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Avenir de la vape en Suisse : l’enfumage light de l’OFSP

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Dans le dernier numéro de Spectra, publiée ce 4 septembre par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), deux cadres de l’institution présentent «les atouts et les dangers de la réduction des risques [pour les substances légales] en prenant l’exemple du tabagisme».

Le Cervin en Suisse

Le débat «n’a rien de trivial», soulignent Adrian Gschwen et Patrick Vuillème, travaillant tous deux à la section Bases politiques et exécution de l’OFSP. Les auteurs avouent à demi-mots l’impasse de la position actuelle «Quit or die» de la santé publique suisse visant l’abstinence totale alors que le «taux d’échec des interventions de sevrage tabagique traditionnelles se situe entre 67% et 97%».

Autrement dit, l’alternative officielle se limite à la mort prématurée pour une majorité des usagers et des maladies pour tous. Le soutien à des outils de réduction des méfaits semblerait donc tout indiqué pour enrayer ce massacre qui concerne entre un quart et un tiers de la population Suisse.

Industrie du doute

Mais les auteurs doutent de cette stratégie. « Le risque individuel d’un fumeur qui passe à la cigarette électronique baisse considérablement. Mais globalement, la promotion d’un nouveau produit comme la cigarette électronique ou le snus peut s’avérer plus néfaste pour la santé publique si elle pousse des gens qui n’auraient eu aucune attirance pour la cigarette à consommer de la nicotine (au risque de passer ultérieurement à la cigarette), prétendent les auteurs s’inspirant d’un vieux rapport du Centre allemand de recherche sur le cancer (DKFZ).

Aucun chiffre ne vient étayer cette crainte dans l’article des cadres de l’OFSP. Et pour cause. Le retour en grâce du snus depuis le milieu des années 1990 en Suède a entraîné une chute phénoménale du tabagisme des hommes qui atteint désormais 5% . La réduction quasi immédiate des maladies respiratoires a précédé une chute des cancers des poumons et aussi du pancréas (contrairement à une fausse rumeur propagée à une époque). Les suédois consomment en masse de la nicotine, sans fumer de cigarettes, et se portent bien.

Autre histoire à succès de la réduction des risques outre-Manche. Le Royaume-Uni a profité du vapotage depuis 2011 pour réduire d’un cinquième le tabagisme des adultes passé en dessous de 16%. Les adolescents ont aussi profité de cette dynamique, leur tabagisme chutant à moins de 4% des britanniques de 16 ans.

Au contraire, l’Allemagne et la France, dont les autorités sont réfractaires au vapotage, ont maintenu leurs tabagismes en laissant notamment proliférer des campagnes désinformation suscitant la défiance de la population en général et des fumeurs en particulier à l’encontre de l’outil de réduction des risques.

“Vaping is safer”

Les cadres de l’OFSP ne présentent pas les données réelles qui écartent leurs craintes. Ils professent de surcroît une très étrange conception de la réduction des risques, typiquement incarnée dans le titre de l’article «safer smoking» (fumer de manière plus sûre).

Quand un titre plus cohérent aurait du être «vaping is safer because it’s not smoking» (vapoter est plus sûr parce que ce n’est pas fumer).

La confusion est manifeste sur la différence fondamentale entre fumer et vapoter. La distinction physique élémentaire entre fumée, produite par la combustion et la pyrolyse, et la vaporisation, sans monoxyde de carbone notamment n’est ici pas comprise.

Cette incompréhension de la nature de la réduction des risques prend une dimension dramatique lorsque les auteurs entendent l’illustrer par un exemple historique totalement incongru. «Les cigarettes «light», introduites dans les années 70, ont montré les conséquences néfastes que pouvait avoir un produit supposément moins nocif sur la santé publique», osent-ils.

Peut-être faut-il rappeler quelques éléments historiques. Au début des années 1970, les autorités américaines décident d’imposer des limites aux taux de monoxyde de carbone (CO), de nicotine et de goudrons dégagés par les cigarettes. Elles instaurent alors la norme 10-1-10, pour 10 mg de CO, 1 mg de nicotine et 10 mg de goudrons, contrôlés par des tests de machines à fumer mécaniques.

Les catastrophes du mépris

Lors des discussions qui ont précédé cette mesure 10-1-10, les cigarettiers qui avaient étudié le phénomène de compensation avaient évoqué une limite à 2mg de nicotine dégagée. Par manque de connaissance les autorités de santé, qui n’avaient pas encore accès aux données des cigarettiers, avaient rejeté cet avis se méfiant des suggestions des cigarettiers, comme le raconte l’historien des sciences Mark Parascandola

Une fois cette norme instaurée, les services marketing des cigarettiers ont retourné cette contrainte en argument de vente avec l’accroche du «light». Les rapports du Surgeon General américain de 1971 et 1981 conseillait aux fumeurs de s’orienter vers les cigarettes faiblement nicotinées.

Les conséquences sanitaires en sont catastrophiques. Une vague de cancer des poumons adénocarcinorme ravage les fumeurs, forcés d’aspirer plus fortement pour retirer la nicotine des cigarettes appauvries de cette substance. Phénomène amplifié par l’astuce trompeuse des filtres ventilés (par des minuscules trous) destinés à tromper les mesures des machines à fumer.

L’histoire des cigarettes light est l’exemple type d’une mesure prise sans les usagers. Ils auraient sans peine expliqué en quoi ces cigarettes n’étaient pas satisfaisantes. Elle est également un exemple du mépris des connaissances scientifiques disponibles et de l’absence d’évaluation rationnelle des conséquences de la décision. Les conséquences prévisibles sont l’antithèse de la réduction des risques.

Des espoirs ou désespoir?

L’énorme contresens historique des deux cadres dirigeants de l’OFSP est  inquiétant à la veille de l’élaboration d’un nouveau projet de loi LPTab. Leur profession de foi en conclusion «la seule question qui vaille, du point de vue de la santé publique, est de savoir quels programmes, pratiques et interventions ont une efficacité avérée, indépendamment du fait qu’il s’agisse de mesures préventives, thérapeutiques, répressives, ou de réduction des risques» est-elle suffisante à laisser un espoir d’évolution positive après des années de protection du tabagisme par la répression du vapotage en Suisse?