Suite à plusieurs années de procès, trois cigarettiers ont été condamnés à verser plusieurs milliards de dollars canadiens à des dizaines de milliers de victimes du tabac. Tous ont été reconnus coupables de ne pas avoir informé les fumeurs des risques liés à la consommation de leur produit.
Faire payer Big Tobacco pour les dommages causés sur la santé publique
L’affaire est sans précédent. La semaine dernière, les trois fabricants de tabac British American Tobacco (Imperial Tobacco Canada), Rothmans Benson & Hedges et Japan Tobacco International, ont été condamnés à verser plus de 15 milliards de dollars de dommages et intérêts à plusieurs dizaines de milliers de victimes du tabac.
L’affaire avait débuté au cours de l’année 1998 lorsque deux recours collectifs représentant plus d’un million de Québécois étaient déposés auprès du tribunal de Montréal. Portés par Jean-Yves Blais, fumeur depuis l’âge de 8 ans, et le Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS), les recours accusaient les cigarettiers d’avoir menti à leurs clients et de ne pas les avoir informés des dangers liés à la consommation de tabac fumé.
4 années plus tard, en 2012, le procès s’ouvrait enfin.
Les cigarettiers reconnus coupables
Après plusieurs années de lutte acharnée et un premier verdict rendu en 2015, le 1er mars dernier, l’honorable juge Brian Riordan a confirmé la décision prise en première instance, dans un jugement de 276 pages. Les fabricants de cigarettes sont ainsi déclarés coupables une nouvelle fois.
« Au cours des quelques 50 années visées par le recours, et pendant les 17 années qui ont suivi, les compagnies ont empoché des milliards de dollars aux dépens des poumons, des gorges et de la santé de leurs clients » indique ainsi l’homme de loi lors de la prononciation de son verdict.
Il condamne de cette manière les trois cigarettiers à verser les 15,5 milliards de dollars canadiens aux victimes du tabac qui avaient été demandés en 2015. La somme est même revue et rehaussée jusqu’à 17 milliards, afin d’additionner les intérêts supplémentaires des années qui se écoulées depuis le premier verdict.
Pour Eric Gagnon, porte-parole d’Imperial Tobacco Canada, ce verdict est décevant. Selon lui, « les consommateurs et les risques associés au tabagisme sont connus au Canada ». Les cigarettiers ne devraient ainsi « pas être tenus responsables ».
Du côté des plaignants, la victoire est totale. Les avocats des victimes parlent d’un verdict « historique » et qualifient même le procès de « chef d’oeuvre ».
« Le jugement reprend les conclusions de première instance, les solidifie et confirme que les compagnies ont conspiré pendant cinquante ans pour mentir au public » explique ainsi André Lespérance, faisant partie des avocats des plaignants.
Les cigarettiers sont ainsi officiellement reconnus coupables de 4 chefs d’accusation, dont ceux de manquements au « devoir général de ne pas causer un préjudice à d’autres » et au « devoir d’informer ses clients des risques et des dangers de ses produits ».
Contre-attaque de JTI
Toutefois, à peine quelques semaines après ce second verdict, nouveau rebondissement.
En effet, il y a quelques jours, Japan Tobacco International a réussi à faire stopper l’intégralité de la procédure judiciaire le concernant. Ayant prétexté devant le tribunal d’Ontario ne pas pouvoir régler l’amende qui lui a été infligé, le cigarettier a réussi à se réfugier derrière une loi de protection contre les créanciers.
S’étant dit dans dans l’incapacité de payer les 1,77 milliards de dollars qui lui sont demandés, le cigarettier a mis en avant sa volonté de « protéger 500 emplois au Canada et poursuivre ses activités commerciales avec un minimum de perturbations ».
La Canadian Cancer Society s’est d’ores et déjà opposée à cette décision. Pour l’organisme, « c’est une tactique de JTI-Macdonald pour essayer d’éviter de payer ce qu’ils sont censés payer ».
De son côté, JTI ne compte pas s’arrêter là et a fait part de son souhait d’interjeter en appel le dernier verdict la condamant, devant la Cour Suprême du Canada.