L’épouse du client n’est pas dupe, elle me jette un regard de pitié. Son époux m’avait dit qu’il aimait mélanger les liquides.
Le premier cercle de l’enfer
Je souffre. Comme si j’étais à la fois écartelé et écrasé. Chaque atome de mon corps me supplie de mettre fin au supplice. Mon estomac se révolte, il veut régurgiter son contenu et sortir à la suite de ce temple de l’horreur que je suis devenu. Mais je reste digne. Dans cette situation, la dignité, c’est tout ce qu’il nous reste.
“C’est bon hein ?”
Le client a l’air fier de lui. J’articule péniblement : “C’est… intéressant.”
“Honnêtement, explique-t-il tout fier, c’est le café qui donne tout le goût. Associer les fruits rouges frais à la tarte au citron, c’était audacieux, mais quand j’ai ajouté le café, ça a pris tout son sens.”
Je lui rends sa vape avec empressement. “Ah oui, il fallait y penser”, dit ma bouche, tandis que mon âme hurle : “Mais tuez-moi ! Tuez-le ! Tuez quelqu’un ! Tout le monde ne va pas s’en sortir, quand même ?”
Le Paradis se mérite
L’épouse du client n’est pas dupe, elle me jette un regard de pitié. Son époux m’avait dit qu’il aimait mélanger les liquides et que sa femme était passionnée de cuisine. À mon avis, c’est plutôt qu’après avoir laissé une fois son mari préparer le repas, elle a compris que s’en charger elle-même était une question de survie.
Il fait ses emplettes, tout un tas d’arômes différents qui finiront au fond de son chaudron de l’enfer, et lorsqu’il part, je me prends à éprouver de la nostalgie pour l’époque où la Sainte Inquisition brûlait les gens comme lui sur le bûcher.
Entre deux clients, je regarde mes mails. Le Vapexpo me propose d’être juré dans un concours de mixologie. Ah non, tuez-moi ! Le paragraphe suivant m’apprend que les compétiteurs seront des professionnels. Soulagement. Mon client m’a rappelé pourquoi mixologue, c’est un métier.
Les précédentes aventures de notre pauvre vendeur