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Brésil : 9 ans, et réduit en esclavage dans une ferme de tabac

Mis à jour le 9/07/2024 à 16h41
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Lors d’une visite des inspecteurs du travail dans une exploitation de tabac, 9 travailleurs ont été secourus, soupçonnés d’être réduits en esclavage. Parmi eux, un enfant de 9 ans.

Le Brésil, toujours en proie à ses vieux démons

Photo d'une femme noire, enchainée

Le titre effraie, et il y a de quoi. Il y a quelques jours, une ferme productrice de tabac, dans la région de Venancio Aires, au Brésil, a reçu la visite d’inspecteurs du travail venus contrôler l’exploitation. Sur place, ils ont constaté que 9 travailleurs, dont 5 enfants âgés de 9 à 16 ans, étaient victimes d’esclavages. Dans leur rapport, ils indiquent que ces travailleurs vivaient dans de mauvaises conditions, étaient payés moins d’un tiers du salaire minimum brésilien, et n’avaient pas à leur disposition de quelconques équipements de protections, les exposant ainsi à être victimes d’une très forte exposition à la nicotine.

Ils présentaient une intoxication aiguë, ils avaient des nausées, ils vomissaient, a déclaré Lucilene Pacini, inspectrice du travail qui faisait partie de l’équipe envoyée sur place. En précisant ensuite que les enfants souffraient des mêmes symptômes. Selon elle, ce serait la troisième fois depuis 2019 qu’une inspection donne lieu à un sauvetage de la sorte.

Continental Tobaccos Alliance (CTA), parmi les exportateurs majeurs de tabac au Brésil, fournissant la plante dans plus de 50 pays du monde, a été contacté, car un contrat le liait à la ferme incriminée. Il s’est défendu en indiquant que son contrat, exclusivement commercial, ne le rend pas responsable des travailleurs qui exercent sur place et que ceux-ci dépendent du propriétaire de l’exploitation. Il a également souhaité rappeler qu’il possédait différents programmes destinés à la lutte contre le travail des enfants dans l’industrie du tabac.

Pour Leandro Vagliati, inspecteur du travail ayant également participé au contrôle, les contrats qui lient CTA aux fermes de production stipulent que la société peut contrôler l’exploitation et dicter la manière de développer les cultures. Ainsi, il explique que la position actuelle de l’industrie du tabac, qui consiste à ne pas être responsable de l’exploitation illégale de la main-d’œuvre, doit être confrontée. Les entreprises doivent rendre des comptes, ajoute-t-il.

Une enquête gouvernementale a été ouverte à propos de Continental Tobaccos Alliance, qui devra déterminer si l’entreprise est coupable d’avoir eu recours à l’esclavage. En cas de réponse positive, celle-ci pourrait être ajoutée à la liste sale des entreprises brésiliennes ayant eu recours à cette pratique. Une liste sur laquelle elle pourrait rester durant 2 ans, qui ferme le droit à tout prêt de l’État, et qui est consultée par les acheteurs internationaux soucieux de leur chaîne d’approvisionnement.

Des exploitations pourtant, parfois certifiées

Le Brésil a aboli l’esclavage très tardivement, en 1888, à travers ce qui a été baptisé Loi d’or. Pourtant, la population noire continuerait en partie d’être maltraitée dans le pays, encore aujourd’hui. Sur place, de nombreuses associations tentent de lutter quotidiennement contre ce fléau que l’on retrouve dans l’industrie du tabac, mais également celle du café, par exemple, et parfois même dans certaines exploitations pourtant décorées de nombreux labels (Starbucks en partenariat avec SCS Global Services, et la certification UTZ, la plus importante de l’industrie du café).

Être noir équivaut à être soumis à diverses situations dans lesquelles votre vie est dévalorisée, vous êtes un être socialement disqualifié et votre culture est délégitimée, explique Sérgio Luiz de Souza, professeur à l’université fédérale de Rondônia et chercheur en histoire afro-brésilienne et africaine.

Il « explique » cette situation par le fait que dans le pays, les populations noires, qui représentent la moitié de la population brésilienne, n’ont pas accès à l’enseignement supérieur, au Parlement, ont moins accès à la santé, à l’éducation, sont les plus pauvres, vivent moins longtemps. Des faits qui les conduiraient à devoir se débrouiller afin de subvenir aux besoins de leurs familles, et ainsi être les victimes « d’employeurs » peu scrupuleux.

Entre 2016 et 2018, 2 570 esclaves auraient été secourus au Brésil, dont 82 % étaient Noirs. 56 % d’entre eux n’avaient pas terminé l’école primaire, et 14 % étaient analphabètes. Un signe flagrant d’inégalité pour Gildásio Silva Meireles, agent du Centre de défense de la vie d’Açailândia, dans le Maranhão, où il aide les personnes secourues, après l’avoir lui-même été il y a 12 ans.