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60 Millions de Consommateurs sonne (encore) l’alerte, pour rien

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Dans son dernier article, le magazine français joue la carte de l’alarmisme au sujet de la cigarette électronique. Et sans aucune raison.

Cet article d’opinion n’engage que son auteur et ne représente pas forcément l’avis de la rédaction du Vaping Post.

Pour bien commencer 2025 !

Comment ça, cette image est exagérée ?

À peine quelques semaines après son dernier dossier sur les sachets de nicotine, le magazine 60 Millions de Consommateurs nous gratifie d’un nouvel « essai comparatif » sur les cigarettes électroniques. Si le dernier exercice sur les sachets de nicotine s’était révélé désastreux pour l’image du journal, qu’en est-il de cette nouvelle publication ? Retour sur un article bien réalisé, mais dont le seul objectif semble être de créer une couverture percutante pour le premier numéro de l’année 2025. 

Le retour des tests mystérieux

Comme le rappelle l’Institut National de la Consommation (INC), qui édite le magazine 60 Millions de Consommateurs, il y aurait près de quatre millions de vapoteurs dans l’Hexagone. Quatre millions d’anciens fumeurs qui ont fait le choix de remplacer le tabagisme par le vapotage, et ainsi de se diriger vers un produit qui leur permet de poursuivre la consommation de nicotine tout en réduisant les méfaits sur leur santé. Malgré un consensus scientifique établi sur le fait que vapoter est moins nocif que fumer, le magazine indique pourtant que « là-dessus, les preuves manquent »

Pour apporter sa pierre au vaste édifice des connaissances scientifiques sur le vapotage, le magazine a donc décidé de réaliser des tests destinés à révéler les interactions entre six vapoteuses et quatre e-liquides. Inutile de partir à la recherche de la méthodologie utilisée ou des conditions dans lesquelles se sont déroulés les tests, une fois encore, et comme pour le dossier sur les sachets de nicotine, il n’existe aucune explication. Lire 60 Millions de Consommateurs revient décidément à devoir faire confiance, et surtout, à ne pas trop vouloir en savoir. 

Premières conclusions indiquées par le magazine, tous les e-liquides testés étaient conformes au regard de leur taux de nicotine affiché. « Pour le reste, aucune anomalie n’a été constatée, ni aucune quantité inquiétante ou inattendue d’aldéhydes, de terpènes ou de métaux lourds »

En revanche, après avoir laissé les e-liquides dans le réservoir des différentes vapes testées, pendant une semaine, 60 Millions de Consommateurs a décidé de réaliser de nouveaux examens sur la présence éventuelle de métaux lourds. De l’arsenic aurait par exemple été détecté dans les bouffées, mais pas dans les e-liquides. De l’arsenic, « présent à l’état de traces ». D’autres métaux lourds auraient été relevés, dans des proportions différentes selon les modèles d’e-cigarettes. Pour le plomb, par exemple, 60 Millions de Consommateurs note que « certaines e-cigarettes testées génèrent deux fois moins de plomb, mais pratiquement autant de nickel et d’arsenic, et jusqu’à cinq fois plus de cobalt et quinze fois plus de chrome »

Rien d’alarmant à signaler

Ensuite, le magazine a choisi de comparer les niveaux de métaux lourds relevés avec ceux des seuils retenus pour les médicaments inhalés, la qualité de l’air ou encore les limites d’exposition professionnelle. « Au total, seuls les niveaux de plomb et de nickel peuvent soulever des inquiétudes pour de gros vapoteurs », note l’INC. Un avis que tempère Claude Bamberger, président de l’Association indépendante des utilisateurs de cigarettes électroniques (AIDUCE), qui explique que « c’est un sujet d’amélioration mais pas d’alarme, au regard des données effectives d’exposition quotidienne ». Autrement dit, si la combinaison vapoteuse/e-liquide étudiée contenait bien certains métaux lourds, ils n’étaient présents qu’en très faibles quantités. 

Même son de cloche du côté des aldéhydes, également scrutés par 60 Millions de Consommateurs, qui indique que « [leur] concentration reste 4 à 90 fois inférieure à ce qui a pu être mesuré avec des cigarettes classiques, mais elle est 500 fois supérieure aux recommandations pour la qualité de l’air intérieur ». Est-il réellement utile de rappeler que la cigarette électronique n’a pour seul rôle que celui de remplacer le tabagisme, et qu’il convient donc de toujours la comparer avec une cigarette de tabac ? Concernant les seuils fixés pour la qualité de l’air intérieur, bien sûr que l’aérosol d’une cigarette électronique contient, et contiendra toujours, plus de composés nocifs ou potentiellement nocifs. Fort heureusement, le magazine se rattrape en indiquant qu’il ne s’agit que d’une comparaison indicative, « on inhale plus profondément en vapotant, mais on ne vapote pas autant qu’on respire »

De plus, comme l’explique le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail, les contaminants potentiels de l’air intérieur sont nombreux. Qu’il s’agisse des gaz d’échappement des véhicules qui circulent à l’extérieur, des poussières et fibres de verre directement dégagées par les matériaux de construction utilisés pour le logement, des vapeurs et autres composés organiques volatils provenant des imprimantes, des ordinateurs, des tapis, des meubles, des colles, des peintures, du parfum, et même de simples odeurs corporelles, les polluants de l’air intérieur sont nombreux. Dans ces conditions, il paraît difficile d’imaginer qu’un quelconque bâtiment, quel qu’il soit, respecte absolument tous les seuils de recommandation.

Enfin, concernant l’acétone, si les taux varient selon les combinaisons e-liquides/vapoteuse testés, « les quantités restent bien inférieures qu’avec des cigarettes »

Les adeptes de Pooley

Les données révélées par ce dossier sont donc rassurantes. Qu’il s’agisse de la conformité des taux de nicotine ou des quantités de métaux lourds relevés, rien d’alarmant n’est signalé par 60 Millions de Consommateurs. Pourtant, non seulement le titre de l’article est alarmiste, « Vapotage : des métaux lourds dans les bouffées », mais, en plus, la couverture du magazine fait, elle aussi, dans le sensationnalisme, en titrant « Vapotage, gare aux métaux lourds ! »

Comment, alors, expliquer ce choix de verser dans le sensationnalisme plutôt que dans l’information neutre et objective ? C’est bien simple, comme l’a indiqué le cabinet de la secrétaire d’État à la consommation en novembre dernier, le magazine rencontre « des difficultés majeures depuis plusieurs années ». Avec un nombre d’abonnés en diminution permanente, passant de 140 000 en 2019 à 76 000 en 2024, le gouvernement, à la tête de l’INC qui édite le magazine, souhaite désormais s’en séparer, notamment à cause d’un « déficit persistant depuis 7 ans, qui a épuisé sa trésorerie »

Il n’est donc pas étonnant que 60 Millions de Consommateurs souhaite, par tous les moyens à sa disposition, attirer de nouveaux abonnés. Et comme l’avait remarqué, il y a près de 40 ans, le journaliste Eric Pooley, pour vendre des journaux ou attirer des spectateurs, il faut des histoires qui font peur. C’est d’ailleurs lui qui est crédité de la première véritable utilisation de l’expression “if it bleeds, it leads”, lorsqu’il a déclaré : « Le rapport réfléchi est enterré parce que des histoires sensationnelles doivent lancer l’émission : si ça saigne, ça mène (The thoughtful report is buried because sensational stories must launch the broadcast: If it bleeds, it leads) ». Comprenez par là que les titres racoleurs et les histoires qui font peur intéressent beaucoup plus le public que d’autres récits plus traditionnels. 

Dans ce cadre, et vu la situation financière de 60 Millions de Consommateurs, peut-on leur en vouloir pour ces titres inutilement alarmistes ? Oui et non. 

Non, parce qu’il est normal d’essayer de récupérer des abonnés lorsque l’existence même du magazine pour lequel on travaille est menacée. Et non plus, parce que la plupart des médias utilisent aujourd’hui cette méthode, qui était pourtant, auparavant, réservée à la presse sensationnaliste dont la qualité des publications a toujours rasé les pâquerettes. 

En revanche, on peut effectivement en vouloir au magazine par rapport au sujet abordé. En effrayant le grand public au sujet de la cigarette électronique, 60 Millions de Consommateurs prend le risque de faire peur aux fumeurs, et de les maintenir dans leur tabagisme, une habitude qui fait, chaque année, plus de huit millions de morts dans le monde. 

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