Une étude alarmante en provenance de l’université de Portland aux États-Unis et réalisée par les chimistes Peyton et Pankow a été publiée dans le New England Journal of Medicine dans la nuit du mercredi 21 janvier.
5 à 15 fois plus cancérigène
Le britannique Clive Bates, ancien directeur de l’association ASH, connu pour ses actions de défense d’une vape libre en Europe, anticipe sur son blog la vague médiatique qui pourrait découler de cette nouvelle publication.
Intitulée “Le formaldéhyde caché dans les aérosols de cigarettes électroniques – des questions et des préoccupations“, l’étude mettrait en avant des taux très élevés de formaldéhyde détectés dans la vapeur et viendrait à la conclusion que l’e-cigarette augmenterait de 5 à 15 fois les risques de cancer que peuvent engendrer à long terme la fumée du tabac.
Alors que nous ne connaissons pas encore le contenu exact du premier communiqué de presse envoyé à certaines personnes (dont Bates fait semble-t-il partie), ni les détails de cette étude, Clive Bates posent des questions à ses auteurs.
Le protocole expérimental reflète-t-il des règles d’usage normal ? Des taux trop élevés de formaldéhyde indiquent généralement un régime (cadence des bouffées) non réaliste. Des mesures ont-elles été prises pour éviter les bouffées sèches (dry puff), c’est à dire une activation de l’atomiseur alors que les mèches ne sont pas correctement alimentées en e-liquide ? Les vapoteurs sentent instantanément quand la configuration d’un appareil n’est pas correcte. Un atomiseur mal alimenté provoque une vapeur acide très désagréable (dont le formaldéhyde et d’autres substances sont probablement responsables).
Pour affirmer que la cigarette électronique puisse provoquer le cancer il faut s’assurer que les conditions étudiées soient conformes à un usage humain, et donc réaliste. Bates questionne ensuite les scientifiques sur la part de responsabilité du formaldéhyde dans les cancers provoqués par le tabagisme (sujet sur lequel la littérature scientifique n’est pas très précise) et s’interroge en conséquence sur la proportion imputée à la vape.
Le britannique rappelle enfin que les aldéhydes (tels que le formaldéhyde et l’acetaldéhyde) sont naturellement présents dans l’environnement et font partie des métabolites du sang humain.
Après la vague médiatique qu’avait suscitée l’étude japonaise, les acteurs de la vape semblent plus que jamais sur le qui-vive. Nous tenterons de publier ici chaque nouvelle information qui nous parviendrait et restons vigilants sur ce sujet.
Synthèse du 22 janvier à 14h48
En résumé d’après nos informations :
- Aucune trace de formaldéhyde n’aurait été trouvée dans la vapeur lorsque la cigarette électronique a été utilisée dans des conditions normales. Le modèle d’e-cigarette utilisé aurait pu être mal exploité (problème d’alimentation en e-liquide) et/ou surexploité (surchauffe due à une tension de la batterie trop élevée).
- Selon le chercheur K. Farsalinos, qui a réalisé de nombreux travaux sur l’e-cigarette, l’étude ne parle pas de formaldéhyde mais d’hémacietals de formaldéhyde, soit une combinaison de formaldéhyde et d’alcools. Selon certains spécialistes dont fait partie K. Farsalinos il n’y aurait aucune donnée scientifique permettant d’affirmer que les hémacietals de formaldéhyde peuvent provoquer le cancer chez l’être humain. Il y aurait même au contraire selon eux de fortes possibilités pour que ces agents protègent l’organisme du formaldéhyde lui même.
- L’étude américaine de Peyton et Pankow fait référence à une étude dermatologique pour justifier du risque cancérigène du formaldéhyde, or elle n’aborde pas le sujet du formaldéhyde inhalé.
- Elle n’explique pas non plus qu’un vapoteur victime d’un dry hit (une bouffée sèche) détecte très facilement le dysfonctionnement, ce qui laisse penser que les chercheurs pourraient être très éloignés d’une certaine réalité de terrain.
Sur la forme :
- L’étude n’aurait pas été revue par les pairs comme le veut la rigueur scientifique.
- Pour le moment il ne s’agirait que d’un article paru dans la revue scientifique The New England Journal of Medecine, et n’aurait pas encore été présenté sous la forme d’un document scientifique complet détaillant l’étude.
- Un flux important de messages sur Twitter reprenant le même contenu (Study finds Ecigs produce more formaldehyde than regular cigarettes) aurait été aperçu quelques minutes après la publication de l’article. L’information aurait été à l’origine diffusée via le média BuzzFeed.
Mise à jour 23 janvier
23h42 : Michael Siegel relaie les critiques de Farsalinos et déplore l’impact négatif déjà causé par les conclusions faussement alarmistes des chercheurs américains.
23h34 : Le Pr Dautzenberg est interviewé sur France Info. La nouvelle étude qui met en cause la e-cigarette “se moque de la science”.
23h26 : Le Quotidien du Médecin relais les critique de JF Etter et B. Dautzenberg. « L’étude est limite car les conditions d’expérience ne sont pas correctes et ne reflètent pas le comportement du vapoteur », argumente le Pr Jean-François Etter.
Mise à jour 22 janvier (les horaires indiqués ne correspondent pas à l’heure de publication des sources citées mais à la date de publication de nos propres mises à jour)
21h36 : Gérard Mathern, pneumologue tabacologue, dans un interview sur France Info relativise lui aussi les résultats de l’étude et remet en cause le protocole expérimental qui serait très éloigné de conditions normales d’utilisation.
20h55 : Sciences et Avenir appelle à la prudence et indique vouloir creuser le sujet plus en détails avant de tirer des conclusions trop hâtives.
20h43 : Le journal Le Télégramme interview Jacques Le Houezec qui prend le soin de synthétiser les nombreuses critiques faites au sujet de l’étude.
16h46 : Brice Lepoutre indique à notre rédaction qu’il a participé à des émissions chez Sud Radio, BFM, Le Parisien, Le quotidien du médecin, Santé magazine et Europe1.
15h48 : BFMTV – Bertrand Dautzenberg met en garde les vapoteurs sur le phénomène du dry hit et relativise les conclusions de l’étude américaine.
15h23 : Paris Match titre “L’étude qui fait grand bruit est contestée” et cite le cardiologue Konstantinos Farsalinos dans son article.
15h09 : Konstantinos Farsalinos publie une mise à jour de ses commentaires. Il renouvelle ses doutes quant à une mauvaise utilisation du matériel et explique qu’il est “plus qu’évident que les taux élevés de formaldéhyde qui ont été détectés sont le résultat d’une surchauffe de l’atomiseur”.
14h02 : Le Figaro revient avec un article plus nuancé et titre “Une nouvelle attaque contestée contre la cigarette électronique” en parlant désormais “d’un risque très limité”. Jacques Le Houezec y est cité.
12h39 : Le Figaro supprime de son site l’article intitulé “L’e-cigarette plus cancérigène que le tabac”.
12h33 : La FIVAPE publie un communiqué dans lequel elle explique que “les conditions d’un vapotage normal n’ont rien à voir avec celles recrées dans cette « étude »”.
12h35 : La Voix du Nord relaie les critiques de Konstantinos Farsalinos et Peter Hajek sur le protocole expérimental.
12h31 : Thomas Laurenceau, rédacteur en chef de 60 millions de consommateurs, s’insurge sur Twitter en réponse au journal Le Parisien : “Non, non et non, l’e-cig nest pas plus cancérigène que le tabac, même quand elle émet du formaldéhyde!” puis ajoute “Eh, les confrères, le formaldéhyde n’est qu’un composé toxique de la fumée du tabac, et l’e-cig est toujours moins cancérogène que le tabac!”
12h18 : Luc Dussart publie un billet intitulé “L’État français téléguide l’Agence France Presse (AFP) pour dénigrer la cigarette électronique” et dénonce une “manipulation”.
11h46 : Le journal Le Monde nuance et change le titre de son article qui était “Une nouvelle étude accable la cigarette électronique” et qui devient désormais “Une étude controversée met en cause la cigarette électronique”. Le contenu de l’article est également mis à jour “pour y intégrer les objections formulées par des chercheurs à l’égard de l’étude”. Le quotidien indique que “dans les conditions de la vie réelle, les vapoteurs ne seraient donc pas exposés à des concentrations de formaldéhyde de l’ordre de celles analysées dans l’étude.”
11h40 : Maitre Eolas (avocat au barreau de Paris) ironise sur Twitter à propos du journal Le Monde : “Le Monde s’est fait hacker par le lobby du tabac”.
11h31 : Les chercheurs indiquent avoir utilisé un atomiseur CE4 Sailebao avec une résistance de 2.1 ohm ainsi qu’une batterie Innokin iTaste VV V3.0.
11h22 : Le pneumologue Bertrand Dautzenberg rappelle sur iTELE que la cigarette électronique est une méthode de réduction des risques pour le fumeur, et que la fumée du tabac contient plus de 4000 substances toxiques.
11h16 : Jean-Yves Nau indique qu’il s’agit en fait “d’une simple « correspondance » adressée à la prestigieuse revue – un courrier qui n’a pas le rang d’une publication”. Nau cite également Jean-François Etter (Université de Genève) : “Comme dit mon collègue Konstantinos Farsalinos, c’est comme carboniser un steak et ensuite tester s’il y a des substances cancérigènes. Mais personne ne mangera jamais ce steak.” Le journaliste scientifique estime que cette annonce va une fois de plus nourrir la controverse “quant à l’innocuité d’un procédé qui démontre pourtant chaque jour un peu plus sa capacité à réduire les risques cancérigènes (amplement démontrés) de la consommation de tabac”.
10h51 : L’American Vaping Association titre sur son site “Une nouvelle étude soulève la crainte du formaldéhyde basée sur un protocole défectueux“.
10h46 : Le professeur Michael Siegel (Université de Boston, États-Unis) critique également le protocole expérimental. “Les conditions mises en oeuvre pour étudier la vapeur à des hautes intensités (batterie) ne sont pas réalistes et dans ces conditions, un vapoteur ne pourrait pas être capable d’utiliser son vaporisateur.”
10h42 : L’ECITA a indiqué mercredi que l’étude n’avait pas été revue par les pairs comme le veut la tradition scientifique.
10h33 : Le pharmacologue Jacques Le Houezec publie une critique de cette étude et cite également Farsalinos pour aborder le problème du protocole expérimental.
10h23 : Le Monde cite la critique de Peter Hajek. Le scientifique britannique remet en cause le protocole expérimental qui ne serait pas réaliste. Les dry hits (bouffées avec une mauvaise alimentation en e-liquide de l’atomiseur) pourraient être à l’origine de la formation de formaldéhyde. Cité dans le Daily Mail il indique : “Quand un poulet est brûlé, le croustillant noir qui en résulte peut contenir des substances cancérigènes, mais cela ne signifie pas que le poulet soit cancérigène”. “Vapoter n’est peut être pas aussi sain que de respirer de l’air pur de la montagne, mais c’est beaucoup plus sûr que de fumer. Ce serait une honte si cette étude écartait les fumeurs qui ne peuvent pas ou ne veulent pas arrêter de fumer de la vape, et retournent par conséquent vers leurs cigarettes mortelles.”
10h14 : Critique de Konstantinos Farsalinos
Selon Farsalinos les auteurs n’ont en fait pas trouvé du formaldéhyde mais des hémacietals de formaldéhyde. Il s’agit d’une combinaison de formaldéhyde et d’alcools (formaldéhyde-propylène glycol ou glycérol-formaldéhyde). Les auteurs ont caractérisé ces agents comme libérant du formaldéhyde, en fournissant une référence vers une étude évaluant la dermatite de contact de ces agents. Cependant, en regardant l’étude citée, il est même probable que ces agents libérateurs de formaldéhyde n’aient rien à voir avec les hémacietals de formaldéhyde trouvés dans les aérosol d’e-cigarette.
De plus il n’y a absolument aucune preuve que les hémacietals de formaldéhyde soient toxiques ou cancérigènes pour l’organisme. Il est possible en fait que la formation d’hémacietals pourrait même protéger l’organisme contre les dommages induits par le formaldéhyde. Les auteurs ont cependant considéré que le risque d’exposition à ces agents était équivalent à celui du formaldéhyde et ont ainsi calculé un risque de cancer avéré.
Le Dr Farsalinos s’est ensuite penché sur les conditions d’expérimentation de l’équipe américaine. Lui même vapoteur, il connait bien les pièges dans lequels les recherches peuvent tomber, notamment ceux concernant la surchauffe qui conduit inévitablement au “dry hit”, cette activation d’un atomiseur mal alimenté en e-liquide qui donne un goût exécrable dont l’âcreté est insupportable pour tous les vapoteurs.
De plus et selon ses estimations, l’étude a probablement été menée avec un atomiseur monté avec une résistance de 1,4-1,6 ohms. A 5 volts, la puissance est de 14 à 16 watts. A ces valeurs la surchauffe est certaine, et, effectivement du formaldéhyde peut être détecté et en forte quantité dans la vapeur, mais AUCUN vapoteur n’utilisera jamais sa cigarette électronique dans ces conditions selon le chercheur. Au vue du ramdam médiatique que cette étude est en train de créer Farsalinos invite ses pairs scientifiques a faire l’essai une fois pour comprendre le phénomène du dry hit. Les conditions sont en effet assez simples à réunir : une batterie, un atomiseur et pas de liquide …
8h00 : L’étude des deux chercheurs est disponible sur le site du New England Journal of Medecine
Mise à jour 21 janvier
15h07 : Une traduction du billet de Clive Bates est disponible sur le site Vape Studies.
15h30 : En 2014 Peyton et Pankow avaient déjà émis des réserves quant à l’inhalation d’arômes dans la vapeur des e-cigarettes et annonçaient à cette période commencer des travaux.
00:00 : L’AIDUCE invite ses lecteurs à ne pas écouter les “sirènes de la désinformation”.