Une société britannique spécialisée dans la mise en conformité des publicités télévisuelles, Clearcast, vient de publier une annonce expliquant comment les vendeurs de cigarettes électroniques peuvent aujourd’hui faire la promotion de leurs produits sur le petit écran.
La problématique n’est pas si simple, car le comité des bonnes pratiques publicitaires britannique, le BCAP (l’équivalent de notre CSA, le conseil supérieur de l’audiovisuelle), interdit depuis 1965 toute publicité pour le tabac à la télé. Certaines marques de cigarettes électroniques, ayant les épaules assez solides pour encaisser maintenant de gros budgets publicitaires, ont commencé à vouloir faire parler d’elle sur ce type de média.
Clearcast a donc tenté de trouver une alternative légale pour autoriser ces sociétés à se promouvoir. La solution ? Ne pas parler du produit.
Ne pas prononcer le mot tabou ni même en faire allusion
Le communiqué de Clearcast est très clair : il ne faut pas dire qu’il s’agit d’une cigarette électronique car à partir du moment où un produit peut être, de près ou de loin, assimilé à un produit du tabac, même indirectement, la censure tombe.
Ainsi une publicité pour une marque de cigarette électronique à la télévision ne peut pas faire référence à l’action ou au geste de fumer, ne peut pas faire la promotion directe ou indirecte du tabac, et ne doit contenir aucun style de logotype, image, couleur ou design qui pourrait être associé dans l’esprit du téléspectateur à un produit du tabac.
Tant que l’annonceur ne fait pas de référence au tabac, tout va bien. Mais alors que peut-il faire quand son produit est justement censé remplacer le tabac ?
Le jeu des devinettes
La seule alternative qui reste à l’annonceur étant de faire la promotion de son site web au travers d’une publicité de type “devinette”. Selon l’agence Clearcast, si un site web est cité dans une publicité, ce support sort alors du cadre réglementaire entourant l’annonce originale. En gros, si le téléspectateur allume son ordinateur pour aller visiter l’adresse du site web inscrite sur l’écran, ce n’est plus son problème.
C’est exactement ce qu’a fait l’agence McCann Birmingham pour la marque E-lites dans sa publicité mettant en scène l’acteur Mark Benton et parue en début d’année sur quelques chaines du pays. Très controversée pour jouer avec les limites de la loi anti-tabac, la publicité a même fait parler d’elle sur le journal The Guardian.
L’agence publicitaire commanditée a je dois dire vraiment bien bossé sur le coup, car avec une si petite marge de manœuvre, il fallait être très créatif pour faire passer un quelconque message.
Exemple de publicité aseptisée
La scène nous plonge dans un moment chaleureux où parents et grands parents se retrouvent dans le salon pour admirer le petit dernier de la famille. Alors que le père sort fumer une cigarette, le chérubin se met soudainement à marcher, puis à faire la fameuse danse du Gangnam style. Morale insinuée de l’histoire, le père aurait pu vivre ce grand moment si il avait eu en sa possession une cigarette électronique pour tirer quelques taffes sur le canapé. Titrée “qu’est-ce que j’ai manqué ?“, voici la première vidéo de cette campagne :
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=OaOmJ6oNX7M[/youtube]
A ma connaissance il s’agit là de la première publicité télévisuelle européenne pour une marque de cigarette électronique, ce qui nous donne un avant-goût des futures promotions que nous verrons peut être un jour sur nos écrans.
La cigarette électronique fait ressortir des dossiers depuis longtemps oubliés, l’acte de fumer ayant disparu depuis longtemps du champ publicitaire, il va sans doute s’agir pour les annonceurs français de prendre eux aussi, beaucoup de pincettes pour passer entre les mailles du filet du CSA, si jamais cela reste possible.
A l’heure actuelle je n’ai pas d’informations sur la position officielle du CSA en ce qui concerne la cigarette électronique à la télévision, et même si l’on a pu voir dans plusieurs émissions de divertissement des animateurs émerveillés de pouvoir faire des ronds de vapeur avec une ecig, je ne pense pas que la cigarette électronique soit encore prête à faire son entrée dans le monde de la publicité télévisuelle française.
Une odeur d’OMS
Le grand paradoxe de l’histoire, vous l’aurez compris, c’est que selon les grandes autorités de contrôle, la cigarette électronique pousse à fumer des cigarettes. Cette histoire venue d’Angleterre nous rappelle étrangement la position de l’OMS qui voit dans l’ecig une banalisation de la cigarette, allant à l’encontre du grand principe “tout ce qui ressemble à une cigarette doit être banni et puni“.
Il reste décidément encore bien du chemin à faire pour que les méthodes de réduction des risques pour le fumeur soient acceptées et intégrées comme telles.