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L’acroléine dans la vapeur des cigarettes électroniques

Mis à jour le 4/07/2018 à 9h21
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L'acroléine, un composé toxique présent dans la fumée de cigarette, aurait également été découvert dans la vapeur des cigarettes électroniques.

L’acroléine, un composé toxique présent dans la fumée de cigarette, aurait également été découvert dans la vapeur des cigarettes électroniques.

Quand on est vapoteur ce n’est pas le genre de choses que l’on aime entendre : une étude montre que la cigarette électronique expose le vapoteur à de l’acroléine, une substance contenue également dans la fumée des cigarettes traditionnelles et très toxique pour le corps humain [1].

Rassurez-vous, l’étude dont il va être question ici montre à priori des niveaux bien inférieurs à ceux trouvés dans la fumée de cigarette. Mais si vous êtes comme moi, il y a toujours cette petite inquiétude qui plane quand on commence à parler de nocivité.

Tout bon vapoteur vous le dira, la vapeur d’une ecig ne peut pas être considérée comme une simple vapeur d’eau, soyons réalistes, et même si toutes les études, sans exception, montrent que l’e-cigarette diminue les risques pour le fumeur, j’éprouve quand même un fort besoin de comprendre exactement quels sont les risques auxquels je m’expose toujours en vapotant.

Avertissement Je tente ici d’apporter des éléments de réflexion sur une question compliquée (car scientifique). Si vous pensez que cet article contient des erreurs ou des omissions, merci de me l’indiquer dans la section des commentaires plus bas pour en discuter.

La plupart des études d’analyses de l’air “pollué” par une e-cigarette sont très rassurantes et portent même à penser que la vapote passive reste vraiment très relative, mais d’autres en revanche sont plus inquiétantes. Il est très difficile pour l’utilisateur de s’y retrouver, entre d’un côté les études financées par l’industrie pharmaceutique, productrices de produits concurrents, et d’un autre celles financées par l’industrie de l’e-cigarette, voir même de l’industrie du tabac, on ne sait plus trop qui croire, surtout si l’on ajoute à cela des protocoles expérimentaux tous différents ainsi que des conclusions parfois trop interprétées par les chercheurs.

Comme annoncé précédemment, le nombre d’études sur la cigarette électronique est en train d’augmenter, et sous les pressions gouvernementales et ceux des lobbys, un besoin se fait clairement sentir pour trancher catégoriquement sur la question : “la cigarette électronique est-elle nocive pour la santé ?”.

En tant que vapoteur je pense que l’interrogation est d’ores et déjà biaisée, car la vraie question serait plutôt “quel niveau de réduction des risques la cigarette électronique offre-t-elle au fumeur ?”.

Maciej L. Goniewicz, le chercheur qui va tous nous faire flipper

J’avais parlé l’année dernière d’un certain Maciej L. Goniewicz, un chercheur d’origine polonaise travaillant au UK Center for Tobacco Control et à l’Université Queen Mary de Londres. Ce scientifique, spécialiste du tabagisme, s’est beaucoup penché sur les méthodes de sevrage (il avait d’ailleurs vanté la varécicline [2], alias Champix aux Etats-Unis) et s’intéresse depuis quelques temps à la cigarette électronique.

Sa dernière publication sur la cigarette électronique remonte il me semble à septembre 2012 [3] et concernait l’usage de l’ecig chez des jeunes polonais. La conclusion n’était pas très tranchée : un cinquième de son échantillon avait déjà utilisé la cigarette électronique tout en ayant majoritairement déjà fumé des cigarettes. Une autre de ses études [4] avait montré que les quantités de nicotine délivrées par l’ecig étaient inférieures à celles  administrées via une cigarette. Rien de bien inquiétant jusqu’à présent mais la suite l’est un peu plus.

Goniewicz avait expliqué, dans un document [5] présenté au groupe parlementaire de la santé au Royaume-Uni, que d’après ses recherches, la vapeur d’une cigarette électronique contiendrait à des niveaux significatifs, certains des éléments cancérigènes contenus dans la fumée d’une cigarette. Je n’ai aucune connaissance à l’heure actuelle du détail expérimental de l’étude dont il parlait à l’époque (octobre 2012), mais je pense qu’il s’agit du même lot expérimental présenté récemment au meeting SNRT de Boston. Les chiffres font en tous cas un peu froid dans le dos.

Le tableau contenu dans ce document présentait les comparaisons suivantes (ecig versus cigarette) :

  • Formaldéhyde : 2 fois moins
  • Acetaldéhyde : 130 fois moins
  • Acroléine : 4 fois moins
  • Toluene : 23 fois moins
  • Nitrosonornicotine (NNN) : 145 fois moins
  • Nicotine-derived nitrosamine ketone (NNK) : 30 fois moins
  • Cadmium (Cd) : 16 fois moins
  • Nickel (Ni) : 15 fois moins

Les points qui peuvent inquiéter le vapoteur seront sans doute ceux qui concernent le Formaldéhyde (2 fois moins) et l’Acroléine (4 fois moins), ainsi que les deux métaux lourds (Cadmium et Nickel). Pour ce qui est du formaldéhyde j’avais déjà essayé de couvrir un peu le sujet, mais cette histoire d’acroléine ne s’arrête pas là.

Une étude récente de Goniewicz montre que la cigarette électronique est bien une source d’acroléine

Voici la conclusion d’une étude de Goniewicz présentée au dernier meeting du SNRT de Boston [6]. Traduit de l’anglais :

Nos résultats suggèrent que la vapeur de cigarette électronique est une source d’acroléine, cependant le niveau d’exposition est inférieur à celui des cigarettes traditionnelles. La substitution des cigarettes au tabac par la cigarette électronique peut substantiellement réduire l’exposition à l’acroléine chez le fumeur. Des études plus poussées sont nécessaires pour évaluer les effets à long terme de l’inhalation d’acroléine via l’usage des cigarettes électroniques.

Cette conclusion est basée sur les résultats suivants:

Les niveaux d’acroléine détectés dans la vapeur des cigarettes électroniques varient entre 0.07 et 4.19 μg pour 15 bouffées, ce qui est environ 4 fois inférieur aux niveaux détectés dans la fumée de cigarettes. La concentration moyenne 3-HPMA dans l’urine des vapoteurs était de 308 (IQR 134-516) ng/mg de creatinine et était significativement inférieure à celle des fumeurs de cigarettes (822 (IQR 464-1,423) ng/ mg de creatinine; p<0.05).

Si je comprends bien le document qui résume cette étude, les niveaux d’acroléine ont été détectés à partir de deux sources : la vapeur en elle même, directement extraite par une machine à fumer, et les urines des sujets vapoteurs.

Dans les deux cas, les taux sont inférieurs à ceux trouvés chez les fumeurs. C’est une bonne nouvelle certes, si nous vapotons nous réduisons nos risques en tant que fumeurs. Malheureusement chacun voudrait que son nouveau substitut soit le moins nocif possible.

Que faut-il penser de cette étude ?

Les questions qui doivent être soulevées concernent le protocole expérimental. J’avais déjà parlé de cette question d’acroléine dans les urines suite à la remarque dont m’avait fait part le Docteur Farsalinos. L’acroléine peut en effet avoir des sources alimentaires, notamment via les aliments frits, mais également environnementales et industrielles [7]. Pour en avoir le coeur net, il faudrait peut être isoler ces variables.

La seconde question concerne les résultats très contrastés sur les taux d’acroléine détectés dans la vapeur directement extraite, et qui varient entre 0.07 et 4.19 μg pour quinze bouffées (quinze étant le nombre moyen de bouffées nécessaires pour consumer une cigarette).

Comment les résultats peuvent-ils varier de plus de 5000% ? Y-aurait-il eu surchauffe de l’atomiseur ? Quel est le temps de latence entre chaque bouffées ? Quelle est la composition des e-liquides testés et avec quel type de matériel ? J’ai posé toutes ces questions par email à Maciej L. Goniewicz et j’attends toujours ses réponses.

L’angoisse de l’acroléine chez les vapoteurs

L’acroléine est un composé toxique, irritant la peau et les muqueuses, hautement lacrymogène [8] qui peut être produit par échauffement de la Glycérine Végétale (VG) quand elle commence à se décomposer (à partir de 290°C [9]). Il est naturellement très courant de lire dans les forums, des messages de vapoteurs qui s’inquiètent de la composition de leur e-liquide et de la température de chauffe de leur atomiseur. Le sujet n’est pas nouveau, j’ai même retrouvé des messages antérieurs à 2008. On parle aussi souvent de la fameuse définition de Wikipedia qui explique que l’acroléine était utilisée dans les gaz de combat durant la première guerre mondiale.

Pour répondre à cette question de la Glycérine Végétale et de sa démoniaque acroléine,  de nombreux vapoteurs se sont alors amusés un peu partout dans le monde, à tenter de mesurer la température d’un atomiseur en fonctionnement. La plupart des chiffres trouvés oscillent entre 60°C et plus de 200°C, d’où une certaine inquiétude, surtout chez les utilisateurs d’e-liquides 100% VG et/ou dont les atomiseurs sont équipés de basses résistances (LR), reconnues pour chauffer beaucoup plus selon le voltage de la batterie utilisé.

L’idée selon laquelle la présence d’acroléine dans la vapeur des cigarettes électroniques soit directement liée à la température de chauffe de l’atomiseur a fait son chemin et le sujet court toujours. Même si la résistance d’une cigarette électronique peut atteindre des températures très élevées comme beaucoup ont pu le remarquer, je pense qu’il faut prendre en compte certains paramètres pour relativiser :

  • il existe de nombreux types d’atomiseurs et de nombreuses configurations techniques possibles (système d’alimentation en e-liquide, mèches, résistances, batteries)
  • le laps de temps entre chaque activation joue un rôle très important (surchauffe)
  • le niveau d’humidification de la mèche joue également un rôle très important (dry burn)
  • la qualité et le ratio PG/VG d’un e-liquide peut influencer la manière dont la VG réagit à la température de chauffe
  • enfin le vapoteur créé un flux d’air en aspirant la vapeur, ce qui peut refroidir l’atomiseur

Depuis la naissance de ces inquiétudes sur les forums, certains vapoteurs boudent la VG. Le problème c’est qu’elle améliore sensiblement la densité de la vapeur et il difficile de s’en passer pour faire des bons e-liquides. Le côté gras qu’elle apporte dans le e-liquide, améliore grandement l’expérience de vape. Aujourd’hui, même si l’on trouve encore des e-liquides uniquement à base de PG ou de VG, un consensus s’est semble-t-il installé chez les fabricants autour de ratios PG/VG exprimés en pourcentage, comme 50/50, 70/30 ou encore 80/20.

La presse ne va pas tarder à nous faire peur

Pour le moment, et quels que soient les taux de composés toxiques trouvés dans la vapeur exhalée ou inhalée, la cigarette électronique me semble bel et bien être une méthode de réduction des risques pour le fumeur.

Avec une étude comme celle de Goniewicz, il va être très facile pour les détracteurs de la cigarette électronique d’affirmer qu’elle n’est que deux fois moins nocive que la cigarette, voire pire, titrer dans les journaux que la cigarette électronique est tout bonnement nocive pour la santé. Le fumeur mal informé, qui ne lit que les gros titres, se dira alors que cela ne vaut pas le coup d’essayer, qu’à ce niveau de toxicité autant continuer à fumer des cigarettes.

Dans un contexte de viande de cheval ou de médicaments trompeurs, je suis certain que la presse se frotte déjà les mains à l’idée de pouvoir publier des alertes sanitaires de ce genre, car bien sûr personne ne prendra le temps de mettre en perspective la réduction des risques et d’autres études plus rassurantes.

Je vous propose donc d’anticiper la vague médiatique avec quelques points qui me paraissent intéressants de retenir :

1- L’acroléine est un élément dont on va entendre beaucoup parlé (avec le formaldéhyde) car il est très facile de la détecter dans un laboratoire, même si d’autres études n’en ont pas trouvé de traces. C’est le cas notamment du projet Clearstream qui a testé des e-liquides Flavourart [10], de la société Intellicig qui a testé ses propres e-liquides Ecopure [11] ou encore celle d’une étude sur l’une des premières marques de cigarettes électroniques chinoises, Ryuan [12].

2- Pour minimiser les risques en tant que vapoteur, la température est reine. Si vous sentez un “goût de cramé” quand vous vapotez, n’insistez pas, votre ecig est à coup sûr mal réglée. D’après ce que j’ai pu lire, l’acroléine est très bien détectée par notre système sensoriel. Si vous ressentez ce goût âcre et piquant, le couple intensité / résistance peut être inapproprié (le e-liquide chauffe trop) ou la mèche de votre atomiseur peut être mal imbibée. Baissez le voltage (intensité) si vous avez cette option sur votre batterie, et assurez-vous que votre atomiseur est correctement alimenté en e-liquide.

3- Par mesure de précaution je vous conseille d’utiliser des e-liquides qui ne sont pas constitués à 100% de Glycérine Végétale. J’utilise personnellement un ratio 70%PG/30%VG.

4- Evitez enfin de vapoter en “dry”, c’est à dire cette manière de vapoter qui consiste à déposer quelques goutes de e-liquide directement sur une résistance qui ne soit pas équipée de mèches (voir l’article de présentation d’un atomiseur Cisco). Avec cette technique de vapote, les températures peuvent atteindre des niveaux très élevés [13]. Si vous le pouvez, évitez au moins cette technique avec des e-liquides 100% VG.

5- J’attire votre attention sur les MODs qui ont le côté très pratique de pouvoir réguler avec précision le couple intensité / résistance, mais qui peuvent également trop chauffer le e-liquide. Prudence donc.

6- Enfin veillez à bien laisser refroidir votre ecig entre chaque bouffées (au moins quelques secondes).

Conclusion

L’acroléine, tout comme le formaldéhyde, semble être un élément à considérer sérieusement. Même si les études peuvent se contredire, cela signifie quand même qu’elles cherchent toutes à en détecter la présence.

Le protocole expérimental semble jouer un rôle prépondérant dans les analyses. Nous avons vu que les chiffres peuvent largement passer du simple au double selon le mode d’utilisation d’une e-cigarette.

En tant que vapoteur, soyez conscient que la manière dont vous utilisez votre cigarette électronique peut avoir des conséquences sur la composition de la vapeur produite.

Le blocage automatique des batteries et le contrôle de la température des atomiseurs pourrait représenter l’une des prochaines avancées technologiques à être adoptée en masse par les fabricants. L’eVic de Joyetech a d’ailleurs déjà intégré ce type de fonction, peut être en connaissance de cause …

Références

[1] Acrolein is a major cigarette-related lung cancer agent: Preferential binding at p53 mutational hotspots and inhibition of DNA repair – http://www.pnas.org/content/103/42/15404.abstract

[2] Varenicline : a new chance for smokers? – http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18409337

[3] Electronic Cigarette Use Among Teenagers and Young Adults in Poland – http://pediatrics.aappublications.org/content/130/4/e879

[4] Nicotine Levels in Electronic Cigarettes – http://ntr.oxfordjournals.org/content/15/1/158.abstract?sid=a308fa44-22bf-4d08-979d-e852dcb28b7f

[5] E-cigarettes: a review of their efficacy and potential for harm reduction : http://www.ash.org.uk/files/documents/ASH_858.pdf

[6] Programme conférence SNRT 2013 Boston – http://www.srnt.org/conferences/SRNT_2013_Abstracts_H.pdf (ou consulter l’extrait de l’étude de Goniewicz sur l’acroléine – PDF)

[7] Quantitation of Acrolein-Derived 3-Hydroxypropylmercapturic Acid in Human Urine by Liquid Chromatography-Atmospheric Pressure Chemical Ionization-Tandem Mass Spectrometry: Effects of Cigarette Smoking – http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2556963/

[8] Acroléine – Universalis – http://www.universalis.fr/encyclopedie/acroleine/

[9] Glycérine – Universalis – http://www.universalis.fr/encyclopedie/glycerine/

[10] Characterization of chemicals released to the environment by electronic cigarettes use (ClearStream-AIR project) Is passive vaping a reality? – http://clearstream.flavourart.it/site/wp-content/uploads/2012/09/CSA_Poster.pdf

[11] ECOpure Purity Report and Vapor Analysis April 14th 2009 – http://edge.rit.edu/content/P10055/public/IntelliCig

[12] Safety Report on the Ruyan® e-cigarette Cartridge and
Inhaled Aerosol – http://www.ecigarettedirect.co.uk/extra-info/e-cigarette-safety-report.pdf

[13] Acrolein from VG?… Simple Test results – e-cigarette-forum.com – http://www.e-cigarette-forum.com/forum/experiments-equipment/31335-acrolein-vg-simple-test-results.html