Un membre de la rédaction va travailler, un jour par semaine, dans un shop de vape connu et fréquenté d’une petite ville pour se confronter à la réalité du terrain. Il nous livre ses observations, anecdotes et méditations à travers des journées type.
Viens voir le docteur
C’est une nouveauté : ma boutique propose du CBD. Dubitatif au début, je n’ai pu que m’incliner : rien qui soit susceptible d’être fumé par combustion, une gamme qualitative, et, surtout, la clientèle vape a réagi positivement.
Souvent, les clients CBD sont mieux informés que moi sur la molécule. Enfin, souvent… Quelques véritables experts m’ont appris des choses, et le fait qu’ils aient acheté des produits a fini par me démontrer que la qualité était présente et le tarif pas délirant.
Globalement, il y a trois catégories de clients pour le CBD. La première catégorie, ce sont les spécialistes. Ils connaissent le produit, la molécule, et achètent avec précision. La deuxième catégorie, c’est le vapoteur lambda qui veut essayer par curiosité. Un peu de mal à s’endormir, un peu de stress, il espère y trouver un substitut à sa tablette de chocolat du soir, devant la télé. Parfois, il a l’impression de faire quelque chose d’un peu clandestin, comme quand il était ado et qu’il roulait des trois feuilles derrière l’église. La troisième catégorie me rend profondément malheureux.
Ça plane pour moi
Quelquefois, on voit entrer dans la boutique une personne au visage plein d’espoir. On lui a dit qu’on vendait du CBD, elle a lu des choses là-dessus, et la voilà. Parce qu’elle souffre. Terriblement.
L’objet de leur quête, c’est la fin de la souffrance. Souffrance engendrée parfois par une blessure, parfois par une maladie dont la douleur lancinante est un rappel qu’à la fin, elle gagnera. Parfois, leur souffrance est causée par les produits qui les soignent, ou ils portent les stigmates des antidouleurs puissants.
Ils nous interrogent sur le CBD, qui constitue leur dernier espoir, du moins sur le papier. Sauf que je n’ai aucune certitude que le CBD que l’on vend, voire le CBD en général, soit le miracle qu’ils espèrent. Ni messie ni médecin, je suis terrifié à l’idée que c’est peut-être moi qui tuerai en eux le dernier espoir de soulagement. Le CBD, pour mes clients un peu stressés, un peu insomniaques, ou juste qui ont un peu envie de s’encanailler sans risques, oui. Mais la souffrance est une responsabilité trop grande pour moi, comme pour tout conseiller en vape.