Dans la guerre scientifique qui oppose les différents chercheurs, la question des protocoles expérimentaux dans les études sur la cigarette électronique est au coeur des débats. L’utilisation d’une e-cigarette pour analyser les propriétés de sa vapeur dépendra en effet beaucoup du mode de fonctionnement mis en place. Des professionnels français ont ainsi eu l’idée de concevoir des machines à vapoter qui pourraient servir de référent officiel dans les différents travaux scientifiques à venir, et notamment ceux concernant les normes AFNOR. Nous avons interviewé deux sociétés françaises qui ont conçu leur propre appareil de mesure.
Laboratoires Phodé
PGVG : On parle beaucoup des composés contenus dans les émissions des e-cigarettes. Vous avez conçu un « robot à vaper », quel est son utilité ?
Laboratoires Phodé : La cigarette électronique est une révolution qui va sauver un nombre considérable de vies dans les années à venir.
Et comme toute révolution, elle provoque des polémiques. Certaines études pseudo-scientifiques contribuent à entretenir des doutes.
Pour exemple, aurait-ce du sens de valider la sécurité d’un véhicule en faisant des crash-test à 800 km/h ? Certaines études ont été réalisées en simulant des bouffées d’une minute ! D’autre en appliquant des puissances de chauffe aberrantes sur des clearomiseurs de première génération à 2 ohms !
La définition du protocole de ces études est donc primordiale mais pas suffisante. Il faut également le bon outil pour capter les émissions dans le respect de ce protocole. Il n’existait pas, c’est pourquoi nous avons décidé de développer un robot à vapoter qui reproduit fidèlement l’action réelle du vapoteur dans son environnement.
PGVG : En quoi, et comment, ce robot imite-t-il le comportement du vapoteur ?
LP : Notre robot permet tous les régimes de vapotage, sur tout type de cigarette électronique avec leurs caractéristiques propres de résistance, de voltage, de puissance de chauffe surfacique et d’airflow.
Concernant les régimes de vapotage, nous pouvons agir sur de nombreux paramètres comme la gestion des bouffées, leur profil, la durée, le volume ou encore la période entre chacune de ces bouffées. Nous pouvons donc simuler des régimes faibles, moyens ou intenses.
Mais c’est ce n’est pas suffisant! Certaines études ont été réalisées sur des machines à fumer des cigarettes traditionnelles, la cigarette électronique était positionnée à l’horizontale ce qui provoquait des phénomènes de « dry hit » qui n’existent pas dans la vape réelle, sauf si vous arrivez à aspirer 200 bouffées en gardant votre cigarette électronique à l’horizontale sans bouger et sans avoir de crampes !
Un vapotage statique n’est ni recommandé pour votre bras, ni pour le « dry hit » ! Le mouvement du vapoteur a une influence très importante sur l’imprégnation des mèches et donc les émissions.
Ainsi, note robot permet également de reproduire tout type de mouvements pendant ou entre les bouffées grâce à des bras d’activation articulés.
Nous régulons également l’environnement de vape, le robot intègre des caissons isothermes permettant de faire varier la température et l’hygrométrie, et l’air utilisé est purifié.
PGVG : Mais pourquoi avoir créé vous-même ce robot à vaper ?
LP : L’aromatique est notre métier et nous sommes convaincus que le plaisir de vapoter est une composante essentielle de la réussite du sevrage. Dans ce sens, nous avons souhaité offrir des produits de la plus haute qualité sensorielle et sanitaire.
Nous sommes sûrs de la qualité de nos produits au niveau de leur composition : grade USP pour le PG, VG et nicotine, nous n’utilisons pas de diacétyle dans nos arômes, ni de conservateur libérateur de formaldéhyde ou des colorants. Bref, tout ce qui est requis aujourd’hui dans la norme AFNOR expérimentale partie 2.
Nos produits ont vocation à être vaporisé. Nous souhaitions donc aller encore plus loin et fournir des analyses des composés des émissions de nos liquides sur différents types de cigarettes électroniques et selon plusieurs régimes de vapotage pour démontrer de manière scientifique que vaper nos produits est définitivement moins nocif que fumer. Il n’existait que des machines à fumer statiques, en tant qu’acteur responsable de la vape, nous avons donc décidé de créer le robot à vaper.
PGVG : Comment allez-vous utiliser ce robot ? S’inscrit-il dans le 3ème volet de la norme Afnor (les émissions) pour en devenir le support des mesures ?
LP : Il est certain que nous utiliserons nous-même ce robot à vaper pour établir des publications scientifiques sérieuses et réalistes car les enjeux sanitaires sont colossaux.
Les Laboratoires Phodé existent depuis 20 ans, notre réputation scientifique est établie en France et à l’international dans les domaines du bien-être, de l’olfaction et de l’aromatique. Nous sommes sur le marché des e-liquides par conviction et nous engageons notre image et notre responsabilité.
Nous avons donc logiquement contribué activement à l’élaboration des deux premières parties de la norme expérimentale. Nous continuons sur la partie 3 relative aux émissions et avons présenté notre robot à vaper. Nous le mettrons à disposition, bien sûr, si cela permet à la vape en général de ne plus subir d’attaques illégitimes.
Comme d’habitude, nous irons au combat, avec pour arme la science, pour défendre les e-idées qui nous paraissent justes et utiles.
Laboratoire Français du E-liquide (LFEL)
PGVG : On parle beaucoup des composés contenus dans les émissions des e-cigarettes. Vous avez conçu un « robot à vaper », quel est son utilité ?
LFEL : Le projet U-SAV (Universal System for Analysis of Vaping) est né de l’ambition de participer à la recherche fondamentale pour la compréhension de la vape. Dès la naissance de la e-cigarette, l’analyse des processus de vaporisation nous est apparue indispensable, afin d’accompagner le développement d’une filière innovante et garantir la qualité et la sécurité des produits.
Le vapotage n’étant pas le tabagisme, nous ne pouvions pas « dupliquer » les processus des « machines à fumer » pour analyser la vape. Les résultats de nos ambitions sont au-delà de nos espérances.
Depuis des mois, U-SAV réunit ingénieurs en biochimie, thermodynamiciens, fluidiciens, automaticien et modélisateurs, accompagnés de professionnels de santé. Avec la publication des premières normes AFNOR, l’intérêt pour U-SAV se renforce en France et à l’international, notamment pour les programmes de recherche en santé, sciences sociales et, plus globalement, pour tout ce qui relève de l’analyse de la vaporisation.
U-SAV est l’œuvre d’un collectif de professionnels comme le Petit Vapoteur, Vapoclope, Fiber-Freaks, I-Vapote, The Fuu, Green-Vapes, Alfaliquid, VDLV, tous liés à la FIVAPE, d’universités , du Conseil Régional d’Aquitaine. Ils ont rassemblé leurs efforts et trouvé les financements, afin de porter le projet via le Laboratoire Français du E-Liquide (LFEL).
Les applications de U-SAV permettent dès à présent de contribuer à la recherche fondamentale, ainsi que de participer aux processus de normalisation, à l’AFNOR en France et auprès du Comité européen de normalisation (CEN) dans les prochaines semaines.
En prise directe avec les acteurs de la vape et ouvert à toutes les personnes intéressées par l’amélioration des connaissances de la vape, U-SAV propose :
- d’enregistrer des profils de vapoteurs et de les retranscrire en séries afin de tester les équipements et les e-liquides selon des paramètres normatifs ou non,
- de soumettre des produits à une utilisation normale ou défavorable en générant et mesurant les émissions et caractéristiques de fonctionnement,
- d’établir des inter-comparaisons de produits et mesurer leur performance à la vaporisation,
- de collecter les données physiques reliées à des mesures chimiques (températures, vaporisation, énergie spécifique, impact de la concentration en PG/VG, concentration dans les émissions en nicotine, aldéhydes, acroléine, parabènes, glyoxals, diacétyle, etc.).
PGVG : En quoi, et comment, ce robot imite-t-il le comportement du vapoteur ?
LFEL : U-SAV est un outil extrêmement flexible, à savoir modulaire et donc évolutif. Une première version est actuellement en fonctionnement et une unité « packagée » est en cours de réalisation pour une commercialisation cet été.
Pour son module 1, partie qui gère le « mécanisme d’inhalation », nous enregistrons tous les profils de vapotage (femme/homme/âge, mono ou multi-train de vape, neo-vapoteur ou confirmé) et ce, quelque soit le matériel utilisé et leur différents ajustages (cigalikes, V2, V3, V+, air_flow, puissance variable, top/bottom coils, inclinaison…). Les courbes obtenues (pression, débit, température, hygrométrie…) permettent de prendre en compte l’attitude de vape, qui diffère selon les utilisateurs, permettant de définir le volume inhalé et ses conditions de génération.
La force de U-SAV : pouvoir reproduire toutes les variations de vapotage à l’infini, y compris le power-vaping si besoin.
Un module 2 permet de mesurer et reproduire la vaporisation en maitrisant les paramètres de chauffe, surface de vaporisation, typologie de chauffe, viscosité des liquides, efficacité des mèches. Une option innovante de capture des émissions a été spécialement conçue pour une optimisation des mesures. La vape reposant sur des principes thermodynamiques et fluidiques, notre savoir-faire dans ce domaine a permis de traduire les exigences des vapoteurs, notamment défendues par l’AIDUCE au sein de l’AFNOR.
Un module 3 est spécifiquement défini pour la partie « Source d’énergie » (gestion énergétique, étude des eGo, mod, box…)
PGVG : Comment allez-vous utiliser ce robot ? S’inscrit-il dans le 3ème volet de la norme Afnor (les émissions) pour en devenir le support des mesures ?
LFEL : Piloté par de réels experts en vapologie, U-SAV vise premièrement à fournir avec exigence métrologique, des éléments purement techniques et scientifiques. Le projet doit continuer de grandir et s’ouvrir à de nouveaux partenaires : à la disposition de tout programme de recherche, public et privé, nous espérons valoriser U-SAV en direction des principaux projets internationaux de recherche fondamentale pour la vape, et plusieurs collaborations sont en cours de négociation.
Pour la norme sur les émissions, nous nous félicitons d’avoir pu inscrire les protocoles de U-SAV au titre de cette partie 3 de la norme XP D 90-300, actuellement en cours de finalisation. Nous intégrons cette norme et la comprenons comme un vecteur permettant d’expliquer largement les potentialités de l’analyse des émissions de la vape.
Pour les pouvoirs publics, les centres de recherche, les scientifiques ainsi que les professionnels de la vape, la norme AFNOR est l’occasion de se saisir des thèmes des profils de vapotage et du potentiel des produits de la vape : ainsi l’analyse du caractère disruptif de la e-cigarette, en matière de réduction des risques du tabagisme, aura besoin de supports. Dans cette perspective, U-SAV ambitionne de participer avec toutes ses forces aux travaux d’observation et d’application relatifs aux émissions.
Cet article a été publié dans le numéro 8 de PGVG magazine.
Je râle souvent à me demander à quoi s’occupe les professionnels, me voilà comblé (pour une part 😉 )
Ces outils ont l’air fantastiques.
Du coup, je suis aller sur le site du LFEL, c’est impressionnant la palette de services et d’analyses proposés. Dans le cadre des normes afnor, il va y avoir du boulot à revendre dans ce labo. Ça permettra aussi peut-être de faire un peu de ménage chez les “sorciers” du eliquide. Et un peu de tri dans les arômes aussi.
un (peu) de tri dans les pseudo études a la noix…
je suis de ton avis, je dis bravo !
Enfin une approche sérieuse. Il aura fallu des années pour comprendre qu’on ne peut pas avoir des mesures fiables sans établir des protocoles conformes à l’utilisation réelle. J’espère que ce robot permettra également de démontrer la tendance absurde de la course à la puissance et aux faibles résistances avec des atomiseurs qui ont une énorme inertie thermique. Ou cette focalisation sur la réduction de nicotine sans se soucier de la quantité de liquide inhalé.
Je vous invite sur le stand du LFEL lors du Vapexpo (pour celles et ceux qui le peuvent 😉 pour échanger avec les ingénieurs de recherche physique et chimique et donner votre point de vu. Oui, la course à la surpuissance n’est pas à pousser au maximum et nous sommes prêts à vous expliquer pourquoi, même si nous sommes d’accord que l’innovation doit être libre de “découvrir”…
Merci pour l’invitation 🙂
Perso je ne pourrai pas m’y rendre, mais si vous êtes prêts à répondre à cette question pourquoi attendre ?
Je suis très preneur de ce genre d’infos, si cela peut me permettre de moduler ma vape
afin de la rendre plus sure, plus saine, plus efficace et tout aussi plaisante.
On est encore trop dans l’empirisme, la vape manque un peu de base -de socle- technique solide.
Par exemple, est ce que je peux affirmer que peut importe la puissance du dispositif tant que la mèche est correctement (suffisamment) alimentée en jus ?
Je suis désolé mais je ne peux répondre en global sur un forum car nous avons en ce moment beaucoup de travail en effet.
Sachez que pour appuyer des réponses scientifiques avec certitude, il faut vérifier ses calculs et ses analyses. Nous sommes en plein dedans actuellement avec une prochaine publication d’une équation de la Vape intégrant le maximum de données physiques corrigeant ainsi les données chimiques lors du vapotage. Il est clair que la vape, si elle repose sur des principes thermodynamiques et méca-fluidiques connus, ne peut s’expliquer sur quelques échanges.
Toutefois je précise que :
– la vitesse dans la mèche dépend des propriétés (nombreuses) du liquide, du diamètre et de la géométrie de la mèche, de la matière et de sa perméabilité, de la typologie de chauffe , etc
– la puissance seule ne suffit pas, on ne peut pas parler de variable unique affectant la qualité de la vape :
> La célérité de chauffe, la surface de chauffe et l’échange thermique de la chambre de vaporisation, mais aussi l’enthalpie de vaporisation du liquide, sa chaleur spécifique, les composés volatiles etc…
(pour info tous les composés d’un e-liquide ne se vaporisent pas au même moment, voire, pas toujours…)
– Bref un sujet vaste et très technique qui repose sur des connaissances théoriques rapportées à la réalité de la Vape… (Rien de plus passionnant pour nous tous 😉
– Et donc pour finir : oui, une mèche bien imbibée est plus que préférable ! Elle évite les montées en température car l’énergie apportée se concentre sur la vaporisation et moins sur la dégradation (pyrolyse) !
(mais dans certains cas cela peut évoluer, d’où nos recherches)
Je suis désolé mais je ne vais pouvoir échanger d’avantage pour le moment car je pars en déplacement 2 semaines (pour la vape, les vacances sont finies depuis longtemps ;-)) mais je reviendrai sur ce post dès que possible.
Je profite de ce post pour remercier MA-CIGARETTE.FR pour la pertinence de son actualité croustillante et performante.
C.Pairaud – LFEL (Lecteur assidu de MC)
Pas de problème,
C’est déjà sympa d’avoir pris un peu de temps pour répondre .
Mais quel teasing ! Hâte d’en savoir plus.
Travaillez bien, à bientôt j’espère
Merci, avec plaisir. J’en profiterai également pour vous donner les profils de températures mesurés en condition d’utilisation normales.