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La fin de la vape dix ans après la fin du tabac ?

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Sur France Info, ce samedi 5 janvier, le professeur Dautzenberg a souhaité la fin de la vape dix ans après la fin du tabac. L’occasion de s’interroger sur la nature même de la vape, et son futur, entre une approche strictement médicale et une utilisation ludique.

Approche médicale

Dans l’émission “Les mots de l’info”, sur France Info, le professeur Bertrand Dautzenberg, qui était invité en compagnie de François Bourdillon, directeur général de Santé Publique France, a fait savoir qu’il souhaitait voir “la fin de la vape” dix ans après “la fin du tabac”.

Bien que ces mots puissent surprendre, on est loin, dans le contexte, d’une déclaration virulente ou hors de contrôle. Le Professeur Dautzenberg raisonne en médecin, ce qu’il est avant tout. Il considère le tabagisme comme une épidémie, et la vape comme un vaccin. Et il est inutile de vacciner quelqu’un contre une maladie qui n’existe plus.

Prenons l’exemple de la variole. Fléau qui faisait, en 1958, 2 millions de victimes dans le monde, le virus était considéré comme éradiqué en 1977, grâce à un effort mondial de vaccinations généralisées, puis à des actions ciblées. Le dernier cas fut reconnu en 1978 en Angleterre, par une contamination accidentelle. En 1980, l’OMS officialisait l’éradication globale de la variole.

Aujourd’hui, seules quelques souches sont conservées par des laboratoires, à fin de recherches, et des stocks de vaccins sont régulièrement produits pour pouvoir contrer une utilisation terroriste du virus.

Le rêve de l’éradication

Professeur Bertrand Dautzenberg

C’est au même type de raisonnement que se prête certainement le professeur Dautzenberg.

Sans prétendre m’immiscer dans les pensées du prestigieux pneumologue, il y a fort à parier qu’il aborde le tabac par le biais de sa formation et de son expérience médicale : un fléau à exterminer (ce en quoi il a raison) dont la solution (la vape) sera rendue caduque par la disparition du dernier fumeur (ce en quoi il est un tantinet optimiste).

Déjà, sur l’éradication du tabac. Les cigarettiers sont des compagnies multinationales, et obsédées par une seule idée, assurer leur survie par la croissance. Si ces dernières semblent se résigner dans les pays, principalement occidentaux, à rejoindre le mouvement et à se mettre à la vape, il en va tout autrement dans des pays où le vapotage est inaccessible, voire interdit.

Les campagnes de publicité de Big Tobacco en Afrique sont, à cet égard, éloquentes. La conquête des jeunes fumeurs y est systématique.

Il serait alors facile d’imaginer un monde coupé en deux, des pays de fumeurs d’un côté et des pays de non-fumeurs de l’autre. Ce n’est pas si simple. Une donne est à prendre en compte, le trafic. La contrebande de tabac, pas précisément chiffrée parce que peu chiffrable, prend de l’ampleur dans de nombreux pays. Des buralistes nous affirmaient d’ailleurs que le second fournisseur de cigarettes en France était le trafic transitant par l’Algérie. Les pays qui tolèrent, voire encouragent le tabac, servent de plate-forme aux trafiquants.

Dès lors, pour que nous considérions le rêve du professeur Dautzenberg comme une réalité à venir, il faudrait généraliser au niveau mondial la lutte contre le tabagisme officiel ou souterrain, en promouvant des solutions alternatives comme la vape. Autant dire, vu l’état du monde, que ce n’est pas demain la veille.

Le retour des vieux virus

Parce que la variole, dont ou rêverait de voir le schéma appliqué au tabac, est une exception.

De nombreuses maladies qu’on croyait appartenir à une époque révolue, sont de retour : la syphilis, qu’on ne pensait plus côtoyer que dans les biographies de Baudelaire ou Maupassant, qui est de retour en France depuis 2000 et dont le nombre de cas ne cesse d’augmenter selon l’Institut de Veille sanitaire, ou la polio, qu’on a crue éradiquée et dont on a relâché trop tôt la couverture vaccinale.

Mais un magnifique exemple est la rougeole, qui a frôlé l’éradication et qui est de retour en force malgré l’obligation vaccinale, “grâce” au travail acharné des sectes antivax.

Lorsqu’on voit ce qu’une poignée d’illuminés, s’appuyant sur le travail d’un escroc, ont pu faire, on en vient à douter de la disparition du tabac, soutenu par des compagnies multimilliardaires, rompues à la communication et au lobbyisme.

Mettons-nous d’accord : il n’est pas question ici de dire “c’est foutu, on ne vaincra jamais le tabac”. Mais de soulever les difficultés inhérentes à une éradication globale et totale de cette pratique. Oui, une disparition totale du tabagisme dans le monde est envisageable, après une dure conquête, pays par pays, mais il est également probable qu’aucun des lecteurs du Vaping Post aujourd’hui ne le verra de son vivant. Leurs descendants, peut-être, à condition de travailler d’arrache-pied dès aujourd’hui. 

Les pieds sur Terre

Alors, un excès d’optimisme du professeur Dautzenberg ? Sans doute pas. Cette remarque presque anodine dans l’émission, par ailleurs tout à fait captivante, pose la question de la nature de la vape.

Pour certains d’entre nous, le sevrage tabagique est déjà un lointain souvenir et pourtant nous continuons de pratiquer le vapotage par plaisir. Mais est-ce vraiment utile ? Plus loin encore, si le tabac était un jour effectivement vaincu, le vapotage aurait-il une raison d’exister et de perdurer pour lui-même ? Serait-il bon d’initier des jeunes à la consommation de nicotine, même sans risques ?

C’est à un recadrage poli, mais ferme que s’est livré, peut-être à son insu, le professeur Dautzenberg. Une façon de se remémorer qu’au-delà des arômes et des clouds, la vape est avant tout destinée à sortir les fumeurs du tabac. En un mot, c’est une piqûre de rappel, décidément.

Cet article d’opinion n’engage que le point de vue de son auteur et ne représente pas forcément l’avis de la rédaction.