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Le prix du tabac impacte les plus pauvres, et c’est l’idée

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Dans le Républicain Lorrain du 5 octobre, Antoine Palumbo, Président de la Fédération des buralistes de Moselle, soulignait que les hausses de prix attendues sur le tabac toucheraient les catégories les plus pauvres. Ce qui est exact, mais ce sont aussi les premières victimes du tabagisme, ce qui tombe bien.

Le tabac et les CSP

Le passage du prix du paquet de cigarettes à 11 euros en 2023 en France dans un contexte d’inflation va avoir un impact sur les consommateurs. Et sur une catégorie de la population qui n’en a pas forcément les moyens. C’est Antoine Palumbo, Président de la Fédération des buralistes de Moselle qui le souligne dans le Républicain Lorrain du 5 octobre 2022.

Et c’est exact. Une étude de Santé Publique France de 2009 et une autre de la DARES (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) de 2016 confirment toutes les deux que, moins on est riche, plus on fume. La plus grande prévalence tabagique se retrouve chez les ouvriers et employés, et plus on monte dans l’échelle sociale, moins il y a de fumeurs.

Ce sont donc les emplois les moins rémunérés qui achètent le plus de cigarettes, dans un contexte économique difficile. Le budget d’un fumeur consommant un paquet par jour serait de 330 euros par mois, à titre de comparaison, le budget alimentaire d’une famille dans le revenu médian pour quatre personnes est de 473 euros. Si les deux parents fument, le budget tabac peut dépasser le budget alimentation.

Le tabac pèse donc dans un budget, et ajoute des coûts cachés.

Les effets secondaires

La prévalence tabagique engendre des surcoûts cachés. Bien entendu, on songera aux frais importants et aux pertes financières, de salaire notamment, qu’engendre une maladie grave causée par le tabac, problèmes cardiaques ou cancer. Mais au-delà du fait que le tabac tue un de ses clients sur deux, même ceux qui passent entre les gouttes ne sont pas saufs pour autant.

Ainsi, les chirurgiens dentaires refusent de poser des implants chez les gros fumeurs, le tabagisme accélérant la parodontite, une maladie qui détruit le support des dents. En outre, le tabagisme ralentit et contrarie le processus de cicatrisation. Ce qui n’est pas un problème que pour les soins dentaires, mais le devient pour tous les gestes chirurgicaux.

En toute logique, moins on a d’argent, plus on a du mal à payer une bonne mutuelle. En d’autres termes, pour les fumeurs, plus on fume, plus on a de petits soucis de santé mal couverts par les contrats de base, qui risquent d’être donc mal soignés et apportent de l’inconfort, voire peuvent générer des problèmes ultérieurs.

Avoir une bonne dentition, dans l’exemple choisi, est important pour l’alimentation, et avoir une mauvaise alimentation génère à terme d’autres effets néfastes.

Embêter les pauvres ?

L‘augmentation du prix du tabac va donc embêter les pauvres, pour simplifier outrageusement ? Oui, mais c’est précisément le but : dans leurs discours publics, les représentants des buralistes omettent soigneusement de rappeler que l’objectif n’est pas de harceler financièrement la population la plus fragile en ce domaine, c’est d’inciter les fumeurs à arrêter le tabac, en leur donnant des raisons d’aller chercher des solutions de sevrage ou de substitutions à la fois moins onéreuses et beaucoup plus saines, dans les pharmacies ou les boutiques de vape.

En toute logique, la mesure aura le plus d’impact sur une population qui fournit le plus gros contingent de morts du tabac. Le plus ironique, c’est que ce n’est sans doute pas calculé.

C’est peut-être une solution un peu infantilisante et cynique. Mais il n’empêche : dans les boutiques de vape, il est impossible de trouver un client qui a arrêté de fumer grâce à la vape qui regrette et explique qu’il était plus heureux quand il était fumeur. Ça n’existe pas, tout simplement. Et certainement que si l’on posait la question aux pharmaciens, eux aussi seraient à la peine pour en trouver.

Dire que forcer la main aux fumeurs pour les obliger à être heureux au final est sans doute très exagéré, mais les scrupules seront plus facilement oubliables si l’on se remémore les tactiques de l’industrie du tabac pour vendre un produit mortifère aux plus jeunes et plus fragiles. Quand on vous tire dessus au canon, riposter avec un missile sera toujours plus efficace que d’écrire une lettre de protestation.

La ritournelle des buralistes

Cela va engendrer du trafic, selon les buralistes, et oui, ils ont raison. Charge à l’État de lutter contre ce phénomène, et si le ministère de la Santé et celui de l’intérieur sont incapables de travailler ensemble, c’est un problème politique, pas de santé publique. Quand un dirigeant ne parvient pas à résoudre un problème, on peut changer le dirigeant, pas le problème.

La première loi antitabac en France est la loi Veil de 1976, et la lutte contre le tabagisme n’a cessé de monter en puissance depuis lors, au fur et à mesure que l’évidence s’imposait : le seul moyen de résoudre les problèmes de santé publique posés par le tabac était d’éradiquer le tabagisme. Cela fait donc 46 ans que les buralistes sont au courant que leur métier est dans le collimateur.

À certains égards, ça ressemble à ces élus qui découvrent soudain que la Coupe du Monde de Football au Qatar soulève des problèmes éthiques, à quelques semaines du coup d’envoi. L’attribution a été faite le 2 décembre 2010 et, pendant 12 ans, personne n’a rien fait.

Faire semblant aujourd’hui de découvrir que la lutte antitabac va peser sur le chiffre des buralistes et les obliger à chercher un plan B s’ils veulent survivre n’est donc tout simplement plus audible. Philippe Coy, le Président de la Confédération des Buralistes de France, l’a d’ailleurs parfaitement compris, prouve le vaste plan de transformation qu’il a porté.

Quand la baguette a commencé à moins bien se vendre, les boulangers ont fait des pains spéciaux. Pareillement, quand le tabac ne se vendra plus, les boutiques à la carotte devront proposer autre chose, c’est la loi du marché, même les États ne peuvent s’y soustraire. Il faut rappeler aux buralistes, une fois pour toutes, qu’ils sont commerçants, pas rentiers.

Cet article d’opinion n’engage que le point de vue de son auteur et ne représente pas forcément l’avis de la rédaction.

Sources :

Interview de Antoine Palumbo dans le Républicain Lorrain

L’étude de Santé Publique France de 2009 (PDF)

L’étude de la Dares sur les conditions de travail et le tabagisme

Budget alimentaire des Français, article banque Fortuneo / Opinion Way