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Cannabidiol et réduction des risques : encore une occasion manquée en Suisse

Mis à jour le 15/07/2024 à 15h30
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Après la nicotine, c’est le cannabidiol (CBD) que les fonctionnaires Suisses autorisent à vendre sous la forme fumée mais pas sous celle à vapoter. Helvetic Vape réagit à cette vision de la cigarette électronique au cannabis et dénonce cette décision “contraire à la réduction des risques et à la santé publique“.

“Succédané de tabac”

Sorti de la liste des stupéfiants depuis 2011, le cannabis à moins de 1% de THC – et donc sans effet psychotrope – est en vogue ces derniers temps en Suisse. Tout particulièrement celui riche en CBD, un cannabinoïde à qui les usagers et des chercheurs prêtent des vertus apaisantes et curatives. « D’un point de vue thérapeutique, il pourrait avoir des effets antioxydants, anti-inflammatoires, anticonvulsifs, antiémétiques, anxiolytiques, hypnotiques ou antipsychotiques » signale l’administration fédérale dans sa notice du 27 février (pdf) sur le sujet.

Les autorités sanitaires confirment autoriser la vente sous des formes destinées à être ingérées ou fumées. Assimilée à un «succédané de tabac», cette dernière forme serait assujettie aux taxes sur le tabac. Les pots d’herbe se vendent en kiosques, tandis que l’on trouve des liquides contenant du CBD, dont des produits suisses, dans des échoppes associatives, certains magasins de vape et des headshops. Mais les Suisses pourront t-ils encore choisir de le vapoter plutôt que de le fumer à l’avenir ?

Cela s’annonce difficile. Car dans le même document, l’administration décrète la prohibition des liquides à vapoter avec CBD. «L’adjonction de CBD dans des liquides pour cigarettes électroniques à des doses produisant un effet pharmacologique est interdite», stipule l’administration fédérale. En réaction, l’association Helvetic Vape déplore cette « stratégie de prohibition des produits permettant de consommer des substances à moindre risques et exemptés de la taxe sur le tabac par le parlement en 2012 ».

Pour la santé, éviter la combustion

Concernant les risques, le Global Drug Survey (GDS) estime que «fumer le cannabis est la pire manière de le consommer». Monoxyde de carbone et goudrons, les principaux toxiques de toute fumée, se dégagent aussi du cannabis brûlé.

Le problème touche tout particulièrement les Suisses, qui détiennent un record malsain avec plus de 90% d’usagers le consommant sous forme de joint avec tabac, selon l’enquête internationale du GDS en 2016. Primordial pour minimiser les méfaits selon le GDS, les modes de vaporisation ne sont utilisés que par 0,6% des usagers suisses de cannabis, alors que leurs homologues canadiens sont 14% à le faire.

Il existe plusieurs moyens permettant d’éviter la combustion et l’ajout de tabac pour répondre à différents besoins : l’ingestion, à l’effet différé, les vaporisateurs d’herbe sèche et/ou de concentrés et, plus récemment, le vapotage.

Le «cannavaping» se distingue par sa souplesse d’utilisation et la précision des dosages, pouvant être dilués, tout en étant efficace, selon une étude Suisse parue dans Nature en mai 2016 [1]. L’équipe du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), menée par le Dr Varlet, a aussi mesuré des émissions très faibles d’aldéhydes et de composés organiques volatiles (COV). Sans aucun doute possible, bien moindres que celles émanant d’un joint.

Pour les taxes, étouffer le vapotage

Pourtant pour les fonctionnaires de Berne, les liquides de vapotage seraient des «produits usuels entrant en contact avec les muqueuses» auxquels l’ajout de substances ayant effet pharmacologique telles que la caféine, la nicotine ou le CBD doit être proscrit.

L’explication ne convint pas les représentants des vapoteurs. «Cette qualification purement administrative des liquides de vapotage, confondant contenu et contenant, relève plus du prétexte que de la réalité d’usage et des préoccupations de santé publique», dénonce le communiqué d’Helvetic Vape.

Et de souligner l’absurdité de l’administration en citant des exemples de produits en contact avec les muqueuses et contenant des substances ayant effet pharmacologique, telles que la caféine de sodas, la nicotine des cigarettes ou les diffuseurs d’huiles essentielles.

Pour l’association de défense des vapoteurs, les services d’Alain Berset ont raté l’occasion de rendre cohérente leur politique à travers l’Ordonnance sur les denrées alimentaires et produits usuels (ODAIOUs). «L’administration fédérale aurait pu, aurait dû, se faciliter la vie en adaptant l’ODAlOUs au moment de sa récente refonte pour permettre la commercialisation de produits de réduction des risques et des dommages et ainsi agir dans le sens de la santé publique, de sa propre stratégie nationale Addiction et de la volonté du Parlement», pointe Helvetic Vape qui avait fait part aux autorités de propositions lors de la révision de l’ordonnance.

Pour contester devant les tribunaux, refuser de suivre les recommandations

A défaut d’avoir été entendue, l’association appelle la Commission fédérale pour les questions liées aux addictions (CFLA) à orienter la bureaucratie bernoise vers «une légalisation rapide de la vente des produits de réduction des risques et des dommages». Rompue à la lutte contre la prohibition des liquides nicotinés, Helvetic Vape recommande aux professionnels concernés de refuser de suivre les recommandations afin de «forcer l’administration à rendre une décision administrative contestable devant le Tribunal Administratif Fédéral (TAF)».

Pour les usagers, à l’instar des liquides nicotinés, la possibilité d’importer des liquides au CBD reste ouverte. Mais «au prix d’une complication inutile et d’un renchérissement inique de l’accès aux produits non taxés et les moins risqués», regrette Helvetic Vape.


[1] Varlet, V. et al. Drug vaping applied to cannabis: Is “Cannavaping” a therapeutic alternative to marijuana? Sci. Rep. 6, 25599; doi: 10.1038/srep25599 (2016)