Une étude sur les métaux dans la vape est en train de faire son petit bonhomme de chemin dans l’actualité déjà trouble. Il pourrait s’agir d’une nouvelle bombe dans le jardin de la vape. A notre demande, plusieurs experts s’y sont penchés et l’ont désamorcée.
Une étude déjà contestée
Ce n’est pas la première fois qu’une étude sur l’utilisation des métaux dans la vape fait apparaître des résultats qui semblent inquiétants. Si éviter de dry burn met une majorité d’accord, de nombreuses autres laissent perplexes les experts les plus avisés, et la dernière en date ne fait pas exception à la règle.
Réalisée par Monique Williams et Prue Talbot du Department of Molecular, Cell, and Systems Biology, de l’Université de Californie à Riverside, et Jun Li du Département des Statistiques, tous les trois à l’Université de Californie à Riverside, l’étude est publiée par la revue Nature.
Le lien vers l’étude : www.nature.com/articles/s41598-019-50441-4
Leur conclusion est que les tanks, particulièrement ceux destinés à de fortes puissances, émettent de nombreuses particules métalliques qui, selon eux, peuvent s’avérer toxiques.
Nous avons demandé à plusieurs professionnels du secteur de lire cette étude et de nous faire part de leurs conclusions. Leurs retours s’avèrent rassurants : encore une fois, si les résultats obtenus par les chercheurs sont incontestables, leur méthodologie est très éloignée de la vape telle qu’elle se pratique en réel.
La revue de détails ci-dessous compile les analyses de Xérès, Lips France, CRIVAPE, et du LFEL. Nous les remercions de leurs retours attentifs et argumentés.
Revue de détails
Le premier point sur lequel nos observateurs tiquent à de nombreuses reprises, ce sont les conditions d’activation des résistances et de leur montée en température. L’étude a été réalisée en chauffe alternative et en chauffe continue à 4,8 volts. Les préconisations des constructeurs pour la plupart des résistances du marché se situe entre 3,5 et 4,3 volts. Dès lors, une tension d’usage de 4,8 volts va au-delà de la puissance maximum conseillée, et donnerait concrètement une vapeur dénaturée et peu agréable.
De plus, l’étude a été pratiquée sur du matériel type « cigalike », c’est à dire des modèles obsolètes. Plus grave encore, le métal constituant la résistance n’est pas précisé.
L’étude a été réalisée exclusivement sur une machine à fumer, suivant un programme précis pour tenter de simuler le vapotage d’un utilisateur. Contrairement au vapoteur humain, qui saura ressentir une surchauffe, un dry hit ou autre indicateur que quelque chose se passe mal et rend la vape moins agréable, la machine continuera de vaper là ou, dans le réel, le vapoteur aurait cessé d’inhaler. Un peu comme si un robot devait boire de l’eau bouillante : il le fera sans broncher.
La durée de vie des résistances est d’ailleurs fortement réduite, en général, à haut voltage, ce qui est la marque d’une dégradation plus rapide des métaux constituant le coil. D’une manière générale, même si la vape à très haute puissance existe, elle est ultra-minoritaire et pas du tout représentative des habitudes quotidiennes des vapoteurs.
De surcroît, et c’est là le plus important, la « bouffée continue » n’existe pas en vape, où en général les mods régulés bloquent aux alentours de dix secondes. Pour un vapoteur, laisser perpétuellement sa résistance chauffer ne présente absolument aucun intérêt, et provoquera un phénomène soit de dry hit, soit à l’inverse de condensation. Entre les bouffées, la résistance se refroidit. La mesure sur une résistance chauffée continuellement perd alors toute sa valeur, ce qui est dommage, vu que c’est l’élément central de l’étude.
Les résultats ont été obtenus par la méthode de bouffée continue et la méthode de bouffée alternée. Ceux résultant de la méthode continue sont donc à exclure, puisque non représentatifs avec une utilisation réaliste du vapotage. La bouffée alternée est, elle, réalisée à trop haut voltage.
Plus loin, l’étude précise que deux méthodes de collecte différentes ont été utilisées, et que les résultats varient entre elles sur la nature et concentration des métaux. En revanche, aucune précision n’est faite sur la méthode qui est la plus efficace pour simuler une inhalation par un vapoteur humain.
L’étude révèle la présence de plomb et de zinc. Problème, à nouveau, la température à partir de laquelle ces éléments commencent à apparaître, respectivement 321 et 420 degrés Celsius, est là encore peu représentative d’une chauffe en condition réelle, qui est mesurée entre 188 et 290 degrés en moyenne.
Plus surprenant, une affirmation stipule que deux métaux détectés dans la vapeur du test n’existent pas dans la fumée de tabac, l’aluminium et le cadmium. Or, de nombreuses études démontrent le contraire : ils y sont au contraire abondants.
Enfin, dernier point : l’AFNOR a défini une méthode précise d’évaluation des émissions de vapeur, sur plusieurs points bien déterminés. Même si l’on ne s’attend pas à ce qu’une étude américaine suive un protocole français, il peut servir de base de comparaisons méthodologique. Or, dans ce cas précis, la comparaison est impossible : les éléments donnés sont, selon les cas, trop flous, ou trop éloignés des conditions du réel approchées par la norme AFNOR.
Ce qu’il faut retenir
- L’étude a été réalisée sur des cigalike, du matériel obsolète.
- Les métaux utilisés pour les résistances ne sont pas précisés.
- Le matériel a été utilisé en surcapacité (voltage trop important, chauffe excessive et durée des bouffées dépassant l’usage humain).
- L’étude recèle au moins une erreur factuelle majeure concernant les métaux contenus dans la fumée de tabac.
- L’ensemble des observations ont été réalisés sur machine, sans intervention du facteur humain.
- Les chercheurs ont utilisé deux méthodes de collecte, précisant que chacune a apporté des résultats différents, mais est incapable de définir laquelle se rapproche le plus de la réalité biologique.
- La méthodologie trop indécise de l’étude ne peut être comparée à un standard comme la norme AFNOR qui définit des critères précis.
Conclusion
Cette étude, reprise par un journal français, présente encore une fois sous un jour inquiétant des résultats obtenus en laboratoire, sans tenir compte ni de l’utilisation réelle des e-cigarettes, ni de l’évolution du matériel.
Même si ses auteurs ne présentent pas de conflits d’intérêts déclarés, il serait bon de s’interroger sur le mécénat dans les universités américaines qui semble privilégier les études à charge, même menées en dépit du bon sens. Encore une fois, un satisfecit est à décerner aux pays européens, France et Angleterre en tête, qui abordent le sujet de manière plus scientifique.
Reprendre cette étude telle quelle sans vérification serait donc, à l’évidence, une faute professionnelle manifeste pour tout journaliste, en plus d’une atteinte à la santé publique.
Sources
PROKOPOWICZ, Adam, SOBCZAK, Andrzej, SZUŁA-CHRAPLEWSKA, Magdalena, et al. Exposure to cadmium and lead in cigarette smokers who switched to electronic cigarettes. Nicotine & Tobacco Research , 2018.
LI, F. J., SUROLIA, R., LI, H., et al. Cigarette Smoke Associated Carbon Black and Cadmium Are Synergistic for the Development of Pulmonary Fibrosis Through Oxidative Stress-Dependent Phosphorylation of AKT and Vimentin. In : A21. CLINICAL AND MECHANISTIC STUDIES OF LUNG FIBROSIS . American Thoracic Society, 2018. p. A1053-A1053.
LIM, Hyun Joung, PARK, Jung Hyun, JO, Chulman, et al. Cigarette smoke extracts and cadmium induce COX-2 expression through γ-secretase-mediated p38 MAPK activation in C6 astroglia cells. PloS one , 2019, vol. 14, no 2, p. e0212749.
LANGFORD-SMITH, Alex, TILAKARATNA, Viranga, LYTHGOE, Paul R., et al. Age and smoking related changes in metal ion levels in human lens: implications for cataract formation. PloS one , 2016, vol. 11, no 1, p. e0147576.
SANTAROSSA, Débora G., TALIO, María C., et FERNÁNDEZ, Liliana P. Green Photoluminescent Methodology for Aluminium Traces Quantification in 24-Hour Urine of Subjects with Different Exposition to Tobacco Smoke. American Journal of Analytical Chemistry , 2018, vol. 9, no 10, p. 514.