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Arrêter de fumer avec la cigarette électronique

Face au flux incessant d’études positives ou négatives sur la cigarette électronique, le docteur Éric Blouin, expert toxicologue du cabinet Physiotox, fait la synthèse histoire d’y voir beaucoup plus clair. Cet article s’intègre comme un premier élément de réponse à la question : la cigarette électronique est-elle efficace ?

En moyenne, un fumeur sur deux meurt prématurément des causes de son tabagisme et il n’existe pas de seuil au-dessous duquel fumer ne représente pas de risque. Selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), le tabagisme est responsable chaque année d’environ 7 millions de décès dans le monde. Sans tabac, un quart des décès par cancer pourrait être évité. En 2015, la France comptait 28,8 % de fumeurs, c’est l’un des taux les plus élevés recensés dans les pays occidentaux.

Le tabac est la cause directe ou un facteur favorisant de nombreux cancers. Il est responsable de plus de 80 % des cancers du poumon, de près de 70 % des cancers des voies aérodigestives supérieures (bouche, larynx, pharynx, œsophage) et de 50 % des cancers de la vessie. Il serait aussi impliqué dans le développement des cancers du foie, du pancréas, de l’estomac, du rein, du col de l’utérus, du sein, du côlon-rectum, de l’ovaire et de certaines leucémies.

Il est important de s’arrêter de fumer le plus tôt possible.

De même, le tabagisme actif peut être à l’origine de maladies cardiovasculaires : fumer est un des principaux facteurs de risque d’infarctus du myocarde. Les accidents vasculaires cérébraux, l’artérite des membres inférieurs, les anévrismes, l’hypertension artérielle sont également liés, en partie, au tabac.

En outre, le tabagisme est responsable d’environ 85 % des cas de broncho-pneumopathie chronique obstructive et fumer nuit au contrôle de l’asthme (baisse d’efficacité de la corticothérapie). Il augmente aussi le risque d’infections bactériennes ou virales sévères. Il accélère le vieillissement cutané et retarde la cicatrisation (1). Enfin, le tabagisme peut diminuer l’activité de certains médicaments (anti-infectieux, antidiabétiques, antihypertensifs) (2). Le risque de développer une maladie associée au tabagisme est lié au nombre de cigarettes fumées chaque jour, mais surtout à la durée durant laquelle on a fumé. C’est pourquoi il est important de s’arrêter de fumer le plus tôt possible.

Les bénéfices de l’e-cigarette dans le sevrage tabagique

Les bénéfices du sevrage tabagique ont largement été prouvés avec une diminution d’incidence de cancer bronchique de 50 % dans les 10 ans suivant l’arrêt du tabac et une augmentation significative de l’espérance de vie.

Sans aide, il a été montré que 80 % des fumeurs qui tentent d’arrêter de fumer rechutent au bout d’un mois avec un faible taux de succès (5 %) à long terme (3).

Les pharmacothérapies actuellement reconnues sont les substituts nicotiniques en première intention ainsi que la varénicline et le bupropion en seconde intention au vu de leurs effets indésirables (suicide et états dépressifs, notamment). Malgré la relative efficacité de ces traitements, leur utilisation réelle dans la population est limitée et les substituts actuels présentent le principal inconvénient de ne pas délivrer la nicotine de la même façon que la cigarette.

Avec l’e-cigarette, l’utilisateur conserve le geste.

Cet impact médiocre montre toute la complexité des mécanismes de dépendance tabagique et la nécessité d’utiliser d’autres produits permettant de prendre la nicotine sous des formes moins toxiques, mais plus attractives pour les fumeurs en termes de gestuelle et de sensations. Fumer est une sorte de cérémonial et, au-delà du besoin de nicotine, le geste fait partie intégrante de la vie d’un fumeur. Avec l’e-cigarette, l’utilisateur conserve le geste.

Les preuves de l’efficacité de l’e-cig dans le sevrage tabagique

Une méta-analyse Cochrane concernant l’intérêt de l’e-cigarette dans le sevrage tabagique (4) a permis d’identifier près de 1 700 publications, dont 24 études cliniques, parmi lesquelles 2 ont comparé des e-cigarettes avec nicotine à des e-cigarettes placebo (sans nicotine) sur un total de 662 participants. Même si dans les deux études, les modèles d’e-cigarettes utilisés étaient de 1re génération, à faible teneur en nicotine et avaient des batteries avec une mauvaise autonomie, les participants utilisant une e-cigarette nicotinée étaient plus susceptibles de s’abstenir de fumer pendant au moins 6 mois par rapport aux participants utilisant une e-cigarette placebo.

En comparaison aux autres méthodes, le taux de sevrage tabagique est significativement supérieur chez les utilisateurs d’e-cigarette avec nicotine.

En outre, une étude clinique menée sur 584 participants souhaitant arrêter de fumer a comparé l’e-cigarette (1re génération) au patch de nicotine et a retrouvé les mêmes taux d’abstinence à 6 mois (4).

Enfin, une étude de cohorte menée sur 5 863 adultes souhaitant arrêter de fumer a comparé l’intérêt dans le sevrage tabagique de l’e-cigarette avec nicotine (464 sujets) versus les patchs nicotiniques (1 922 sujets) et l’absence d’aide (3 477 sujets). Selon les résultats de cette étude, il apparaît que le taux de sevrage tabagique est significativement supérieur chez les utilisateurs d’e-cigarette avec nicotine (20,0 %), comparativement aux utilisateurs de patchs nicotiniques (10,1 %) et aux sujets n’utilisant aucune aide (15,4 %) (5).

Plus récemment, une nouvelle analyse menée par l’organisation Cochrane a démontré que le vapotage est plus efficace pour arrêter de fumer, que les autres substituts nicotiniques.

La biodisponibilité de la nicotine de l’e-cig est équivalente à la cigarette de tabac

L’un des avantages de l’e-cigarette dans le cadre du sevrage tabagique est que la biodisponibilité de la nicotine est comparable à celle de la cigarette classique. Wagener et al. (6) ont montré que les taux de cotinine salivaire chez 3 groupes de sujets (10 fumeurs, 9 utilisateurs d’e-cigarette de 2e génération et 11 de 3e génération) étaient comparables. Ces résultats ont été confirmés par d’autres auteurs qui ont étudié chez 15 volontaires sains la pharmacocinétique de la nicotine délivrée après 15 bouffées de leurs e-cigarettes habituelles. D’après les résultats de cette étude, les e-cigarettes délivrent en moyenne 1,3 mg de nicotine et 94 % de la dose inhalée était absorbée (7). Là aussi, les résultats sont comparables à ceux obtenus avec une cigarette classique.

En France, les organismes officiels ne sont pas encore convaincus

En France, la Haute autorité de santé (HAS) considère que les e-cigarettes ne sont pas indiquées dans le sevrage tabagique, car aucune d’entre elles ne dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). En effet, une e-cigarette est susceptible d’entrer automatiquement dans le champ des produits de santé en tant que médicament si elle revendique l’aide au sevrage tabagique (article L.5121-2 du Code de la santé publique). Dans ce cas, le produit ne pourra être mis sur le marché qu’à la condition d’obtenir une AMM. Dans l’hypothèse où une cartouche ou flacon de recharge obtiendrait une AMM en tant que médicament, le dispositif permettant d’administrer ce médicament relèverait alors du statut de dispositif médical, en application de l’article R.5211-2 du CSP. Il devrait en conséquence disposer d’un marquage CE au titre de la Directive 93/42/CEE. La vente en gros, la vente au détail, ainsi que leur dispensation au public seraient alors réservées aux pharmaciens (article L.4211-1 du CSP).

La cigarette électronique n’est toujours pas reconnue comme une méthode de sevrage tabagique officielle.

À ce jour, en France, aucune e-cigarette ou flacon de recharge ne dispose d’une AMM en tant que médicament. La HAS ne recommande donc pas l’utilisation de l’e-cigarette comme outil d’arrêt du tabac, cependant, elle précise tout de même dans son dernier avis disponible que son utilisation, chez un fumeur qui a commencé à vapoter et qui veut s’arrêter de fumer, ne doit pas être découragée (2).

Toujours en France, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a publié en 2016 un avis relatif aux bénéfices-risques de l’e-cigarette en population générale (8). Il ressort notamment de cet avis que :

  • l’e-cigarette peut être considérée comme une aide au sevrage tabagique pour les populations fumeuses désireuses d’arrêter leur consommation de tabac ;
  • l’e-cigarette constitue un outil de réduction des risques du tabagisme. Toutefois, pour les usagers concomitants de tabac et d’e-cigarette, le débat reste ouvert.

Cependant, les choses pourraient être sur le point de changer. En effet, en 2020, pour la première fois, le site Tabac Info Service a mis en avant la cigarette électronique comme moyen de sevrage tabagique.

Le Royaume-Uni est en avance contrairement à l’OMS

Au Royaume-Uni, Public Health England a estimé que les fumeurs qui ont essayé d’autres méthodes de sevrage sans succès pourraient être encouragés à essayer l’e-cigarette pour arrêter de fumer et qu’il faut encourager les fumeurs qui ne peuvent ou ne veulent pas arrêter de fumer à basculer vers l’e-cigarette pour réduire la mortalité et les pathologies associées au tabagisme. Même si des études complémentaires sont nécessaires, il existe des preuves que l’e-cigarette est une aide au sevrage tabagique ou à la réduction du tabagisme, même chez les fumeurs qui n’avaient pas l’intention d’arrêter ou qui ne veulent pas des autres moyens de sevrage. Si l’e-cigarette est utilisée correctement, elle ne présente aucun risque d’empoisonnement pour l’utilisateur et utiliser l’e-cigarette serait 95 % moins nocif que le tabac (9).

Pourquoi vapoter est moins dangereux que fumer ?

Pour terminer, selon l’OMS (10), des données empiriques montrent qu’une proportion indéterminée d’utilisateurs d’e-cigarettes nicotinées a arrêté de fumer à l’aide de ces produits, mais leur efficacité n’a pas encore été systématiquement évaluée. Toutefois, il est probable que l’utilisation d’e-cigarettes nicotinées aidera certains fumeurs à passer complètement de la cigarette à ces dispositifs.

Quels sont les risques de l’e-cigarette dans le sevrage tabagique ?

Même si les risques thermiques et mécaniques sont ceux dont on entend le plus souvent parler dans les médias, ils sont en théorie peu probables si les e-cigarettes respectent la norme AFNOR XP D90-300-1 (ce qui est le cas de la majorité des fabricants français) qui définit des critères de résistance en cas de chute, d’étanchéité, ainsi que ceux à respecter vis-à-vis des risques thermiques (explosion, feu).

En théorie, si la norme AFNOR XP D90-300-2 est respectée (ce qui est le cas, là aussi, pour la majorité des fabricants français), le risque pour l’utilisateur d’être exposé à une dose de nicotine ≥ 20 mg/ml est peu probable. Ceci a d’ailleurs été confirmé par les contrôles menés par la DGCCRF en 2014 sur plus de 1 000 références dans 601 établissements. Cette enquête a notamment permis de constater que les e-cigarettes, cartouches et e-liquides prélevés ne présentaient pas de taux de nicotine supérieur au seuil défini par l’ANSM.

En termes de risque, les doses de nicotine délivrées par les e-cigarettes sont proches de celles des substituts nicotiniques, or aucune étude publiée sur les substituts nicotiniques n’a montré d’effets nocifs pour la santé de la nicotine et il n’a pas non plus été montré d’effet cytotoxique quand la nicotine est vaporisée. Il conviendra cependant de privilégier une nicotine d’origine pharmaceutique qui présentera moins d’impuretés.

Les arômes : le maillon faible ?

En termes de risque, les arômes sont vraiment les ingrédients les plus importants à évaluer correctement. Les arômes utilisés dans les e-liquides doivent être de qualité alimentaire. Or, ils ne sont pas ingérés, mais inhalés et les seuils de risque par ingestion sont beaucoup plus élevés que par inhalation. De plus, ils sont mis au contact d’une résistance qui est susceptible, en chauffant, d’en modifier la nature. L’exemple classique est le diacétyle, qui est une substance aromatisante alimentaire autorisée dans l’Union européenne servant à donner un goût semblable à celui du beurre. Il ne doit pas être utilisé comme ingrédient dans les e-liquides, car il a été démontré chez des travailleurs dans l’industrie agroalimentaire que le diacétyle inhalé après avoir été chauffé pouvait être à l’origine de bronchiolite oblitérante parfois sévère.

Selon les arômes utilisés, on peut retrouver une contamination par du diacétyle dans les e-liquides et les aérosols générés : des valeurs cibles ont donc été proposées dans ce contexte pour garantir la sécurité des utilisateurs. Il sera par conséquent indispensable d’ajuster la concentration de ces arômes pour respecter ces valeurs cibles.

Il est essentiel de bien évaluer le profil toxicologique des arômes.

Il faut également être conscient que pour certains mélanges complexes, on peut aller jusqu’à associer une centaine de molécules aromatiques en infimes quantités pour construire une saveur. Le risque peut être accru par la pratique du DIY, avec laquelle les possibilités de mélange d’arômes sont très nombreuses. C’est pourquoi il est essentiel, concernant les arômes, de bien évaluer leur profil toxicologique avant de les utiliser pour écarter les substances ayant un potentiel cancérogène, mutagène ou reprotoxique (CMR), ainsi que celles présentant une toxicité spécifique pour certains organes cibles après exposition répétée (STOT-RE). Les substances classées CMR catégories 1 ou 2 et/ou STOT-RE catégorie 1 sont interdites comme ingrédients lors de la fabrication d’un e-liquide. Il sera également essentiel de maintenir actualiser les informations de sécurité, car les données toxicologiques évoluent en permanence.

Quels effets indésirables ?

Les études prospectives disponibles n’ont retrouvé aucun effet indésirable grave lié à l’usage de l’e-cigarette. Les effets indésirables rapportés sont légers ou modérés et incluent une irritation buccale et pharyngée, une toux et des palpitations (4). De rares cas de pneumonie lipidique ont été constatés, causés vraisemblablement par l’inhalation d’huile qui n’aurait pas dû se trouver dans les e-liquides utilisés. Un risque potentiel de l’e-cigarette est l’intoxication à la nicotine par ingestion des e-liquides, qui peut être accidentelle, notamment par des enfants, ou intentionnelle à but suicidaire. Même s’ils ont augmenté avec l’apparition de l’e-cigarette, ces événements sont très rares et n’ont presque jamais eu de conséquences majeures même à des doses très élevées avec un seul rapport de cas mortel après ingestion volontaire. Un cas d’empoisonnement non létal dû au propylène glycol a également été décrit à la suite de l’ingestion volontaire de 30 ml d’e-liquide sans nicotine.

L’e-cig est un très bon moyen de réduire les risques liés à la consommation de tabac…

Les risques associés au tabagisme sont liés à la combustion. La fumée du tabac contient 7 000 substances chimiques, dont 70 sont des cancérigènes connus : benzène, arsenic, chrome, goudrons, polonium… Ce sont ces substances qui favorisent le développement des cancers. Le tabac présente un risque pour la santé, quel que soit son mode de consommation : cigarette, tabac à rouler, cigarillo, cigare, pipe… et les cigarettes à moindre teneur en nicotine et en goudrons ne sont pas moins cancérigènes que les autres.

Si les connaissances sur l’e-cigarette progressent rapidement, essentiellement grâce à l’implication des professionnels du secteur, il existe bien évidemment encore des incertitudes concernant son impact sanitaire à long terme. Toutefois, il semble évident, à la vue des données actuelles disponibles, que l’e-cigarette est un très bon moyen de réduire les risques liés à la consommation de tabac en permettant le sevrage tabagique complet ou au moins la réduction du tabagisme.

… Mais les arômes utilisés doivent encore être évalués

Afin de pouvoir continuer à développer l’originalité et la singularité des e-liquides et répondre ainsi à la demande des utilisateurs, il est important de maintenir une évaluation toxicologique en amont, en démontrant que les substances utilisées (arômes en particulier) sont sans risque. Les professionnels du secteur doivent continuer à s’impliquer pour démontrer l’innocuité de leurs produits, afin de lutter contre toutes les stratégies visant à semer le doute sur l’e-cigarette.


Bibliographie
1 : Peiffer G. et al., Dangers du tabac. Rev Prat. 2017. 31. n°985:546-7
2 : HAS. Recommandation de bonne pratique. Arrêt de la consommation de tabac : du dépistage individuel au maintien de l’abstinence en premier recours. Octobre 2014
3 : Vanderkam P. et al. Efficacité et sécurité de la cigarette électronique pour la réduction du tabagisme : revue systématique et méta-analyse. Presse Med. 2016 Nov;45(11):971-85
4 : Hartmann-Boyce J. et al. Electronic cigarettes for smoking cessation. Cochrane Database Syst Rev. 2016 Sep 14;9:CD010216
5 : Beard E. et al. Association between electronic cigarette use and changes in quit attempts, success of quit attempts, use of smoking cessation pharmacotherapy, and use of stop smoking services in England: time series analysis of population trends. BMJ. 2016;354
6 : Wagener T.L. et al. Have combustible cigarettes met their match? The nicotine delivery profiles and harmful constituent exposures of second-generation and third-generation electronic cigarette users. Tob Control. 2017, Vol. 26(e1), pp. e23-e28
7 : St Helen G. et al. Nicotine delivery, retention and pharmacokinetics from various electronic cigarettes. Addiction. March 2016, Vol. 111(3), pp. 535-44
8 : HCSP. Avis relatif aux bénéfices-risques de la cigarette électronique ou e-cigarette étendus en population générale (22 février 2016). Rev Mal Respir. 2016 Jun;33(6):509-25
9 : Public Health England. E-cigarettes: an evidence update. Août 2015
10 : Inhalateurs électroniques de nicotine. Rapport de l’OMS. FCTC/COP/6/10 Rev.1. 1er septembre 2014

Cet article a été préparé par le docteur Eric Blouin, expert toxicologue du cabinet Physiotox. Article publié dans PGVG magazine numéro 23, janvier 2018.