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La RTS (Radio Télévision Suisse) rejoue la polémique de 60 millions de consommateurs !

Mis à jour le 5/08/2024 à 11h04
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Sous le titre « L’e-cigarette : les résultats en détails » la RTS publie les résultats de tests effectués, sur la vapeur produite par deux modèles d’e-cigarette, par un laboratoire belge (CERTECH). Tout comme l’article de 60 millions de consommateur de l’été dernier, les résultats nous sont donnés de façon sommaire, et la méthodologie employée n’est guère expliquée, ou en tout cas confuse. Une vidéo vient compléter l’article et permet de voir le système utilisé pour l’étude, et la présentation des résultats.

La RTS en Suisse nous met en garde, il faut éviter le Halo Tiki Juice en 18mg

La RTS en Suisse nous met en garde, il faut éviter le Halo Tiki Juice en 18mg. 

La composition des liquides est conforme à l’étiquetage

Deux modèles d’e-cigarette ont été utilisés, la Joyetech eGo CC et la Kangertech eVOD BCC. Deux modèles donc à résistance située au bas du réservoir (clearomiseur). Cependant, aucune précision n’est donnée sur le type de batteries utilisées, ni sur la valeur des résistances.

Pour faire les tests, 5 liquides ont été utilisé : VDLV Tabac 1975 (16 mg/ml), HALO TIKI JUICE (18 mg/ml), D’LICE VIRGINIE (12 mg/ml), ROYKIN Tabac doux (16 mg/ml), et LIQUIDEO Jolie blonde (15 mg/ml). Le laboratoire confirme d’abord que la composition (nicotine, PG/VG) est conforme à l’étiquetage, ce qui est un bon point.

Diabolisons-donc la nicotine, pour commencer !

Premier défaut relevé par les « chercheurs », la difficulté à remplir les clearos sans renverser un peu de liquide dans la cheminée d’aspiration. C’est pourtant la première recommandation faite à tout vapoteur, pencher un peu son clearo au remplissage pour éviter cela. Mais qu’à cela ne tienne, nos chercheurs n’ont sans doute pas l’habitude de remplir leurs clearos, et alors commence le dénigrement, bien sûr, sur les dangers de la nicotine, qui est selon eux un « neurotoxique puissant », et peut donc s’avérer très dangereux !

Dommage que l’article de Science & Avenir ne soit paru qu’hier, ils auraient appris que ce n’est pas quelques gouttes de nicotine diluée de 1% à 2% (10 à 20 mg/ml) renversées sur la peau ou absorbées dans la bouche qui vont poser le moindre problème à un fumeur (personne ne s’étonne qu’un fumeur mâche une gomme à 4 mg de nicotine, et il n’y a d’ailleurs aucune raison).

Oh surprise ! On a trouvé des substances cancérigènes

L'émission de RTS liste de manière alarmante des composés trouvés dans la vapeur de certaines cigarettes électroniques

L’émission de RTS liste de manière alarmante des composés trouvés dans la vapeur de certaines cigarettes électroniques

Mais revenons à nos moutons… l’analyse de la vapeur. C’est là que l’article laisse à désirer. S’il contient un peu plus d’informations sur la méthodologie que celui de 60M, tous les paramètres de mesures ne sont pas disponibles. Ils ont utilisé une sorte de machine à fumer, l’e-cigarette étant branchée sur une électrovanne à trois voies, permettant de simuler les bouffées de vapeur.

Des bouffées de 3 secondes, toutes les 30 secondes. Pourquoi ces valeurs ? Je ne pense pas qu’elles représentent une quelconque moyenne observées chez les vapoteurs, mais ont été choisies arbitrairement. Une aspiration constante est appliquée au système, mais la valeur du débit n’est pas mentionné, ni donc le volume des bouffées. Au total une centaine de bouffées (combien exactement, on ne sait pas?), sont prisent et passent dans deux « bocaux » différents, de façon à isoler les différentes substances recherchées. Et là, on nous dit, Oh surprise ! Que les analyses ont révélé la présence de substances cancérigènes, avérées ou probables. Cela, nous le savions déjà par l’étude de Maciej Goniewicz de l’été dernier.

Mais de façon étonnante, l’article suisse incrimine les arômes, en disant que le type de substances retrouvées dépend des arômes utilisés. Certes, mais où sont les résultats montrant cela ? Eh bien il faudra sans doute les réclamer, car ils ne sont mentionnés nul part dans la suite de l’article. En fait, je ne pense pas qu’il voulaient parler des arômes, mais des différents liquides testés. Le journalisme ça requiert de la précision messieurs dames !

Et la science dans tout ça ? Encore malmenée !

La façon de présenter les résultats est encore une fois, comme dans le cas de 60M, non scientifique. Les mesures ont été faites apparemment sur l’ensemble de la vapeur collectée par type d’e-cigarette et par liquide, puis rapportés à 15 bouffées. Une fois encore, et cette critique était aussi valable pour l’article de Goniewicz, le choix de 15 bouffées est arbitraire. Mais cette façon de procéder ne permet pas de donner une mesure moyenne effectuée sur plusieurs échantillons par vapeur analysée, mais un seul chiffre (dans un article scientifique, on répète les mesures et on fait une moyenne, afin d’éviter les possibles erreurs sur une seule mesure).

L’article attribue donc une seule valeur par e-cigarette et par liquide, au lieu de proposer une moyenne et sa dispersion (ex : 29 ± 6, ou 23-35). Nous en arrivons donc aux résultats, là on nous dit que l’on ne va nous donner que les plus problématiques (sic!) et que les autres sont disponibles dans « le fichier ci-après »… je le cherche toujours ce fichier ! Les résultats donnés pour 2 liquides sont :

HALO TIKI Juice (18 mg/ml de nicotine)
27 µg d’acroléine dans la Joyetech
28 µg d’acroléine dans la Kangertech
73 µg de crotonaldéhyde dans la Joyetech
74 µg de crotonaldéhyde dans la Kangertech
Roykin-Tabac doux (16 mg/ml)
10 µg de formaldéhyde dans la Joyetech

Mise à jour 16 avril 2014, 20h52

Les données sont accessibles ici : http://www.rts.ch/emissions/abe/5776230.html/BINARY/logos_Tableau%20graphiste%20web%20vapoteurs.pdf

En lisant ces tableaux on se rend bien compte qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Pourtant à aucun moment ces « chercheurs » ne remettent en question leurs tests. Pour le formaldéhyde par exemple, seul le Roykin présente une valeur plus importante que les autres (10 µg au lieu de 1 en moyenne pour tous les autres tests), et seulement avec la Joyetech, pas avec la Kangertech, bizarre non ? Mais non, on ne se pose pas de question.

Globalement ces mesures n’ont aucune valeur scientifique. Une étude scientifique nécessite de faire plusieurs mesures et de moyenner ses résultats. Clairement ce n’est pas ce qui a été fait, probablement pour la simple raison que les tests coutent cher, et qu’ils n’avaient pas le budget pour faire des mesures répétées (il aurait été bien aussi de faire une mesure sur une simple base nicotinée, sans arômes, juste comme contrôle).

Une tempête dans un verre d’eau

Et c’est tout ? Ben oui, c’est tout. On nous dit qu’une cigarette de tabac produit de 2,4 à 140 µg d’acroléine (ici on donne bien une dispersion), et que donc c’est du même ordre de grandeur avec le Tiki juice (mais apparemment pas avec les autres liquides, sinon ils ne se seraient pas priver de le dire). Or, ce n’est pas scientifique, on ne peut pas dire que 30 µg (sans idée de la dispersion, qui est peut-être disons de 10 à 40) c’est équivalent à 2,4 à 140 µg. Tout comme 60M cet article est malhonnête.

On nous dit aussi que tous les liquides produisent du formaldéhyde, mais dans des proportion très inférieures aux cigarette de tabac. De même pour toutes les autres substances testées. Ah quand même, mais on le dit tout bas…

Conclusion

Cet article présente des résultats qui ne sont guère différents de ce que l’on savait déjà, mais les présente de façon malhonnête, dans le but de faire peur et d’alimenter la polémique sur l’e-cigarette. En particulier aussi, je voudrait soulever le problème de la vaporisation. Comment est-elle réalisée ? En appuyant manuellement sur le bouton de la batterie, et j’ai pu remarquer sur la vidéo que la position de l’e-cigarette n’est pas optimale, un peu trop horizontale, cela pourrait créer les conditions nécessaires pour produire un dry-burn (et donc de l’acroléine par exemple).

Il est vraiment temps que des mesures standardisées soient mises en place pour toutes les analyses de vapeur d’e-cigarette. Espérons que l’initiative de l’INC et de l’AFNOR permette rapidement de définir ces standards, et demandons aux journalistes d’arrêter de faire du sensationnel sur un sujet aussi sérieux pour la santé publique.