Tous les médecins convergent aujourd’hui vers un seul but : résoudre la crise du covid-19. Et chacun y va de sa proposition, dont certaines, si elles manquent de réalisme, ne sont pas dépourvues d’intérêt, comme celle qui consiste à demander aux cigarettiers… D’arrêter de fabriquer des cigarettes.
L’utopie frappante
Gan Quan, directeur de l’Union Internationale contre la Tuberculose et les Maladies Pulmonaires (« The Union ») ne mâche pas ses mots contre l’industrie du tabac. L’éminent médecin préside cette association regroupant 31 pays et dont le siège est situé à Paris, et qui vient de publier un communiqué de presse sans aucune ambiguïté.
Après avoir rappelé que le tabac est, selon plusieurs études, un facteur aggravant dans l’épidémie de covid-19, mais qu’il est également responsable, en permanence, de plusieurs millions de morts chaque année à travers le monde, The Union souligne que le moment est idéal pour arrêter le tabac.
Mais l’organisation va plus loin, s’en prenant à l’industrie du tabac, de manière très virulente et sans prendre de pincettes.
« L’Union est également très préoccupée par le fait que l’industrie du tabac diffuse des informations erronées – par le biais des blogs et des médias sociaux – et en niant le lien entre le tabagisme et COVID-19. L’industrie profite de la crise pour améliorer ses relations publiques en offrant des dons et un partenariat aux gouvernements. Dans le même temps, les compagnies de tabac continuer à commercialiser leurs produits de manière agressive, ce qui, en plus de causer huit millions décès chaque année – exacerbent la crise COVID-19.
Avec des preuves de plus en plus nombreuses que les fumeurs sont plus exposés à des maladies graves dues à cette maladie, la meilleure chose que l’industrie du tabac puisse faire pour lutter contre COVID-19 est d’arrêter immédiatement la production, le marketing et la vente du tabac »
Clair, net et sans bavures. The Union demande, littéralement, à l’industrie du tabac de disparaître.
Presque sans réserves
Si l’on ne peut qu’applaudir à ce discours sans ambiguïté sur les manœuvres de l’industrie du tabac, on regrettera que The Union prône une application stricte des directives de l’OMS, tant la croisade antivape de l’organisation est irrationnelle et contre-productive (cf l’exemple de l’Inde). Autre regret, que la vape n’apparaisse ni en bien, ni en mal, dans ce communiqué.
Cela tient sans doute au positionnement délicat de The Union, qui entretient des liens étroits avec l’OMS mais comporte en son sein des spécialistes qui soutiennent la e-cigarette comme outil au sevrage tabagique. Ne pas parler des sujets qui fâchent est le meilleur moyen de ménager les susceptibilités.
D’aucun regretteront également le côté utopique du communiqué. A tort, tant ce communiqué est tout sauf naïf. Certes, le Dr Quan sait pertinemment que l’industrie du tabac n’en fera rien. Mais il sait sans doute également que son propos ne fait pas rire en haut lieu.
La crise du covid-19 a remis les soignants sur le devant de la scène, et la victoire inéluctable contre la maladie assiéra leur autorité et leur capital sympathie. Dans le même temps, la propagation de fake news sur les réseaux sociaux se fait en avalanche, et en accuser, du moins en partie, les cigarettiers, est habile.
Les gens chercheront, in fine, des coupables. Proposer d’asseoir les cigarettiers sur le banc des accusés est loin d’être une idée si fumeuse…