Cette année le Global Forum on Nicotine avait pour thème le “endgame”, la “fin de partie” en français, expression courante chez les anglo-saxons pour parler de la fin du tabagisme dans le monde, ambition ultime des acteurs de la lutte contre le tabac. Clive Bates a livré ses propositions à une audience attentive.
Une stratégie de lutte contre le tabagisme qui montre ses limites
Selon les chiffres présentés par Clive Bates, la consommation mondiale de cigarettes n’a cessé d’augmenter depuis 1980.
Bien que dans les pays développés elle ait décliné lentement et régulièrement, elle a au contraire fortement progressé dans les pays en développement compensant largement le recul observé dans les pays développés.
Ces chiffres n’empêchent pas les organisations de lutte contre le tabagisme d’afficher des objectifs ambitieux : parvenir à réduire la prévalence tabagique d’ici 2040 à moins de 5% d’adultes dans le monde.
En 2012, cette prévalence se situait aux alentours de 31% chez les hommes et 6% chez les femmes. Au vu de la consommation actuelle de tabac, sans impulsions fortes, l’objectif parait difficile à atteindre.
Le consultant britannique Clive Bates, dont nous parlons très régulièrement dans nos colonnes, a confronté deux visions diamétralement opposées sur la façon de parvenir à cette fin. A chaque vision ses méthodes. Les responsables de santé publique devront choisir entre interdire et motiver, soit choisir entre “la carotte” et “le bâton”, en fonction du chemin qu’ils emprunteront.
Les obstacles de la prohibition
Un risque de criminalisation du commerce du tabac
Les écueils qui guettent cette méthode sont nombreux selon Bates, et certains obstacles que l’on pourrait facilement anticiper risquent d’être très difficiles à surmonter. Le premier des risques associé à la prohibition c’est la criminalisation de l’économie du tabac, avec la naissance d’un marché noir hors de contrôle des pouvoirs publics, auquel il faut ajouter les coûts.
L’interdiction d’un produit ne signifie pas la fin de son usage
Une autre forme de prohibition, soutenue par une majorité des médecins britanniques, prône une interdiction de fumer pour la génération née après 2000.
Mais, l’ancien directeur de ASH constate en brandissant les chiffres de la consommation de cannabis des lycéens américains, qu’un produit prohibé peut rester largement consommé. En effet, les chiffres d’utilisation du cannabis (pourtant prohibé) surpassent largement ceux du tabac (autorisé).
L’industrie du tabac est puissante financièrement et dispose d’atouts légaux
Pour clore cette question d’une approche par les interdictions, Clive Bates met en regard la puissance financière de l’industrie du tabac et les atouts juridiques dont elle dispose aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis.
Le cinquième amendement de la Constitution des Etats-Unis stipule en effet que “nulle propriété privée ne pourra être réquisitionnée dans l’intérêt public sans une juste indemnité”. De ce coté-ci de l’Atlantique, la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne prévoit que “nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique (…) moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte”
La réduction des risques comme porte de sortie
On le sait, le blogger anglais croit ardemment à l’approche par la réduction des risques pour combattre le tabagisme, une approche contraire à la prohibition puisqu’elle implique avant tout une acception du risque. L’apparition de la cigarette électronique bouleverse ainsi totalement la conception traditionnelle du sevrage tabagique qui implique une cessation pure et simple du comportement à risque.
Des dispositifs de plus en plus nombreux et variés
Outre le vaporisateur personnel, les fumeurs disposent aujourd’hui de plus en plus d’options pour remplacer la cigarette.
De multiples dispositifs peuvent délivrer de la nicotine avec des risques réduits par rapport à ceux du tabac fumé.
Bates indique qu’il faut s’attendre à beaucoup d’évolution et de progrès dans les 25 ans qui viennent. Les fumeurs auront de plus en plus de choix, avec des produits de la vape de plus en plus sophistiqués, mais aussi du tabac chauffé sans combustion et bien d’autres solutions encore.
Un profil de risque proche des substituts nicotiniques classiques
Les profils de risque de ces nouveaux dispositifs sont faibles et le seront de plus en plus. Selon un document de l’European Addiction Research publié en mars 2014, les “Systèmes Electroniques de Délivrance de Nicotine” (ENDS) présentent déjà des risques à peine plus élevés que ceux des substituts nicotiniques classiques, tels que patchs et gommes.
En conclusion de leurs recherches, plusieurs experts (notamment le Professeur Robert West, le Professeur Peter Hajek et Ms Deborah Arnott) ont affirmé que le vaporisateur est au minimum vingt fois moins nocif que le tabac.
Réduction du risque ou arrêt du tabac ? Avantages et inconvénients du point de vue du fumeur
Dans cette bataille contre le tabagisme, un avis est bien rarement requis, celui du fumeur soit le premier concerné. Pourtant, afin que la prévalence tabagique diminue, c’est bien lui qui va devoir modifier son comportement et abandonner sa cigarette.
C’est l’analyse à laquelle s’est livrée Clive Bates en ouvrant ce nouveau débat dans lequel il tente de replacer le fumeur et ses motivations au centre des discussions. Il a ainsi pu dresser une liste des avantages et des inconvénients pour chacune des options qui s’offrent aux fumeurs aujourd’hui : “quit or die” (“arrêter de fumer ou mourir”) versus “adopter une alternative comportant moins de risques”, tel que le vaporisateur personnel.
Continuer à fumer
- Avantages : nicotine, sensation, goût, rituel, marques
- Inconvénients : maladie, dépense, stigmatisation, dépendance
Arrêter de fumer
- Avantages : éviter les méfaits de la fumée, prendre le contrôle, faire des économies
- Inconvénients : le sevrage, l’état de manque, efforts de volonté dans la durée, perte d’un plaisir
Adopter l’e-cigarette
- Avantages : la plupart des avantages de fumer, pas/peu de méfaits de la vapeur, la personnalisation, l’effervescence, les économies
- Inconvénients : dépendance ?