Le tabagisme est responsable de plus de 8 millions de décès chaque année dans le monde. Alors que de nombreuses stratégies existent afin de faire diminuer le nombre de fumeurs, la France a fait le choix de concentrer la sienne presque exclusivement sur la hausse des prix. Un modèle qui a atteint ses limites ?

Les dates marquantes dans la lutte contre le tabagisme en France

  • 1976 : loi n° 76-616 du 9 juillet relative à la lutte contre le tabagisme, également appelée Loi Veil.
  • 1991 : loi n° 91-32 du 10 janvier relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, également appelée loi Évin.
  • 2003 : mise en place du Plan cancer (format PDF) par le président Jacques Chirac.
  • 2004 : création de l’Institut national du cancer.
  • 2006 : décret n°2006-1386 du 15 novembre fixant les conditions d’application de l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif.
  • 2016 : ordonnance n° 2016-623 du 19 mai portant transposition de la directive 2014/40/UE sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des produits connexes.

Des lois, encore des lois, vraiment le seul choix ?

C’est en 1976, à travers la loi Veil, que le premier grand texte de loi visant à lutter contre les méfaits du tabagisme fait son apparition en France. S’attaquant principalement à la publicité, elle prévoit également des interdictions de fumer dans certains lieux publics et impose l’inscription de la mention « abus dangereux » sur les paquets de cigarettes.

15 ans plus tard, en 1991, la loi Évin est promulguée et durcit certaines réglementations déjà existantes en plus d’en créer de nouvelles. Elle favorise ainsi la hausse du prix du tabac, pose un principe d’interdiction de fumer dans plusieurs lieux publics, interdit toute publicité directe ou indirecte pour les produits du tabac, leur distribution gratuite, ainsi que leur vente auprès de personnes âgées de moins de 16 ans. En 2006, un décret est voté afin de la modifier. Celui-ci étend l’interdiction de fumer à de nouveaux lieux publics.

En 2002, le président Chirac déclare « la guerre au tabac » et instaure l’année suivante le Plan cancer, qui s’étendra jusqu’en 2007. C’est au cours de cette période que les premières fortes hausses du prix du tabac sont enregistrées, de l’ordre de + 42 % entre 2002 et 2004.

En 2016 est finalement votée la mise en place du paquet neutre.

Depuis lors, les principales mesures destinées à lutter contre le tabagisme en France ont consisté à augmenter encore, par palier, le prix de vente des paquets de cigarettes et autres produits du tabac.

Évolution du nombre de fumeurs en France depuis 1974 – source : OFDT

L’augmentation du prix de vente des paquets de cigarettes s’accélère une nouvelle fois en 2017 lorsque le Premier ministre, Édouard Philippe, indique sa volonté d’accentuer la lutte contre le tabagisme. La mesure annoncée promet une augmentation du prix du paquet de 7 € à l’époque, à 10 € en 2020.

Selon ce graphique de Santé Publique France, entre 2017 et 2019, le nombre de fumeurs aurait diminué de 1,9 %, passant de 26,9 à 24 %.

Mais cette diminution n’est-elle vraiment que le fruit de la hausse des prix mise en place par le gouvernement alors au pouvoir ?

Si l’on en croit le rapport de l’OFDT (format PDF) qui date de février 2020, le nombre de vapoteurs quotidiens en France s’élevait à 3,8 % en 2018, contre 2,7 % l’année précédente. De nombreuses études ont démontré que la cigarette électronique est l’outil de sevrage tabagique le plus efficace pour arrêter de fumer, ainsi il y a fort à parier qu’une proportion de ces vapoteurs s’est sevrée du tabagisme en même temps, ou quelques mois après avoir commencé à vapoter.

Alors, cette diminution de 1,9 % du nombre de fumeurs entre 2017 et 2019 est-elle due à l’augmentation du prix du tabac ou à la popularisation de la cigarette électronique ? Aucune étude ne permet de répondre précisément à cette question.

L’exemple britannique à suivre ?

En revanche, afin d’obtenir quelques éléments de réponse, il est possible de comparer l’évolution du nombre de fumeurs entre la France, ayant axé sa politique de lutte contre le tabagisme sur la hausse des prix, et le Royaume-Uni, qui a fait le choix de mettre en avant la cigarette électronique comme outil de sevrage tabagique.

En effet, depuis 2015 et la déclaration du ministère de la santé britannique indiquant que vapoter est « au moins 95 % moins nocif que fumer », le pays a fait le choix d’inciter ses fumeurs à passer au vapotage.

À travers de nombreuses opérations telles que Vapril, le National no smoking day, Stoptober, la publication de vidéos destinées à contrer les fausses informations sur le vapotage ou encore celles dont l’objectif est de montrer l’effet du vapotage sur les poumons par rapport au tabagisme, le pays a fait de la vape un véritable outil au sein de son arsenal de lutte contre le tabagisme.

Évolution du nombre de fumeurs au Royaume-Uni – source : Office for national statistics

Résultat, en faisant la promotion du vapotage en plus d’une augmentation des prix du tabac, le pays a enregistré une diminution du nombre de fumeurs de 1 % entre 2017 et 2019, soit seulement 0,9 % de moins que la France qui compte pourtant 14,3 % de fumeurs en plus.

Aujourd’hui, le taux de prévalence tabagique au Royaume-Uni est parmi les plus bas d’Europe. La France, elle, reste parmi les pays les plus consommateurs de cigarettes de tabac.

Augmenter les prix du tabac crée de nouveaux problèmes

L’exemple français semble démontrer que l’augmentation du prix des paquets de cigarettes ne semble que peu efficace lorsque celle-ci n’est pas accompagnée d’une stratégie plus globale de lutte contre le tabagisme. De plus, si cette augmentation des tarifs est censée régler en partie le problème du tabagisme, elle en crée aussi de nouveaux.

Parmi eux, l’augmentation du nombre de Français qui se rendent à l’étranger afin d’acheter leurs cigarettes (24,4 % des fumeurs en 2020), mais également l’accroissement du nombre de fumeurs qui fait le choix de se procurer ses produits au marché noir. Entre 2017 et 2020, on estime que la part des cigarettes de contrefaçons en France est passée de 2,10 à 11,90 %.

Des pratiques qui ont entraîné une perte financière pour le gouvernement de plus de 1,9 milliard de dollars en 2019, et ce, simplement pour les cigarettes de contrefaçons.

L’exemple suédois

Le Royaume-Uni n’est pas le seul pays de l’Union européenne (UE) a avoir fait le choix de la réduction des risques tabagiques afin d’inciter ses fumeurs à arrêter de fumer. En effet, si la cigarette électronique est très largement mise en avant dans le pays, en Suède, c’est vers le snus que le gouvernement s’est tourné.

Nombre de fumeurs par pays de l’Union Européenne – source : Eurobaromètre 2017

Traditionnellement utilisée depuis le XVIIIe siècle, cette poudre de tabac, présentée sous la forme d’un petit sachet que l’on place entre la gencive et la lèvre supérieure, permet aujourd’hui à la Suède d’être le pays dont le taux de prévalence tabagique est le plus faible de l’UE, avec moins de 7 % de fumeurs.

Des chiffres qui démontrent une nouvelle fois qu’adopter une stratégie de réduction des risques afin de lutter contre le tabagisme, semble bien plus efficace que se contenter d’en augmenter les prix.

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