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Vape aux USA : la FDA fait-elle fausse route ?

Mis à jour le 10/07/2024 à 16h39
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Clive Bates est récemment revenu sur le débat qui anime l’Amérique depuis près d’un an, celui de l’ « épidémie de vapotage chez les jeunes » que connaîtrait le pays. Mais les adolescents des USA sont-ils vraiment en danger ? La FDA n’en rajouterait-elle pas un petit peu ?

La FDA prise d’un alarmisme chronique

Credits : site personnel de Clive Bates – https://www.clivebates.com

Dans un récent billet de blog, Clive Bates, consultant en santé publique britannique, fait le point sur les nombreuses erreurs que la FDA commettrait selon lui à propos de la vape. Entre reprise des chiffres, analyse de données diverses et remise en perspective de certaines affirmations de l’organisme de santé, rien ne semble échapper au regard affuté de l’analyste.

Pour commencer, Clive Bates reprend la FDA sur le terme qu’elle utilise depuis maintenant plusieurs mois à propos de l’accroissement du nombre de jeunes qui vapotent, celui d’ « épidémie ». Il est vrai que pour un citoyen lambda, entendre Scott Gottlieb, commissaire de la FDA, parler de la cigarette électronique comme d’une « épidémie de vapotage chez les jeunes » ou d’une « tragédie de santé publique », peut être particulièrement effrayant.

Ainsi, il démarre son article en rappelant que dans le cas présent, le terme d’épidémie n’est pas approprié.

« Soyons clairs, l’accroissement du nombre de vapoteurs n’est pas une épidémie. La vape n’est pas une maladie et n’est même pas la cause d’une maladie. La vape est un comportement qui a des conséquences relativement mineures sur la santé, si tant est qu’il en ait. Peut-être le pensent-ils comme une métaphore – mais des entités technocratiques comme la FDA, le Surgeon General et le CDC ne devraient pas faire le commerce d’hyperboles chargées d’émotion tout en prétendant prendre grand soin du choix des mots » explique-t-il ainsi.

Clive Bates poursuit ensuite dans le même esprit concernant le fait que la FDA et d’autres organisations de santé publique américaines parlent du vapotage comme d’une « addiction ». Il rappelle ainsi que, bien que la définition précise du terme « addiction » soit particulièrement controversée dans le milieu scientifique, tous les experts du domaine s’accordent quand même à dire qu’une addiction répond à plusieurs critères précis tels qu’une « perte de contrôle » et un « engagement dans certains comportements malgré leurs effets négatifs ».

Comme l’explique le consultant en santé publique, « combien d’adolescents vapoteurs ont déjà perdu le contrôle et subissent des conséquences négatives » inhérentes au vapotage ?

Une nécessaire distinction entre dépendance et addiction

Si l’on en croit l’American Psychiatric Association, l’addiction est « une maladie complexe, une maladie du cerveau qui se manifeste par la consommation compulsive d’alcool et d’autres drogues malgré ses conséquences néfastes. Les personnes ayant une dépendance se concentrent intensément sur la consommation d’une ou plusieurs substances au point qu’elle prend le dessus sur leur vie ».

Là encore, une définition bien loin du quotidien que vivent les adolescents vapoteurs des USA, comme ceux du monde monde entier. Difficile de croire qu’à un seul moment, le vapotage ait pu « prendre le dessus sur la vie » de qui que ce soit.

Ainsi, comme l’explique C.Bates :

« La « dépendance » est un concept glissant à définir et les hauts fonctionnaires l’utilisent abondamment sans le faire. Pour qu’il s’agisse d’un terme significatif, il doit signifier quelque chose de différent du fait d’aimer beaucoup quelque chose ou de ressentir une envie de boire de l’eau quand on souffre de manque d’eau (c’est-à-dire avoir soif) ».

Le tabac, ce n’est pas qu’être accroc à la nicotine

L’homme poursuit sa croisade contre la FDA en expliquant que l’organisme de santé fait un parallèle erroné entre dépendance au tabac et dépendance à la nicotine.

Il explique ainsi que bien que la nicotine « est la principale substance psychoactive de la fumée de tabac ou de l’aérosol de cigarette électronique, la caractéristique de dépendance à la nicotine est renforcée par les interactions avec d’autres substances présentes dans la fumée de cigarette, par exemple, les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) ».

Il rapporte alors les résultats d’une étude [1] ayant démontré que ce serait « les niveaux des enzymes monoamine-oxydase A (MAO-A) et MAO-B » qui seraient « réduits dans les plaquettes et le cerveau des fumeurs, et que les substances autres que la nicotine présentes dans la fumée de tabac ont des activités inhibitrices de MAO ».

En d’autre termes, la fumée de cigarette de tabac contiendrait diverses substances poussant à sa consommation, substances dont il n’y aurait « aucune preuve que les aérosols de vape en contiennent ».

Il conclut ce chapitre ainsi :

« Quelle est donc la base pour traiter toute consommation de nicotine de la même manière » ?

Les émotions n’ont pas leur place dans un débat sur la santé publique

Après avoir démontré que la FDA n’utilisait pas les bons termes afin de parler de la vape, et se permettait de juger la consommation de nicotine de la même manière, qu’elle qu’en soit sa source, Clive Bates revient sur un point pouvant paraître plus anecdotique pour certains, mais qui se révèle crucial pour d’autres, l’inclusion des émotions dans le débat. 

Là encore, s’il y a bien un expert dans ce domaine, c’est Scott Gottlieb, qui tente régulièrement de toucher le coeur des Américains à l’aide de différentes déclarations qui ne devraient pas avoir leur place dans un débat de santé publique.

Il déclarait par exemple, il y a 10 jours lors d’une audience publique :

« J’ai déjà entendu trop d’histoires douloureuses de parents d’adolescents, de pédiatres et de jeunes eux-mêmes. Les histoires montrent clairement que, pour de nombreux jeunes fumeurs de cigarettes électroniques, la dépendance s’est déjà installée (…) ces jeunes sont accros à la vape, et leurs parents inquiets, leurs médecins et la communauté de la santé publique cherchent des outils pour les aider à cesser de fumer ».

Ce genre de propos a-t-il réellement sa place dans un débat de santé publique ? L’émotion doit-elle prendre le pas sur la science ? Et une fois encore, le terme de « dépendance » n’est-il pas utilisé un peu vite au regard de sa réelle définition ?

Clive Bates note :

« De toute évidence, il n’est pas du tout scientifique d’aborder l’impact de la vape de cette façon (…) Cela suggère que des termes chargés d’émotion sont utilisés sans esprit critique, et peut-être même politiquement. Malheureusement, le Surgeon General a également rapporté des anecdotes de troisième main comme s’il s’agissait de contributions utiles au débat – à ma grande consternation ».

Mais pour le consultant en santé publique, cette utilisation de l’émotion comme facteur de transmission d’un message, a un but bien précis :

« Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les hauts responsables de la santé publique n’entendent que les cas les plus extrêmes, et que ceux qui relaient de tels cas exagèrent ou déforment les cas – beaucoup de leurs interlocuteurs sont engagés dans une campagne politique pour utiliser la réglementation de la FDA pour appliquer une interdiction de la vape. Les biais de sélection et de confirmation sont ici des dangers omniprésents ».

La FDA manipulerait-elle les chiffres ?

Si tout ce débat sur la vape a démarré aux USA, c’est uniquement à cause de la soi-disant explosion du nombre de jeunes qui vapotent. Mais combien sont-ils réellement ? La situation est-elle aussi dramatique que ne le laisse entendre la FDA ?

Pour Clive Bates, la réponse est non.

Comme l’indique le consultant, il y a une énorme différence entre vapoter quotidiennement et avoir essayé la vape. Une différence que la FDA ne semble pas prendre en compte lors de ses calculs :

« Ceux qui n’utilisent les e-cigs que quelques fois par mois font quelque chose de beaucoup moins inquiétant – ils ne font que déconner, faire des expériences, etc. Nous ne savons pas exactement combien, car le CDC et la FDA n’ont publié qu’un seul point de données pour la fréquence d’utilisation de 2018 : parmi ceux qui ont vapé au moins une fois au cours des 30 derniers jours, seulement 27,7% l’ont fait sur plus de 20 jours. Cela donne à penser que la grande majorité (>70 %) ne sont pas des « utilisateurs réguliers », mais qu’ils ont des habitudes de consommation plus expérimentales ou frivoles (nuages soufflés, etc.) »

Si l’on enlève ces 70 % d’utilisateurs irréguliers aux chiffres communiqués par la FDA, la soi-disant « épidémie » devient immédiatement beaucoup moins impressionnante. 

L’expert continue ainsi sur plusieurs dizaines de lignes en continuant de soulever d’autres questions tout aussi importantes que les précédentes. Que feraient ces jeunes qui vapotent si la cigarette électronique n’existait pas ? Fumeraient-ils ? Tous les chiffres annoncés par la FDA concernant le nombre de vapoteurs tiennent-ils compte des jeunes qui vapotent sans nicotine ? (spoiler : oui, mais ils ne sont pas différenciés des autres). Le vapotage est-il vraiment le comportement à risque le plus dangereux dont la FDA devrait se préoccuper en premier ? Ces quelques adolescents vapoteurs connaissent-ils vraiment un danger tellement imminent qu’ils méritent que la vape soit supprimée et privent ainsi des millions de fumeurs adultes de ses potentiels bienfaits ?

Finalement, comme se le demande Clive Bates dans l’un de ses titres : la FDA ne serait-elle pas tout simplement « l’ennemi de l’innovation » ?


[1] Sussman S, Sussman AN, Considering the definition of addiction, Int J Environ Res Public Health. 2011 Oct; 8(10): 4025–4038 – doi: 10.3390/ijerph8104025

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