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TobaccoGate, un point pour y voir plus clair

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Mis à jour le 7/09/2022 à 21h25
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Ces derniers jours, la presse a fait ses gros titres sur le TobaccoGate, ainsi baptisé en référence au DieselGate des fabricants de voiture. Les cigarettiers auraient triché pendant des tests. Cela vous semble familier ? En effet, ce n’est pas nouveau. Ce qui change tout, c’est une action en justice. Un point de la situation.

Une histoire pleine de trous

L’histoire est très simple à comprendre : les cigarettiers placent dans le papier de leurs produits des trous minuscules. Lorsque la cigarette est placée dans une machine à fumer, pour les tests sanitaires, une grande partie des émanations toxiques est atténuée grâce à ces orifices indétectables. Jusqu’ici, il n’y a pas encore de scandale.

Ce qui complique les choses, c’est que le placement de ces trous fait que les lèvres et les doigts du fumeur, lorsqu’ils tiennent la cigarette, les bouchent. La dilution n’agit plus, et la teneur en goudron et en nicotine, tout particulièrement, s’élève, pour atteindre des niveaux pouvant être dix fois supérieurs à ceux mesurés en laboratoire. “Le fumeur persuadé de fumer un paquet de cigarettes en fume, en réalité, de deux à dix.” indique le Comité National Contre le Tabagisme (CNCT).

Cette histoire est tout, sauf récente. Les premières microperforations sont apparues dans les années 50, et on été révélées par l’industrie du tabac elle-même. En effet, en 1982, une plainte contre British American Tobacco (BAT) a été déposée par trois cigarettiers dont Phillip Morris International (PMI), à propos d’une publicité.

Dans cette dernière, BAT affirmait que la cigarette Barclay présentait des teneurs en goudron bien plus basses que la moyenne. “Faux”, avaient répondu les cigarettiers concurrents, documents à l’appui, qui avaient expliqué le principe des microperforations et l’effet de dilution. Avant de reprendre la technique à leur propre compte lorsque sont apparues les machines de mesures standardisées.

Le CNCT avance aujourd’hui le chiffre de 97 % des cigarettes qui seraient microperforées, et dont les mesures sont fausses.

Pourquoi des microperforations standardisées ?
Les tests sont généralement réalisés sur des paquets de cigarettes « de série », prélevés au hasard par un contrôleur indépendant. Ainsi, il est impossible à l’industrie du tabac de savoir quel paquet sera testé. Il est plus simple, et au final moins coûteux, de fabriquer ces cigarette microperforées en série.

Une plainte pour tout changer

Sur RTL, le Professeur Yves Martinet, président du CNCT, déclarait « Les industriels du tabac veulent rendre les fumeurs accrocs. C’est vraiment un scandale parce que l’objectif est de tromper le fumeur et les pouvoirs publics sur un produit qui tue 73.000 personnes par an, 200 par jour. On ne peut pas tolérer une telle tromperie ».

C’est dans l’espoir de mettre fin à cette pratique que le CNCT a esté en justice, le 18 janvier, contre les quatre grands fabricants de cigarette, Philip Morris, British American Tobacco (Dunhill ou Lucky Strike), Japan Tobacco International (Camel) et Imperial Brands (dont Seita est une filiale).

Il s’agit d’une plainte pour « mise en danger de la vie d’autrui », qui se définit par l’article 223-1 du Code de procédure pénale « Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement » et est puni d’un an de prison et 15 000 euros d’amende.

Une peine symbolique, donc, mais qui pourrait faire bouger les lignes de la législation et surtout de l’information loyale au consommateur, espère le CNCT. S’ajoutent à cette peine des dommages et intérêts éventuels aux parties civiles. 

Parcours judiciaire
Les étapes suivante seront longues. Tout d’abord, le procureur va décider de la recevabilité de la plainte. C’est à lui d’estimer si il y a matières à poursuites. Si tel est la cas, il ouvrira une information judiciaire, c’est à dire une enquête. Suite à cette information, la justice décidera soit le classement en non-lieu, soit de poursuivre, pénalement où par citation directe. Le CNTC pourra être partie civile et demander des dommages et intérêts. D’autres associations de malades peuvent également, si elles le souhaitent, effectuer une procédure de constitution de partie civile.

Indifférence des cigarettiers

Une plainte du même type a été déposée concomitamment par d’autres associations aux Pays-Bas et en Suisse.

Pour l’instant, les cigarettiers n’ont pas réagi. Il faut dire que la procédure judiciaire sera, dans tous les cas, longue, que les avocats de Big Tobacco sont rompus à l’exercice, et qu’au final, la peine est légère.

Légère ? La peine d’amende, oui. Mais les indemnités qui peuvent éventuellement être accordées aux victimes peuvent vite chiffrer, surtout si elles sont multipliées par le nombre de malades et de familles de défunts. Dans une hypothèse optimiste, bien entendu. Cela semble improbable aujourd’hui.

Il n’empêche : la première étape est gagnée pour le CNTC. La nouvelle de ce dépôt de plainte a fait les gros titres de la presse, et remis en lumière une pratique ancienne qui était, jusqu’ici, un secret de polichinelle.