Le silence des créneaux

On prend un petit jeune inexpérimenté, son premier boulot, ce sera dans la vape, il va être content, il va rien dire si on le paie au salaire minimum.

Garé en bataille

On a pris cher. Il faut le dire : on a bien senti passer la descente. En apprenant la nouvelle, on avait soupiré, levé les yeux au ciel, mais nous étions sereins, confiants dans nos acquis. Grave erreur.

Parce que le nouveau confrère, implanté dans la galerie marchande du supermarché, avait deux arguments qui nous manquaient cruellement : des prix très agressifs et des places de stationnement à foison.

Combien de fois n’avions-nous pas vu entrer des clients pestant contre le fait qu’ils avaient tourné des heures avant de trouver une place pour pouvoir venir nous voir, ou dont le conjoint faisait des tours de la place de l’église avec la voiture pendant que l’autre faisait ses achats.

Nous étions encore loin d’être retrouvés morts dans la boutique après avoir écrit sur le mur “macadam m’a tuer”, mais le fait était là, on a pris cher. Les clients venaient chez nous pour acheter leur première vape et arrêter de fumer, parce que notre réputation, sur ce point, était unanime : là-dessus, nous étions les meilleurs.

Mais, une fois bien briefés, nos clients avaient juste besoin de leurs résistances et de liquide, et aller acheter tout ça en allant faire ses courses, il n’y a pas à dire, c’était pratique.

Le parcmètre de la vie

Et puis, on a commencé à en revoir certains, un peu penauds. Ben oui : le loyer d’une boutique de vape située à l’endroit le plus stratégique du principal centre commercial de la ville, c’est pas cadeau. Et puis, c’est une petite agglomération de province, on casse les prix, mais le volume ne compense pas. Les prix ont flambé.

Et puis les horaires exigés par la galerie demandent des équipes nombreuses pour se relayer. Les premiers à avoir ouvert la boutique ont pris du galon, ils sont partis ailleurs, il faut recruter. Alors, on prend un petit jeune inexpérimenté, son premier boulot, ce sera dans la vape, il va être content, il va rien dire si on le paie au salaire minimum.

C’est bien, un grand parking. Et au moins, même les jours de marché, si en plus, il y a un mariage ou un enterrement à l’église, il y a de la place. Mais quand soudain le produit que vous achetiez par défaut, parce que la boutique est petite, il y a beaucoup moins de choix, devient beaucoup plus cher et vous est servi par un petit jeune pas très poli qui est incapable de répondre à une question basique, vous avez soudain envie de faire des ronds autour de l’église en quête d’une place.

Une partie d’entre eux était revenue, une petite partie, certes, mais qu’on était sûr de garder désormais. C’était reparti. En voiture, Simone !