Alors que l’UE veut imposer une taxe minimale sur tous les produits du tabac, y compris les e-liquides, l’Italie monte au créneau. Dans un avis motivé transmis à la Commission européenne, le Parlement italien dénonce une réforme jugée disproportionnée, centralisatrice et dangereuse pour son économie.
Un avis motivé qui dénonce une réforme jugée disproportionnée
En juillet dernier, la Commission européenne publiait une proposition de directive imposant une taxe minimale sur tous les produits du tabac, y compris les e-liquides. Si elle était adoptée, les e-liquides contenant moins de 12 mg/ml de nicotine seraient taxés à hauteur de 0,12 €/ml, et ceux dont le taux de nicotine est supérieur, à hauteur de 0,36 €/ml. De son côté, le tabac chauffé serait taxé à hauteur de 55 % de son prix de vente, soit un niveau quasi similaire à celui des cigarettes, qui serait de 60 %. Et ce, malgré sa moindre nocivité par rapport au tabagisme.
Il y a quelques jours, dans le cadre d’un avis motivé, la Commission des Affaires européennes du Parlement italien s’est opposée à la directive européenne. Ce type de document n’est pas un simple communiqué. Il fait partie de la procédure formelle de l’Union européenne pour contrôler le respect du principe de subsidiarité, c’est-à-dire, vérifier qu’une proposition législative européenne ne va pas trop loin dans des domaines où les États membres pourraient agir eux-mêmes. S’il n’a pas de valeur contraignante, il constitue un signal politique fort. Et s’il était partagé par plusieurs parlements nationaux, la Commission européenne serait forcée de revoir sa copie.
Et, selon l’avis motivé de l’Italie, la directive proposée par la Commission européenne comporte de nombreux problèmes.
L’Italie s’inquiète pour son économie
Tout d’abord, Rome reproche à Bruxelles de « ne pas suffisamment tenir compte des structures économiques et productives nationales, très différentes les unes des autres, mettant en péril des secteurs stratégiques entiers, tant sur le plan économique qu’en matière d’emploi, ainsi que la durabilité globale de la filière du tabac. » Elle rappelle que l’Italie occupe une place importante à l’échelle internationale dans la transformation industrielle du secteur du tabac et de la nicotine, grâce à la présence, sur son territoire, « de chaînes agricoles, industrielles et distributives hautement développées et orientées vers l’innovation. »
L’Italie s’inquiète aussi pour ses finances, puisqu’elle rappelle que ce secteur « constitue un modèle ayant généré des effets économiques et sociaux importants », et représente également « une ressource stratégique pour les finances publiques, contribuant pour environ 15 milliards d’euros par an en TVA et accises. »
Elle reproche aussi à la Commission européenne de « sous-estimer les profondes mutations du secteur, dues à la fois à l’évolution de la demande (consommateurs plus conscients des risques sanitaires) et à l’innovation de l’offre, avec l’émergence de nouveaux produits de génération alternative. »
Et ajoute que ces changements réglementaires souhaités « ne luttent pas efficacement contre le basculement de la consommation vers le marché illégal, risquant ainsi de priver les finances publiques de ressources, d’encourager la criminalité organisée et de porter un préjudice supplémentaire à la santé publique. »
Selon l’Italie, les propositions de la Commission ne respectent pas non plus le principe de subsidiarité, puisque « la nécessité et la valeur ajoutée d’une intervention législative au niveau de l’Union ne sont pas démontrées de manière adéquate », et que l’harmonisation législative proposée « ne permet pas aux systèmes nationaux de concilier de manière équilibrée la protection des recettes fiscales, la légalité du marché et les objectifs de santé publique. Au contraire, ajoute-t-elle, elle introduit des éléments de centralisation et de rigidité susceptibles d’avoir des effets négatifs sur l’ensemble du secteur agricole, industriel et distributif à l’échelle nationale. »
La santé publique défendue du bout des lèvres
Si, contrairement à la Suède par exemple, l’Italie ne souligne pas clairement sa volonté de voir les différents produits du tabac taxés en fonction de leur dangerosité, elle indique toutefois que les hausses de taxes désirées par l’Europe « devraient s’inscrire dans une approche globale tenant compte des spécificités de ces produits et de leurs marchés. », et que « l’augmentation des accises entraînerait des hausses de prix excessives pour les produits de tabac chauffé et les cigarettes électroniques, déjà classés différemment selon les réglementations nationales. »
Enfin, elle reproche à cette directive européenne le poids qu’elle représenterait pour les nombreuses petites entreprises du secteur, notamment « les coûts de conformité élevés pour les opérateurs économiques », mais également la hausse des coûts administratifs « pouvant être particulièrement lourde pour les PME du secteur de la vape, du fait de nouvelles obligations de suivi et de contrôle. »
Avec cet avis motivé, Rome s’impose comme l’un des principaux opposants à la réforme fiscale du tabac voulue par Bruxelles. La balle est désormais dans le camp de la Commission, qui devra décider si elle maintient sa proposition ou l’amende face à la fronde croissante des États membres.
L’anecdote de la rédaction : il y a quelques jours, à l’occasion du Sommet pour la paix à Gaza, qui se tenait en Égypte, Giorgia Meloni, Première ministre italienne, a échangé avec le Président turc, Recep Tayyip Erdogan.
« Vous avez l’air en pleine forme. Mais je dois vous faire arrêter de fumer. », a lancé Erdogan à Meloni.
« C’est impossible », a répliqué Emmanuel Macron, Président français.
Avant que la principale intéressée réponde : « Je sais, je sais. Mais je ne veux tuer personne. »
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