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Dans ces cas-là, il ne sert à rien d’expliquer. La sagesse du vendeur le dit : il y a des batailles qu’il faut savoir perdre.
Sans filtre
La cliente a l’air de vouloir quelque chose de très spécifique, et le conseiller a l’air tellement embêté que son collègue ne résiste pas à l’envie d’aller voir ce qui se passe. Il s’avère que la dame veut un drip tip. Et alors ? Un drip tip, quoi de plus courant, on détermine le format, et ensuite, au client de choisir le modèle qui lui plaît. La routine.
Mais pas là. Parce que la cliente veut un drip tip dans lequel on puisse glisser un filtre. Oui, il existe quelques modèles qui sont équipés d’une sorte de filtre spécifiquement étudié, mais ce n’est pas ce qu’elle veut. Ce qu’elle souhaite, c’est un drip tip dans lequel elle peut disposer un filtre de cigarette roulée, puis enfiler un autre drip tip par-dessus pour que ça tienne en place. Pourquoi ? Vous en avez de drôles, vous, pourquoi… pour filtrer, pardi !
Drapeau blanc
Comme le conseiller fait remarquer que le filtre doit rapidement être imbibé de liquide, elle reconnaît que, oui, elle le change souvent. Il insiste : ça ne sert à rien, mais en face, elle est tout aussi déterminée : elle fait comme ça, parce qu’elle faisait comme ça avec ses roulées, il y avait une bonne raison, et elle ne voit pas pourquoi la raison n’existerait plus avec la vape.
Le conseiller le lui explique. Elle lui lance un regard éteint, avant de redemander : “Mais vous avez quelque chose où je peux mettre un filtre ?”
Le collègue finit par baisser les bras, il l’accompagne gentiment à la vitrine à drip tips, et finit par trouver son bonheur. La cliente essaie : ça marche, elle est contente.
Il faut le préciser, la cliente n’a pas eu une vie facile, son existence est une longue litanie d’errances et d’addictions, elle a vu plus souvent le fond d’un verre que le bonheur, et y a laissé quelques fonctions cognitives au passage. Mais on a vu des clients sobres tout aussi têtus, alors…
Dans ces cas-là, il ne sert à rien d’expliquer. Au moins elle ne fume plus, la mission est accomplie, et, pour le reste, la sagesse du vendeur le dit : il y a des batailles qu’il faut savoir perdre.
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Et bonne journée
En l’honneur de ces clients que j’aime, sincèrement, mais qui parfois me rendent chèvre.
L’enfer
L’épouse du client n’est pas dupe, elle me jette un regard de pitié. Son époux m’avait dit qu’il aimait mélanger les liquides.
Union sacrée
Pour réussir cette petite pièce de triomphe, il faut réunir trois ingrédients. Des vendeurs compétents, du monde dans la boutique, un nouveau client.
Genève, Suisse
