Hier je me suis baladé à La Rochelle, une ville que j’apprécie beaucoup pour son ambiance et ses petites boutiques de quartier.
Ayant lu dans la presse que l’on pouvait y trouver des cigarettes électroniques je n’ai pas pu m’empêcher d’aller jeter un oeil dans un des magasins spécialisé qui se trouvait à proximité.
Visite de la boutique Neovapo à La Rochelle
Mon choix s’est porté sur une boutique de la chaîne Neovapo. Je dis “chaîne” car on en trouve déjà 4 en France. Située dans une rue très commerçante la boutique Neovapo propose du matériel de bonne qualité (principalement Joytech). Quelques mètres carrés suffisent à entreposer un présentoir en verre contenant des packs prêts à l’emploi, un comptoir avec des cartouches pré remplies pour des séances de dégustation, deux étagères en arrière plan supportant des flacons de e-liquides et puis un vendeur souriant entre les deux, tentant de ne pas trop laisser refroidir la petite brochette des trois visiteurs dont je faisais partie en les accueillant avec un élégant “approchez, approchez, n’ayez pas peur“.
J’ai laissé la dame dont la voix me faisait penser à celle de Jeanne Moreau tester le goût caramel et accaparer l’attention du vendeur, pour regarder un peu autour de moi et prendre connaissance des informations affichées dans la boutique.
Un tract qui m’a interpellé
En dehors de la photo de Johnny Depp et de Leonardo Dicaprio imprimée sur un poster censé rassurer les lecteurs encrassés de Gala, quelque chose de plus inquiétant m’a interpellé.
Sur un flyer que j’ai trouvé à l’entrée du magasin il était écrit en gros : “Aucune substance cancérigène“. J’ai alors dit à ma fiancée anglophone qui se trouvait à côté de moi “and my ass, it is chicken“. Elle n’a pas saisi ce trait d’esprit culturel.
Je ne voudrais pas porter préjudice à la boutique Neovapo car elle n’est pas la seule à utiliser cet argument de vente, que ce soit dans des boutiques physiques ou virtuelles on le retrouve très souvent, mais le fait de le voir écrit en gros comme ça, m’a fait réfléchir.
Cancer ou pas, on en sait rien du tout
Il me parait sage de dire que la cigarette électronique est à priori extrêmement moins nocive que la cigarette traditionnelle mais dire aux gens qu’il n’y a aucune substance cancérogène dedans est à priori faux, car il y en a. C’est tout du moins ce qu’une étude allemande sur la composition de la vapeur des e-cigarettes avait pu démontré en juillet 2012, et ce n’est pas la seule.
Des nitrosamines à très faibles doses mais néanmoins présentes
Même si certaines substances habituellement considérées comme cancérogènes ont été trouvées à des quantités très faibles et bien en dessous des niveaux jugés comme acceptables par la Food and Drug Administration (FDA), il semble que la vapeur des cigarettes électroniques ne peut pas non plus être décrite à l’heure actuelle comme cancérigène ou non. En fait cancer ou pas, on n’en sait rien du tout car à ma connaissance cela n’a jamais été prouvé, par contre la cigarette électronique contient quand même des substances pas glop du tout.
Je rappelle à titre d’exemple que le formaldéhyde, détecté à plusieurs reprises dans la vapeur produite d’une cigarette électronique (et celle d’une cigarette), est jugé comme un « cancérogène certain » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
Cela ne veut pas forcément dire que la cigarette électronique influencera ou non le développement d’un cancer chez le sujet qui l’utilise, mais selon certaines études elle contient bien (à très faibles doses) des substances considérées comme cancérigènes.
D’ailleurs, doit-on dire cancérigène ou cancérogène ?
Les mots portent un peu à confusion car employés par beaucoup comme étant synonymes, or ce n’est pas le cas. Alors qu’un produit cancérogène signifie qu’il va obligatoirement provoqué un cancer (comme les rayons ionisants par exemple), un produit cancérigène pourra être à l’origine d’un cancer mais ne le provoquera pas de façon systématique du point de vue scientifique, ce sera le cas du tabac par exemple.
Pour intégrer d’autres éléments de réponse à cette question des nitrosamines spécifiques au tabac (TSNA), de nouvelles informations ont été communiquées lors d’un atelier scientifique sur l’e-cigarette qui s’est tenu le 30 août dernier à Helsinki lors d’un congrès de la société de recherche sur la nicotine et le tabac (Society for Research on Nicotine and Tobacco – SRNT Europe).
Une étude comparative de certains agents toxiques contenus dans la fumée de cigarette et contenus également dans la vapeur des cigarettes électroniques
J’attire votre attention sur le fait que ces données ont été récoltées depuis le document de présentation de Maciej L. Goniewicz au congrès de la société de recherche sur la nicotine et le tabac (SRNT) et que je n’ai pas en ma possession le document officiel détaillant le protocole et les résultats de l’étude.
Mr Maciej L. Goniewicz est un chercheur polonais qui a l’appui du UK Center for Tobacco Control Studies et qui reçoit des financements de la société Pzifer. Je rappelle pour celles et ceux qui n’auraient pas suivi le débat Big pharma, que la cigarette électronique suscite beaucoup d’intérêts financiers et entre en compétition directe avec les substituts nicotiniques actuels. Il serait donc à l’avantage d’une entreprise fabricant des produits concurrents de financer des études allant dans son sens.
Parenthèse fermée, regardons les chiffres qu’annonce Goniewicz quand il compare la vapeur des e-cigarettes V2cigs à la fumée de cigarette :
- Formaldéhyde : 2 fois moins
- Acetaldéhyde : 130 fois moins
- Acroléine : 4 fois moins
- Toluene : 23 fois moins
- Nitrosonornicotine (NNN) : 145 fois moins
- Nicotine-derived nitrosamine ketone (NNK) : 30 fois moins
- Cadmium (Cd) : 16 fois moins
- Nickel (Ni) : 15 fois moins
Ce sont des chiffres rassurant je trouve, mais d’après ce chercheur on est loin d’aspirer que de l’air non plus.
Conclusion
Je pense qu’il serait préférable d’éviter d’annoncer sur des supports de vente que la cigarette électronique ne contient aucun agent cancérigène. La cigarette électronique est à l’heure actuelle une méthode de réduction des risques liés au tabac dont la toxicité en comparaison aux cigarettes est à priori très faible mais reste encore à étudier afin de pouvoir se prononcer.
Eviter de dire que l’e-cigarette ne contient aucune substance cancérigène pourrait être une idée à intégrer dans la charte du CACE. Si les vendeurs ne s’organisent pas, la mauvaise information pourrait conduire à une régulation trop forte de ce produit, voir à une interdiction pure et simple.
Je remercie Randall d’UnAirNeuf.org pour m’avoir fourni le document de Maciej L. Goniewicz et m’avoir fait part de son point de vue lors de la rédaction de cet article.