Et si l’article 23 était voté et promulgué, ce serait la fin de tout ? Certainement pas, explique la Fivape, pour qui le combat ne s’arrêtera pas le 31 décembre à minuit, loin de là.
Un texte “rédigé dans la précipitation”
Le combat contre l’article 23 se poursuit, et beaucoup pensent que le destin de la vape sera joué quand le budget sera promulgué. Erreur, le combat ne sera pas perdu. “Une bataille juridique est longue, coûteuse et, par nature, incertaine, explique Jean Lorcy, de la Fivape. Notre priorité absolue est d’obtenir le retrait politique de l’article 23 avant sa promulgation. Cependant, la fébrilité juridique de ce texte est telle qu’elle constitue en soi un levier de négociation.”
“Notre analyse, partagée par nos conseils, est sans appel : ce texte est mal né. Il a été rédigé dans la précipitation, en procédant par copier-coller des mécanismes douaniers sans tenir compte de leur incompatibilité flagrante avec les principes fondamentaux du droit constitutionnel et du droit de l’Union européenne”, détaille-t-il. En d’autres termes, même si l’article 23 venait à passer, tout ne serait pas perdu, loin de là.
Pour gagner la bataille, la filière s’est équipée d’une armada complète. “Pour exploiter méthodiquement chacune de ces faiblesses, la Fivape s’est entourée d’une équipe juridique diverse et de premier plan, taillée pour intervenir sur tous les fronts, des constitutionnalistes de renom, des experts du droit administratif, des avocats spécialisés en droit de l’Union européenne, détaille Lorcy. Parallèlement, nos équipes de lobbying sont prêtes pour la première étape cruciale : fédérer activement les parlementaires (majorité comme opposition) pour obtenir la saisine spécifique du Conseil constitutionnel.”
En effet, le texte est très particulier et contient des failles. “C’est un cavalier budgétaire. Pour faire simple, c’est un hors sujet.” Et ça, c’est mal, ce qui tombe bien.
Des problèmes de constitutionnalité
“Il suffit de regarder le texte, soupire Jean Lorcy. On dirait un collage de notes de service des douanes transposées en loi. C’est un texte de pur technocrate qui vise à prendre le contrôle d’un marché avec un regard économique sans prise en compte des problématiques de santé publique.”
Pour un juriste, c’est une abomination : “Le texte est trop vague sur l’essentiel, notamment les règles qui vont déterminer la vie ou la mort des entreprises, ce qui est une violation de la liberté d’entreprendre, et trop précis sur des détails”, assène Jean Lorcy.
Et ce “cavalier budgétaire” est le premier levier. “Les mesures de police sanitaire qui constituent l’article 23 n’ont rien à faire dans un texte de loi de finances, poursuit-il. Et le Conseil constitutionnel a horreur de ça par-dessus tout. Il faut donc convaincre 60 députés ou 60 sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel, c’est un objectif atteignable.”
Il y a d’autres points qui coincent. “Le texte traite de façon égale le tabac, qui est le problème, avec la vape, qui est une solution. En taxant la solution, on protège le problème, ce qui est contraire au principe constitutionnel de protection de la santé.”
Enfin, Jean Lorcy pointe deux défauts majeurs de l’article 23 : “Il y a une violation de la liberté d’entreprendre et du droit de propriété. En interdisant la vente en ligne, des entrepreneurs vont tout perdre. C’est une expropriation. Les entreprises touchées devraient être indemnisées, ce qui n’est pas le cas.”
Des poursuites possibles sur les décrets
Et même si tout ça échoue, il restera des raisons d’espérer. Selon Jean Lorcy, “l’administration va préciser par décret les modalités d’application de l’article 23. Ce sont sur ces décrets que nous pourrons agir en saisissant le Conseil d’État.”
Le juge administratif juge en effet les règlements et a tout pouvoir pour les censurer s’ils sont contraires à la constitution, à la loi ou au droit européen et international. “Tout dépendra donc des décrets d’application, explique Jean Lorcy “Il est très fréquent que l’administration fasse des erreurs ou s’appuie explicitement sur un morceau de la loi qui n’est pas conforme à la constitution ou à la jurisprudence, et le juge administratif sanctionne sans hésiter les pouvoirs publics. C’est ce qui s’est passé pour le CBD et a permis in fine sa légalisation en France.”
Cette séquence ne s’ouvrira qu’à l’issue de la promulgation de la loi et à la publication de ces décrets. “Impossible de savoir quand nous pourrons agir, le calendrier est par nature incertain, le gouvernement et ses administrations peuvent parfois attendre plusieurs mois pour publier les décrets, explique-t-il. Ajoutons également que la rédaction de ces décrets peut amener l’administration à réaliser qu’il est très difficile juridiquement d’appliquer la loi. S’ouvre alors une phase de négociation entre le gouvernement et les acteurs professionnels, car celui-ci veut éviter que son décret soit censuré. Bref, incertitude maximale !”
Enfin, il reste un mécanisme, la question prioritaire de constitutionnalité : “Si un de nos adhérents est poursuivi, ou se voit refuser son agrément, il peut contester la loi elle-même, pour toutes les raisons que l’on a évoquées, avant son procès, ce qui peut entraîner une saisine du Conseil constitutionnel. C’est long, mais dans l’attente, c’est suspensif et il pourra poursuivre son activité. Une décision en sa faveur peut même valoir suppression de la loi entière.”
Dans cette affaire, la Fivape ne compte ni son temps ni ses moyens ; mais s’en remettre au droit et au juge est hautement risqué et rien ne vaut une victoire politique. Une mobilisation réussie reste la meilleure option pour éviter de perdre temps et argent devant les tribunaux.
Par Jean Moiroud, président de la Fivape
















