La demande d’interdiction des arômes dans la e-cigarette formulée par Donald Trump a profondément choqué la communauté de la vape. Toute ? Non, une petite communauté d’irréductibles voit des raisons de s’en réjouir. Mais quelle communauté est-ce ?
France Vapotage sert la soupe ?
Le premier communiqué de presse que nous avons reçu provient de la Fédération France Vapotage. Si certains avaient émis des doutes quand aux intentions d’une association de défense de la vape ouverte à l’industrie du tabac, nous avions choisi, dans l’esprit de neutralité et d’indépendance qui nous caractérise, de leur laisser le bénéfice du doute.
Manifestement, la fédération France Vapotage arrive à composer avec les intérêts contradictoires de ses membres. Mais c’est dur.
Parce que si la première partie du communiqué aurait pu être un article du Vaping Post, rappelant “l’épidémie de morts provoquée par la vape” aux USA, avant d’analyser les faits et de démontrer que ce drame n’a rien à voir avec le vapotage dans des conditions d’utilisation normales avec des liquides homologués, la Fédération appelle à “l’urgence d’une réglementation adaptée à la vape en France”.
Sans plus de précisions. Là, il est légitime de s’interroger : quelle réglementation ? Nous avons la TPD, la réglementation sanitaire classique, la réglementation de mise sur le marché, et des contraintes supplémentaires basées sur le volontariat, comme la norme AFNOR, mise en place avec des fabricants de liquides responsables. Alors, que voudrait de plus la Fédération France Vapotage ?
Nous leur ouvrons bien volontiers nos colonnes pour qu’ils viennent nous le préciser, parce que nous avons pu voir, dans l’actualité récente que, lorsqu’un gouvernement réglemente, c’est rarement pour le bien de la vape.
La théorie économique , souvent validée, est que plus la réglementation est dure, plus le marché devient réduit et difficile d’accès, laissant les grosses entreprises seules aux commandes. Plus qu’une facilité pour les fabricants de tabac, c’est quasiment leur façon d’être.
Langue de Vypère
L’explication vient peut être de British American Tobacco (BAT). Le géant du tabac émet lui aussi un communiqué de presse, dans lequel il applaudit la FDA, et, indirectement, le président Trump, parce que le vapotage des jeunes, c’est mal. Là dessus, nous sommes d’accord.
Nous ajouterons même que voir des jeunes vapoter dans la rue nous agace autant que de devoir leur refuser de leur vendre une vape parce que, bien que dépendants, ils sont mineurs, et de les voir repartir dans la rue en s’allumant une Pall Mall, une Dunhill ou une Lucky Strike.
BAT ne s’en cache même plus “Nous attendons avec impatience de recevoir les directives finales de la FDA sur l’utilisation des arômes et notre entreprise travaillera avec elle au sujet des changements proposés”. Effectivement, l’interdiction des arômes demandée par le président Trump est une vraie bénédiction pour l’industrie du tabac, qui pourra commercialiser des produits à base de tabac, au goût de tabac, qui permettront aux fumeurs de passer au vapotage… Tout en conservant dans un coin de leur tête une forme de nostalgie de leur vie de fumeur, prêt à replonger…
Le rapport avec France Vapotage ? BAT ne fait pas partie de la fédération, mais Vype, si, et Vype, c’est… British American Tobacco. On imagine la Fédération fort ennuyée, balancée entre sa volonté réelle de promouvoir la vape et celle de certains de ses adhérents de tuer la vape indépendante.
Il serait d’ailleurs intéressant d’avoir le point de vue d’acteurs de la vape dite “indépendante”, revendeurs ou blogs, sur leur servilité docile face à ce cheval de Troie patent de Big Tobacco. Il existe des dizaines d’autres produits au moins aussi performants sur le marché, qui ne contribuent pas au financement de sociétés du tabac et au développement de la vente de cigarettes dans les pays en voie de développement, notamment.
Nous ne manquerons pas non plus de signaler le communiqué de Juul, marque de pods également affiliée à l’industrie du tabac, qui applaudit le président Trump des deux mains, et en deux lignes. Juul regarde déjà au delà des USA, comme l’explique cet article.
Bref, le président Trump, l’autre soir, a fait des heureux, sans surprise.
Cet article d’opinion n’engage que le point de vue de son auteur et ne représente pas forcément l’avis de la rédaction.
La réponse de la Fédération France Vapotage
Vincent Durieux, Président de France Vapotage, a souhaité répondre à notre article.
« France Vapotage rassemble effectivement des entreprises de taille mais aussi d’histoires et de cultures diverses. Elle regroupe à parts égales des pure-players de la vape et des sociétés issues de l’industrie du tabac. Nous assumons pleinement cette diversité. Nous l’avons voulue dès le début car elle correspond à la réalité du marché. Il n’y a pas de « cheval de Troie » dans une Fédération où il n’y a pas de secret entre nous et où nous ne cachons pas notre composition dans nos communications extérieures, où chaque membre s’engage en adhérant à notre Charte (issue de nos 10 propositions consultables sur notre site), et où l’égalité est garantie par notre principe de fonctionnement simple et clair : 1 membre = 1 voix. Les pensées complotistes n’ont pas lieu d’être : tout est transparent au sein de notre fédération, et depuis un an toutes nos positions ont été prises et validées dans un consensus total. »
« Faire le choix de travailler ensemble, c’est faire front commun pour défendre notre secteur. Souligner au contraire nos différences et entretenir la division, c’est jouer contre l’ensemble du secteur. »
« Nous agissons en faveur de la vape. Elle sauve des vies quand elle s’adresse à des fumeurs adultes qui souhaitent réduire ou stopper leur consommation de tabac. Le vapotage est en l’état actuel des connaissances scientifiques considérablement moins nocif que le tabac. Il est par ailleurs l’outil le plus utilisé pour sortir du tabac. Il doit donc s’intégrer dans une politique de santé publique fondée sur la réduction des risques. »
« Contrairement à ce que vous écrivez, nos membres ne souhaitent en aucun cas l’interdiction des arômes, bien au contraire ! Vous pouvez, en consultant nos 10 propositions figurant sur notre site, constater que c’est une totale contre-vérité : « La présence d’arômes dans les e-cigarettes est un atout pour aider les vapoteurs à arrêter de fumer et prévenir un retour vers le tabac. En effet, si les consommateurs s’initient généralement à la vape grâce à des arômes « tabac », ils vont par la suite opter pour d’autres arômes (fruit, menthol, etc.), leur permettant de dissocier vapotage et tabac et ainsi prévenir une rechute dans le tabagisme. Il est donc indispensable de permettre le développement d’arômes hors tabac qui soient attractifs pour les fumeurs adultes. France Vapotage défend la liberté de développer des gammes innovantes de saveurs afin de toujours mieux répondre aux attentes des fumeurs adultes souhaitant quitter le tabac ». Dans cet esprit et par cohérence, nos seules réserves portent en revanche sur des arômes qui cibleraient clairement et quasi-exclusivement les mineurs et sur le marketing qui ciblerait lui aussi les mineurs. »
« Nous agissons aussi en faveur d’une « vape responsable », dans l’intérêt de tous : fabricants, distributeurs, consommateurs. Cette responsabilité, c’est celle de tous les professionnels de la vape, de la création des produits à leur vente. La « vape responsable » passe par l’élaboration d’une réglementation adaptée qui à ce jour n’existe pas. Une bonne partie des difficultés que nous rencontrons vient du fait que la réglementation du vapotage est rattachée à celle du tabac. Le combat, porté notamment par l’Initiative Citoyenne Européenne, vise à opérer une distinction claire. Ailleurs en Europe, tous les acteurs de la vape, quelle que soit leur histoire, se sont alliés en faveur de cette initiative. Il est bien triste que la France se distingue en affichant, seule, une division entre les acteurs en alimentant des querelles stériles. »
« Tôt ou tard, cette réglementation adaptée sera mise en place. Nous avons bien compris que certains acteurs de la vape rêvent d’un marché totalement libre où seule l’auto-régulation suffirait. Ce sont souvent les mêmes qui critiquent toutes nos actions pour protéger les mineurs ou mieux contrôler les produits. Nous leur disons que ce n’est pas réaliste. Notre jeune secteur s’est, à juste titre, auto-régulé ces dernières années. Mais la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Elle est intenable dans la durée. Notre secteur économique est devenu mature, beaucoup de nos entreprises se sont renforcées, nous avons plus de 3 millions de vapoteurs en France : l’Etat ne laisse jamais durablement un secteur économique se développer sans régulation publique. Il n’y aura donc pas de « Far West de la vape ». Le sort actuellement réservé aux nouveaux métiers et services issus de la révolution numérique ou de celle des mobilités (VTC, trottinettes, locations meublées de courte durée, livraisons à domicile…) en est un bon exemple. »
« Nous voulons prendre les devants, faire en sorte que les représentants de notre secteur soient perçus comme crédibles et constructifs par les pouvoirs publics et participer à l’élaboration de cette réglementation. Nous ne voulons pas d’une réglementation excessive ou mal ficelée, édictée sans les professionnels, imposée à la va-vite sous le coup de l’émotion liée à un problème sanitaire comme nous le constatons aux Etats-Unis. Depuis un an, nous formulons le vœu que tous les acteurs de la vape se rendent à l’évidence. Ne pas travailler ensemble, ne pas se montrer responsable, ne pas contribuer à l’élaboration d’une réglementation adaptée, c’est laisser s’installer des messages erronés et fallacieux concernant la vape. C’est porter atteinte à notre crédibilité. C’est nuire au secteur tout entier. »
« Malgré votre article, malgré ces querelles stériles qui n’apportent rien mais affaiblissent au contraire l’ensemble du secteur, nous espérons encore que cette prise de conscience partagée, en particulier dans ce moment charnière, permettra d’assurer la pérennité de notre filière. C’est pourquoi nous poursuivrons nos actions, resterons fidèles à notre ligne et continuerons notre politique de la main tendue à l’égard des autres acteurs de la vape. D’ailleurs j’invite tous ceux qui le souhaitent à venir nous rencontrer pour en parler librement (contactez-nous@francevapotage.fr) »