Depuis mars 2021, la filière doit faire face à la hausse du prix du propylène glycol, largement utilisé dans la base des e-liquides. Mais avec la crise de l’énergie, la plupart des matières premières utilisées dans l’élaboration d’une fiole d’e-liquide sont également touchées. Les fabricants témoignent et certains font craindre une hausse du prix du 10 ml nicotiné.
Faisons d’abord le point sur le PG. Son prix s’est-il stabilisé ou a-t-il continué de flamber ? Selon Giovanni Danard, chargé de projet de Toutatis, “les prix sont toujours élevés, le tarif n’a que très peu bougé depuis l’été dernier.” Mais selon d’autres acteurs, son prix s’est replié depuis la fin 2021. “Son cours était monté à 3 à 4 fois le prix de 2020, en juin dernier. Il serait revenu à X2, mi-février. Mais il ne baisserait plus en 2022. On peut même craindre une légère hausse en cours d’année”, détaille Charly Pairaud, directeur général de VDLV.
La VG et les arômes touchés aussi
Si on respire un peu mieux du côté du PG, malheureusement le prix de la glycérine végétale flambe à son tour. “La VG augmente aussi, son prix a été multiplié par 2 ou 3, y compris celle de palme, la plus utilisée au monde, notamment dans l’e-liquide”, avance Antoine Piccirilli, directeur R&D des Laboratoires Xérès. Ses produits à base de Végétol sont directement concernés, le Végétol étant fabriqué à partir d’un procédé de biofermentation de la VG. Pour quelle raison ? Selon Charly Pairaud, cette flambée “est liée notamment à l’arrêt des unités de biocarburants 1re génération, non respectueuses de l’alimentation mondiale”. Heureusement, certains liquidiers comme Delfica (producteur de la marque Flavor Hit) ont trouvé la parade pour atténuer cette hausse en dénichant le meilleur tarif possible et en stockant une quantité suffisante pour plusieurs mois de production. Enfin, selon VDLV, les arômes ont globalement bien augmenté dernièrement.
La base PG/VG et les arômes ont donc subi de lourdes augmentations, OK. Mais qu’en est-il des autres matières premières qui constituent une fiole d’e-liquide ? Sans surprise, la hausse des prix de l’énergie touche tous les secteurs. “Les plastiques (flacons) augmentent de 7 à 12 %, et pour nous, même si nous sommes en grosse partie en PET recyclé depuis 2015, l’impact est malheureusement le même… Idem pour les étiquettes, la hausse sera de 5 %”, constate Charly Pairaud de VDLV. En ce qui concerne le carton d’emballage, l’augmentation existe mais semble plus modérée. “Nous travaillons avec un imprimeur français qui nous a annoncé des hausses sur les cartons, mais qui n’impactera pas le coût final”, rassure Antoine Piccirilli des Laboratoires Xérès.
Autre poste qui augmente le coût total de la facture : l’énergie. Elle a augmenté de 15 % en moyenne en 2021 et “pour les industriels, ce n’est pas un détail, mais avec le plafond national décrété en début d’année 2022, cela nous aide forcément à limiter les additions”, ajoute Charly Pairaud. Si de nouvelles augmentations devaient advenir, “nous devrons réagir au plus vite afin d’en limiter l’impact”, admet-on chez Delfica.
Retards d’approvisionnement
Malheureusement, la hausse du prix des matières premières n’est pas la seule problématique qui touche les fabricants d’e-liquide. La congestion des grands ports, qui a débuté puis empiré à partir de l’automne 2020, est toujours présente. Et elle touche également d’autres acteurs de la filière comme les grossistes et les fournisseurs des liquidiers. “Nos fournisseurs d’étuis, d’étiquettes et de cartons ont plus de mal à trouver des matières premières. Les délais pour nos livraisons ont triplé en quelques mois, ce qui complique la gestion de nos stocks”, déplore Giovanni Danard de Toutatis. Même constat chez VDLV : “Les délais d’approvisionnement en matières premières de nos fournisseurs, sont passés de 72 heures à 2 ou 3 mois”, constate Charly Pairaud.
Une hausse des prix envisageable dans quelques mois
Toutes ces hausses et ces retards d’approvisionnement font craindre le pire : comment les acteurs de la filière vont reporter ces problèmes sur les prix détaillants ? En clair, y aura-t-il des hausses de prix pour les détaillants et au final pour les vapoteurs ? Si les réponses varient en fonction des sociétés, il y a de quoi s’inquiéter. “Pour l’instant, notre politique commerciale est d’absorber ces hausses sans les répercuter sur le consommateur final”, annoncent les Laboratoires Xérès. Idem du côté de Delfica : “Tant que cela restera possible pour nous, nous continuerons d’absorber la hausse pour que la vape reste un outil de réduction des risques attractif.”
Du côté de Toutatis, on se veut rassurant… jusqu’en juin. “Nous avons des partenariats à l’année avec nos fournisseurs, quand nous avons senti la montée des prix juste avant l’été dernier, nous nous sommes empressés de signer des contrats de livraison pour un an. Nous avons donc pu maintenir les prix mais ces fameux accords arrivent à leur terme en juin. Il y aura une renégociation à ce moment-là mais si nous n’arrivons pas à conserver des marges correctes sur notre production, nous serons dans l’obligation de répercuter les hausses”, annonce Giovanni Danard. Enfin, Charly Pairaud de VDLV se veut plus réaliste. Il estime que la logique voudrait que les prix pros et ceux pour les vapoteurs suivent ces augmentations, annonçant même que “le prix standard du 10 ml nicotiné va probablement être ‘chamboulé’. La tension concurrentielle sur le marché soulève déjà des questions de qualité des produits et donc, la responsabilité de la filière. Elle pourrait fragiliser des acteurs sur leur stratégie à très moyen terme… Solidité versus concurrence, à voir la position de chacun.” La guerre des prix et des marges devrait donc encore monter d’un cran.