Les membres de l’OPECST ont formulé de nombreuses recommandations pour la législation de l’e-cigarette en France.
Sommaire
- Les risques pour la santé des nouveaux produits du tabac
- Leur efficacité pour arrêter de fumer
- L’effet passerelle
- Les recommandations réglementaires
Entre mythe et réalité
Mercredi dernier, 27 septembre 2023, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), organe français dont la mission est « d’informer le Parlement des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique afin, notamment, d’éclairer ses décisions », a publié une note (au format PDF) s’intéressant, notamment, à la cigarette électronique. Baptisée « Nouveaux produits du tabac ou à base de nicotine : lever l’écran de fumée », celle-ci a pour objectif de présenter aux députés de l’Hexagone un résumé des connaissances scientifiques à ce sujet.
Pour ce faire, les membres de l’OPECST, composé de 18 députés et autant de sénateurs, ont consulté de nombreux experts venant de divers horizons. Parmi eux, certains professionnels du secteur de la vape comme Jean Moiroud, président de la Fédération interprofessionnelle de la vape (FIVAPE), Selim Denoyelle, délégué général de l’association, ou encore Claude Bamberger, président de l’Association indépendante des utilisateurs de cigarette électronique (AIDUCE).
Des experts en santé publique ont également été contactés. Parmi eux, Ivan Berlin, maître de conférences des Universités-praticien hospitalier à l’Hôpital Pitié-Salpêtrière-Sorbonne, Norbert Ifrah, président de l’Institut national du cancer (INCa), Benoît Labarbe, chef de l’unité d’évaluation des produits du tabac et produits connexes à l’Anses, Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), ou encore Elise Riva, cheffe de bureau prévention des addictions à la Direction générale de la Santé.
Certains membres d’organisations de lutte contre le tabagisme ont aussi répondu à l’appel de l’OPECST, tels qu’Yves Martinet, président du Comité national contre le tabagisme (CNCT), Loïc Josseran, président de l’Alliance contre le tabac (ACT), ou encore certains employés de l’industrie du tabac, appartenant notamment aux entreprises Philip Morris (PMI), British American Tobacco (BAT), et Japan Tobacco International (JTI).
Des personnalités ayant des opinions souvent bien différentes au sujet des nouveaux produits du tabac, laissant ainsi présager d’un rapport explosif.
Les risques pour la santé des nouveaux produits du tabac par rapport au tabagisme
Après lecture dudit rapport, force est de constater que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a réalisé un travail qui, s’il fait preuve d’une certaine objectivité, n’échappe pas à certaines contradictions. Claude Bamberger, Président de l’AIDUCE, s’est félicité auprès de notre rédaction que « plusieurs [des] points (des associations de défense de la vape, N.D.L.R.) soient passés », notamment l’importance d’informer les consommateurs, le rôle des arômes, ou encore la nécessité d’adopter une approche de réduction des risques pour les fumeurs. « Mais ces points sont pondérés par de fausses affirmations de santé fondées essentiellement sur la dénégation des données de la science voire le rejet des fondements de celle-ci, ou des affirmations infondées jusqu’à une invocation totalement fausse du principe de précaution à plusieurs reprises », fulmine-t-il.
Se basant sur les informations communiquées par les experts contactés et citant pas moins de 82 études scientifiques, l’OPECST a rédigé un document qui laisse un amer goût d’inachevé à certaines personnalités ayant participé à sa rédaction, mais qui réussit tout de même à mettre en lumière une partie du potentiel du vaporisateur personnel dans le cadre du sevrage tabagique, sans pour autant mettre de côté la prudence qui s’impose à son sujet, bien souvent de rigueur lorsqu’il s’agit de santé publique.
« C’est étrange de ne pas pouvoir avoir d’avis autorisant ou validant un usage libre par les citoyens sans des études précises, qui existent par ailleurs, mais de pouvoir interdire sans aucune étude démontrant l’absence d’effets délétères », s’étonne le Président de l’AIDUCE à ce sujet.
Si les auteurs du rapport soulignent d’ailleurs s’être heurtés à un « manque de connaissances scientifiques », ils ont tout de même réussi à compiler certaines informations pour informer les Parlementaires français des risques inhérents à l’utilisation des nouveaux produits du tabac.
La cigarette électronique
À ce sujet, l’OPECST souligne que « la plupart des experts s’accordent pour affirmer que les émissions produites par les cigarettes électroniques sont moins nocives que la fumée du tabac ». Bien que cette moindre nocivité ne soit pas « synonyme d’absence de toute dangerosité », ils rappellent que depuis l’année 2015, le ministère de la santé britannique considère l’usage de l’e-cigarette comme étant 95 % plus sûr que celui du tabac fumé.
Si, pour de nombreux experts interrogés, la reconnaissance de la moindre nocivité du vapotage par rapport au tabac fumé est bienvenue, beaucoup nous ont fait part de leur mécontentement au sujet d’un graphique présenté dans le rapport de l’OPECST. Réalisé par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), déjà attaqué dans une tribune par de nombreux experts du vapotage en début d’année, il est décrit comme totalement déconnecté de la réalité puisque présentant l’utilisation d’un vaporisateur personnel comme moitié moins dangereuse que le tabagisme, lorsqu’un consensus scientifique existe désormais pour dire que ce risque est bien plus réduit que ça.
« Ce schéma p.22/148 du rapport du HCSP sur le vapotage est un FAUX, cette échelle des risques relatifs ne prend absolument pas en compte les données scientifiques qui font consensus », s’insurge par exemple SoVape sur X (ex-twitter).
Le tabac chauffé
Concernant le tabac chauffé, produit vendu par l’industrie du tabac, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques note que la majorité des études à son sujet ont été réalisées par Big Tobacco. Il cite toutefois la recherche conduite par l’Institut Pasteur de Lille dont les conclusions étaient que « le tabac chauffé pourrait être moins nocif que la cigarette traditionnelle, tout en restant considérablement plus nocif que la cigarette électronique ».
Ainsi, pour les parlementaires et sénateurs, « la réalité d’une réduction des risques sur la santé pour l’utilisateur reste à démontrer ».
Le SNUS et les sachets de nicotine
Enfin, les formes orales de tabac proposeraient quant à elles une réduction des risques différente selon le type de produit. Le snus est ainsi décrit comme étant associé à « des problèmes bucco-dentaires et des cancers – de la bouche, de l’œsophage, du pancréas mais pas du poumon – et serait susceptible d’accroître le risque d’accident vasculaire », mais le passage du tabagisme à une utilisation exclusive du snus « pourrait réduire les risques sanitaires pour les fumeurs ».
Les sachets de nicotine, qui ne contiennent quant à eux, pas de tabac, pourraient représenter « une réduction des risques pour la santé » lors d’une utilisation exclusive en remplacement du tabagisme.
L’efficacité des nouveaux produits du tabac pour arrêter de fumer
La cigarette électronique
Bien que l’OPECST note que les études au sujet de l’efficacité de la cigarette électronique dans le cadre du sevrage tabagique soient « nombreuses » et aboutissent à des « résultats contradictoires », l’organe parlementaire souligne que l’e-cigarette fait partie des aides au sevrage les plus fréquemment utilisées en France, lui conférant ainsi le pouvoir de devenir « une nouvelle option s’ajoutant au panel des aides disponibles et susceptible de jouer un rôle pour une part de la population qui ne pourrait ou ne souhaiterait pas utiliser les traitements nicotiniques traditionnels ».
Les autres produits
Qu’il s’agisse du snus, des sachets de nicotine ou du tabac chauffé, l’Office indique que « les connaissances actuelles semblent insuffisantes pour tirer des conclusions quant à leur capacité à remplacer l’usage du tabac fumé ».
L’effet passerelle et les arômes
Il aurait été étonnant de voir un document s’intéressant aux nouveaux produits du tabac sans citer l’effet passerelle, qui voudrait que leur utilisation puisse conduire au tabagisme par la suite. Une théorie largement contestée par de nombreuses recherches.
La cigarette électronique
Si l’OPECST rappelle que l’OMS craint le rôle d’initiation que pourraient jouer ces nouveaux produits vers le tabagisme, les auteurs du rapport notent que « le risque d’un effet “passerelle” vers le tabac semble très limité » pour les adultes.
Concernant les adolescents, les données seraient plus contradictoires. Bien que les parlementaires citent certaines études réalisées à l’international, qui suggèrent que l’utilisation de la cigarette électronique à un jeune âge « serait significativement associée à une entrée dans le tabagisme dans le futur », l’Office souligne que « la causalité n’est pas démontrée » et qu’une étude française réalisée auprès de jeunes de 17 ans a conclu que ceux qui avaient expérimenté l’e-cigarette « étaient moins susceptibles de passer plus tard au tabagisme quotidien que ceux qui ne l’avaient pas fait ».
Les arômes sont également décrits comme jouant un rôle majeur dans l’initiation à la consommation des nouveaux produits du tabac par les adolescents. L’OPECST rappelle toutefois qu’ils sont « également utilisés de manière importante par les adultes » et qu’il a été constaté qu’ils permettaient « d’augmenter l’efficacité de la cigarette électronique
en tant qu’outil de sevrage tabagique ».
« Aussi, si une interdiction de certains arômes pourrait permettre de réduire le vapotage chez les jeunes, elle serait également susceptible de rendre les cigarettes électroniques moins attractives comme outils de sevrage », concluent les auteurs à ce sujet.
Le tabac chauffé
Le tabac chauffé agirait quant à lui comme une porte d’entrée vers le tabagisme mais, « compte tenu de son apparition récente », ces conclusions doivent être confirmées.
Les produits oraux
Enfin, les résultats concernant le snus seraient contradictoires puisque certaines études aux USA auraient conclu que son utilisation pourrait conduire au tabagisme, ce qui n’a pas été observé en Suède, pays dont la consommation de snus est la plus élevée au monde, et qui est sur le point de devenir le premier pays du monde à enregistrer un taux de fumeurs inférieur à 5 %, seuil sous lequel on considère un pays comme « débarrassé » du tabagisme.
Les sachets de nicotine, quant à eux, sont décrits comme étant « susceptibles d’être particulièrement addictifs en raison de fortes doses de nicotine et d’un mode de consommation favorisant son absorption rapide ». Ce qui expliquerait pourquoi certains pays d’Europe ont décidé de les interdire, justement, par crainte d’un effet passerelle.
La plupart des mesures concernant le vapotage ont été fondées sur ce principe mais après 10 ans les études n’ont pas été diligentées ou ont montré que les risques étaient imaginaires voire contraires à la réalité mais les mesures ne sont pas pondérées ni levées.<span class="su-quote-cite">Claude Bamberger, Président de l'AIDUCE</span>
Les recommandations de l’OPECST
- Lancer rapidement de nouvelles études indépendantes à l’échelle nationale sur la nocivité propre et relative de ces différents produits ainsi que sur leurs effets vis-à-vis du tabagisme.
- Conduire des études indépendantes sur le tabac chauffé.
- Mobiliser l’ensemble des organismes de recherche compétents et les guichets de financement en ce sens, notamment en mettant à contribution les fabricants pour les financements de ces travaux, par exemple en augmentant les droits qu’ils versent pour la déclaration de nouveaux produits.
- Demander à l’Anses de publier rapidement l’évaluation des risques sanitaires qu’elle conduit concernant l’ensemble de ces produits et d’actualiser régulièrement ses travaux pour mettre à disposition les données les plus fiables possibles.
- Fonder les décisions législatives et réglementaires concernant ces produits (limitations, interdictions, etc.) sur la base des meilleures connaissances scientifiques disponibles.
- Fournir aux consommateurs des informations claires, complètes et objectives sur les connaissances et incertitudes dont on dispose pour ces produits. Notamment en étudiant la pertinence d’un « noci-score » destiné à informer les consommateurs de la nocivité relative des nouveaux produits du tabac.
- Mener une campagne grand public de prévention sur les risques associés au « vapofumage » (utilisation concomitante de cigarettes traditionnelles et d’une cigarette électronique).
- Interdire les arômes dits « pièges à enfants » (inspirés de sucreries ou au nom abstrait).
- Augmenter les contrôles et alourdir les sanctions en cas de vente de produits du tabac ou à base de nicotine aux mineurs.
- Interdire les « puffs » pour prévenir leur impact écologique et, par principe de précaution, pour le risque que peut représenter leur attractivité.
- Adopter une approche de réduction des risques pour les fumeurs qui ne pourraient ou ne souhaiteraient pas utiliser les traitements nicotiniques traditionnels, à l’instar du Royaume-Uni qui intègre la cigarette électronique à sa stratégie de lutte contre le tabagisme.
- Développer rapidement un cadre réglementaire pour les nouveaux produits oraux de la nicotine (notamment les sachets) et pour les produits susceptibles d’émerger.
Des recommandations qui ne devraient pas manquer de faire réagir les professionnels du vapotage.
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