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Jean-Pierre Couteron, Fédération addiction : bilan de l’année 2015 et vision de la vape 2016

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Nous avons demandé à des personnalités de la vape et de la réduction des risques de faire un point sur l’année qui vient de s’écouler. Nous commençons ici cette série avec l’analyse de Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien et président de la Fédération addiction qui nous livre un point de vue éclairé par une longue expérience sur les questions d’usage, d’addiction et de politiques de réduction des risques.

Quel bilan personnel tirez-vous de l’e-cigarette en France pour l’année 2015 ?

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Jean Pierre Couteron, expert des questions d’usages et d’addictions

Mon bilan 2015 «à chaud » de l’e-cigarette est composé de deux éléments : un positif, la confirmation de son utilisation pour s’éloigner du tabagisme ; l’autre négatif, la montée d’une polémique entre pro et anti qui nuit à l’ensemble de la lutte contre le tabagisme.

La cigarette électronique a fonctionné comme un outil de réduction des risques, parce qu’elle répond aux attentes des usagers.

L’e-cigarette a confirmé son rôle positif pour nombre d’usagers. Elle a fonctionné comme un outil de réduction des risques (RDR), parce qu’elle répond à leurs attentes. Elle leur permet de faire évoluer un comportement dont ils ont identifié les effets négatifs mais sans pourvoir l’abandonner tout de suite et dans son intégralité, même en utilisant les offres de soin disponibles.

Un chemin au rythme de l’usager

L’histoire de la RDR nous a appris la nécessité de cette entrée différente du soin et de ses outils, et qu’elle vient compléter et non concurrencer. Elle nous a appris l’intérêt d’un chemin fait par les usagers, sur lequel ils avancent à leur rythme, autrement.

Et l’autre versant du bilan est cette déception face à un combat qui trop souvent ressemble à un combat « contre » l’e-cig et ses usagers. Il est normal de légiférer sur l’e-cig, et utopique d’espérer que tout le monde se retrouve d’accord sur les mesures retenues.

 L’année 2015 aura été une année de défiance et de méfiance, divisant aussi inutilement que maladroitement le camp de celles et de ceux qui partagent pourtant le souhait d’une société sans tabac.

Mais là où on pouvait attendre des mesures qui protègent l’usager, lui garantissent un service adapté et de qualité, encouragent une montée en compétence du secteur, valorisent le rôle positif et borde les effets négatifs toujours possible de l’e-cig, l’année 2015 aura été une année de défiance et de méfiance, divisant aussi inutilement que maladroitement le camp de celles et de ceux qui partagent pourtant le souhait d’une société sans tabac.

Regrets d’autant plus fort que d’autres pays ont montré qu’il n’était pas si difficile de faire converger les actions, d’associer des chemins, d’ouvrir des pistes et des seuils adaptés à la diversité des personnes.

Selon vous, quelle va être son évolution pour 2016 ?

La logique voudrait que, passée la période du « jamais sans mon e-cig » puis celle du « pas d’e-cig ici », elle bénéficie d’un contexte plus apaisé. Cela passe par une organisation de ce que sera son marché, ses conditions de fabrication et d’acquisition. Cette étape, celle du marché et de la marchandise, est souvent oubliée dans la gestion des substances… pour revenir ensuite en boomerang sous la forme du trafic et du marché noir pour les drogues illicites, ou de la toute puissance du lobbying industriel et du marché dérégulé pour celles qui sont légales.

Il y a suffisamment de questions intelligentes à se poser pour souhaiter que 2016 leur soit consacrée.

L’e-cig est un objet étrange : est-elle un produit de santé dont l’acquisition relève de la pharmacie ou doit-elle confiée aux buralistes ou à des commerçant indépendants? Doit-elle être prescrite, remboursée ou en accès libre? Comment continuer de la sécuriser, dans la suite des premières normes édictées ? Comment faire en sorte que ses distributeurs soient qualifiés ? Il y a suffisamment de questions intelligentes à se poser pour souhaiter que 2016 leur soit consacrée.

Mais pour cela, les professionnels de santé devront accepter de partager l’expertise avec celle des usagers. Car c’est quand même le principal apport de la RDR : placer « praticiens, usagers et théoriciens sur un même axe, dans de nouveaux espaces aux frontières largement redéfinies et redistribuant les cartes de la connaissance. » Loin de nier les connaissances scientifiques, loin d’éloigner des acquis de la médecine, ce continuum des savoirs les met en lien avec les savoirs des usagers et l’expérience de leurs modes de vie. Il invite à penser « avec ».

C’est de cette alliance que viennent les succès RDR, sortir des «injonctions de santé» pour venir en alliance avec la démarche de l’usager, en la sécurisant et l’accompagnant. Les usagers de l’e-cig ont su s’organiser, et pour beaucoup, ils sont prêts à ce dialogue constructif.

Espérons que 2016 le rendra possible.

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