette phrase ?
O. D. : Moi je suis toujours dans cet état d’esprit-là.
T. G. : Je suis plus partagé là-dessus. Personnellement, nous n’aimons pas nous mettre en avant, mais je pense qu’il faut de plus en plus mettre en valeur Le Petit Vapoteur et le message qu’on diffuse parce que c’est ce qui fera avancer la vape. Plus nous nous développons, plus nous créons de l’emploi, plus nous participons au lien social et au développement d’un territoire, plus ça peut sauver la vape et la pérenniser sur le long terme. C’est important de communiquer là-dessus.
Sur Facebook, il y a une communauté Le Petit Vapoteur, le tchat est géré par des clients, il y a donc des fans du Petit vapoteur.
O. D. : Ça me dépasse un peu par contre… (sourire)
T. G. : Avant d’être fan du Petit vapoteur, ils sont fans de la vape. Ils sont tellement fiers d’avoir réussi à arrêter de fumer après avoir essayé de nombreux substituts que je pense qu’ils ont envie de partager ce message-là avec les autres. Et nous avons la chance d’avoir réussi à créer une belle identité autour de la marque. Je pense que c’est l’association de ces deux éléments qui fait que la communauté est importante.
Un nouveau drive au printemps 2019
Sur le modèle de la grande distribution, d’ici quelques semaines, les clients du Petit Vapoteur de la région de Cherbourg pourront venir chercher leur commande eux-mêmes au 325 C, rue de Sauxmarais à Tourlaville. Ce service sera ouvert toute la semaine et à n’importe quel moment de la journée. Après avoir passé commande, le client recevra un code par e-mail qu’il devra entrer pour déverrouiller le box contenant ses produits.
Après huit ans, comment vous arrivez à ne pas être lassés de la vape ?
O. D. : Nous avons eu des périodes nous étions moins motivés, mais des opérations comme le Black Fairday, par exemple, redonnent du sens à ce que l’on fait. Ça nous donne de l’énergie.
T. G. : Nous croyons toujours dans les bienfaits de la cigarette électronique, mais nous avons moins d’appétence, d’excitation qu’il y a huit ans. Ce sont les relations humaines, des projets que nous créons, qui entretiennent la flamme.
Êtes-vous d’accord avec la citation “Grosse entreprise, gros problèmes” ?
T. G. : Oui c’est vrai, mais il faut relativiser. S’il arrive qu’il y ait des gros problèmes, c’est que derrière il y a eu des avancées, une construction qui nous ont forgés.
O. D. : Et nous commençons à bien vivre cette pression. Nous sommes bien plus zen, bien plus capables d’encaisser des choses qu’il y a quelques années.
Quel projet avez-vous pour 2019 ?
G. : Nous projetons de créer notre propre matériel afin de boucler la boucle, nous allons étendre notre réseau de boutiques physiques en France sur une zone géographique qui va, en gros, de Biarritz à Metz, et nous allons ouvrir un drive à Tourlaville, à côté de Cherbourg.
La vape de Tanguy Gréard
- Vapoteur depuis : 2010.
- Setup actuel : kit Nord de Smok.
- Liquide préféré : Classic Blend du Petit Vapoteur.
- Taux de nicotine : 6 mg/ml.
- Consommation quotidienne : 3 ml.
La vape d’Olivier Drean
- Vapoteur depuis : 2010.
- Setup actuel : iKuu i80 d’Eleaf et Zenith d’Innokin.
- Liquide préféré : Classic Blend du Petit Vapoteur.
- Taux de nicotine : 6 mg/ml.
- Consommation quotidienne : 4 ml.
Le Petit Vapoteur en chiffres
- Date de création : 2012.
- Chiffre d’affaires en 2018 : NC.
- Investissement de départ : 5 000 €.
- Nombre de salariés : 127 (+ 61 % par rapport à 2017).
- Première gamme d’e-liquide : 2013.
- Première boutique physique : 2013.
- Deuxième plus forte croissance pour une entreprise européenne : 2017 (+ 3 957 % en 3 ans).
- Superficie de l’entrepôt : 2 800 m².
- Nombre de commandes : 5 000 par jour.
- Nombre de clients : 800 000.
- Croissance du chiffre d’affaires en 2018 : + 53 %.
- Nombre de références : 6 000.
- Nombre de fournisseurs : 250.
- Boosters de nicotine vendus en 2018 : 5 128 452.