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Etude comparative vape/médicaments : le Dr Berlin répond aux critiques

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L’étude ECSMOKE lancée ce 17 octobre destinée à comparer les effets de la cigarette électronique à celle des médicaments suscite de nombreuses interrogations et polémiques. Le Docteur Yvan Berlin, qui la conduit pour l’AP-HP, répond aux questions du Vaping Post sur tous ces points.

Une étude déjà controversée

Délai d’attente, duré, méthodologie, coût… L’étude menée conjointement avec douze hôpitaux, annoncée en 2016 et lancée effectivement le 17 octobre dernier, suscite de nombreuses questions, et donc de l’anxiété chez les vapoteurs déjà souvent malmenés.

Ces questions et remises en doutes trouvant un large écho sur les réseaux sociaux et parmi les publications de vape, dont certains de nos confrères très au fait de ces questions, il nous a semblé opportun de donner l’occasion aux responsables de pouvoir y répondre.
C’est donc le Docteur Yvan Berlin, médecin Addictologie / toxicomanies et alcoologie à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, à Paris, coordinateur de l’étude, qui répond aux questions du Vaping Post.

Une question de temps

Vaping Post (VP) : Docteur Berlin, la première question sur l’étude est celle de la temporalité. Elle a été annoncée en 2016, et elle va commencer bientôt pour durer quatre ans. Pourquoi si longtemps ?

Docteur Yvan Berlin (DrYB) : (Il pousse un énorme soupir) C’est une excellente question. Il nous aura fallu du temps pour trouver des entreprises qui correspondaient au cahier des charges. Nous étions en quête d’un fabricant de liquide français, indépendant de l’industrie du tabac, apte à nous fournir un liquide très proche du plus consommé. Nous avons lancé deux appels d’offre, un premier, que nous avons laissé courir quatre mois, pour lequel nous n’avons obtenu aucune réponse, et un second qui a entraîné quelques réponses parmi lesquelles nous avons fait un tri.

Nous avons ainsi sélectionné un fabricant de e-liquide français, totalement indépendant de l’industrie du tabac et qui propose un liquide parmi les plus courants sur le marché pour arrêter de fumer. Chose importante : nous achetons les liquides, comme nous achetons les molécules et les médicaments comparatifs.

Ce fabricant de liquides a accepté de se conformer à des exigences très précises, avec un étiquetage anonyme spécifique, des dosages de nicotine stricts, des contrôles de qualité précis.

Deuxième point qui prend du temps, conduire une telle étude nécessite beaucoup d’autorisations. Dès que nous l’avons annoncée, en 2016, nous nous sommes mis en quête de celles-ci.

La plus rapide à obtenir, par exemple, est celle de l’organisme qui s’occupe de la protection des personnes. La plus longue a été celle de l’agence du médicament. Il n’existe aucune étude considérée par eux comme fiable sur la nicotine, et ils ont longtemps soulevé les problèmes de responsabilité, la nôtre et la leur.

Pour vous donner un autre exemple, actuellement, les volontaires peuvent s’inscrire uniquement en appelant un numéro de portable. Un formulaire est prévu, mais nous attendons l’autorisation de la CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés, NDLR).

VP : La durée de cette étude aussi est importante, quatre ans, pourquoi une si longue temporalité ?

DrYB : Cette durée de quatre ans est indicative. L’étude est menée dans 12 hôpitaux de l’AP-HP.

Nous devons, pour avoir une étude parlante, recruter 650 à 700 volontaires. Ce n’est pas un recrutement massif, mais échelonné dans le temps. Pour chacun, une période de traitement et de suivi est nécessaire pour que les résultats soient probants, et que le cahier de suivi de chaque volontaire soit bien rempli. C’est une opération très lourde, ce cahier est très détaillé.

Mais ce délai est surtout calculé en vertu de la difficulté à trouver des volontaires. Bien évidemment, si nous les trouvons plus rapidement, elle durera moins longtemps. C’est notre souhaits, en arriver au bout le plus rapidement possible dans le respect du protocole.
Les français ne sont pas très habitués à se porter volontaire pour des études médicales. C’est peut-être culturel.

Une méthode scientifique

VP : Des questions portent sur la méthode. Notamment, le choix d’un appareil et d’un goût de liquide unique et de deux taux de nicotine qui ne reflètent pas la réalité du marché, de la diversité de l’offre vape, notamment.

DrYB : Oui, j’ai pris connaissance de ces critiques. Certains ont même parlé de conflit d’intérêt. Franchement !

Elle sont hors-sujet, tout est bien expliqué dans le communiqué de presse. Les gens qui les formulent devraient prendre la peine de se renseigner sérieusement avant.

C’est une étude établie sur une méthodologie très rigoureuse, qui a été établie selon un protocole scientifique. Aucune autre étude du genre n’existe.

C’est une étude conduite en non-infériorité. A la base, l’étude considère d’emblée que la e-cigarette est égale au médicament en terme d’efficacité, et c’est le volontaire qui déterminera lui-même sa posologie, pas le laboratoire pharmaceutique, ni le fabricant de liquide, ni même nous. Il faut bien comprendre que la barre est haute. La cigarette électronique est d’emblée jugée au moins aussi efficace que les médicaments en termes d’efficacité. Ce qui constitue en soi une marque très positive est interprétée par certains comme quelque chose de négatif. Au contraire ! Qu’ils se renseignent. 

Ce sont les volontaires qui choisiront la régularité de l’administration de la nicotine, en vapotant tout simplement à leur rythme, c’est en ce sens qu’ils décideront de la posologie.

Pour la e-cigarette, on n’utilise qu’une seule dose, comme pour les médicaments comparés. On étudie ce qu’on appelle la variabilité individuelle ou intra-individuelle, c’est à dire la façon dont chacun reçoit la nicotine.

Mais nous allons également observer d’autres effets. Comme par exemple ceux de la nicotine sur l’organisme, sur les patients atteints d’infarctus, etc. Pour voir si il y a ou non des effets secondaires désirables ou indésirables. Une telle étude in-situ des effets de la nicotine n’existe pas pour le moment. 

L’étude sera conduite en double aveugle. Et même en double double aveugle : le volontaire ne saura pas si il a reçu une molécule où un placebo, mais le référent local de l’étude non plus ne saura pas ce qu’il donne. Pareillement, au moment où les résultats seront collectés, le membre de l’équipe qui les recueillera ne saura pas si le volontaire au un placebo ou non. Ceci pour éviter toute influence. 

C’est une étude randomisée, pas pragmatique. Elle est destinée à mesurer les équivalences de performances. Évidemment, elle ne reflète pas dans sa méthodologie la réalité du marché, ce n’est pas le but. Mais ce qui est important, le plus important, c’est qu’elle est conduite en non-infériorité. La cigarette électronique est sur un pied d’égalité avec les médicaments. Nous savons que cela ne reflète pas la disponibilité de la vape sur le marché, mais nous tenons compte de cela dans les résultats. 

VP : Une autre question, c’est celle de la conduite en aveugle. En faisant une recherche internet très simple, ou même en discutant fortuitement avec un vapoteur, le volontaire peut aisément savoir, rien qu’avec le throat-hit, si sa vape contient de la nicotine ou non.

DrYB : Oui, nous y avons pensé. Lors des entretiens de suivi nous avons des questions et une méthodologie pour le détecter. S’il s’avère que le volontaire a obtenu l’information, nous le saurons et nous avons des coefficients de variabilité que nous appliquerons. Là encore, nous avons une réponse méthodologique à apporter, qui a fait ses preuves dans d’autres études.

VP : On a l’impression que l’étude porte autant sur la vape que sur la nicotine.

DrYB : Tout à fait ! La nicotine et ses moyens de délivrance sont encore trop méconnus. C’est ce que nous essayons d’étudier.

Une étude pour l’avenir

VP : Que se passera-t-il après la publication de l’étude ?

DrYB : Les résultats seront publiés dans une des plus prestigieuses revue. Ils sont très attendus, y compris à l’étranger. Aux Etats-Unis, par exemple, où la FDA n’autorise pas des études similaires. J’ai reçu des messages de confrères anglais, qui m’ont dit que ce n’était pas la peine, qu’ils ont vu que la cigarette électronique marchait. Je leur ai répondu que nous n’en doutions pas, mais qu’ils auraient pu profiter de leur situation pour justement quantifier tout cela scientifiquement.

Les autorités de santé en France l’attendent aussi. L’étude répondra à la question de savoir si la e-cigarette fonctionne mieux que les médicaments, dans quelle mesure, et ouvrira la possibilité de la faire prescrire par les médecins par exemple.

Mais le plus important, c’est que cette étude sera la première du genre, conduite en toute indépendance de l’industrie pharmaceutique, du tabac et de la vape, sur des critères scientifiques rigoureux et financée par des fonds publics. La France, en ce domaine, sera à la pointe.

Plus nous avons de volontaires, plus nous irons vite. Alors, passez le mot. Vos lecteurs sont déjà vapoteurs, ils ne correspondent pas au profil recherché, mais si ils ont des proches, de la famille, des amis qui veulent passer à la e-cigarette, et contribuer à faire avancer la recherche, qu’ils nous contactent ! Nous leur ouvrons grand les bras.