Si l’article 23 passait dans sa forme actuelle, la société Calumette, un des plus anciens acteurs de la vente en ligne en France, serait vouée à la disparition pure et simple. Sébastien Joncheray, son fondateur, nous livre son sentiment.
Calumette sans la paix
« Pour nous, c’est clair, déclare d’emblée Sébastien Joncheray, si l’article 23 passe en l’état, c’est la disparition pure et simple de Calumette ». Une entreprise française qu’il a cofondée en 2013 avec sa compagne, Sarah, après avoir découvert le vapotage et arrêté de fumer grâce à lui. Située à La Chapelle-sur-Erdre, en périphérie de Nantes, l’entreprise fait donc partie des plus anciens acteurs de la vape française sur internet.
« Ça représente 5 emplois directs, 10 avec les indirects, qui seront détruits, détaille Sébastien, et ça, ce ne sont que des statistiques. Ça signifie surtout autant de familles qui vont se retrouver dans une situation difficile, à un moment où ce n’est simple pour personne. Et des clients, surtout, qui risquent de retourner vers le tabac, qui causera la mort d’une personne sur deux, quel gâchis ! Tout cela en raison d’une décision arbitraire ».
Une décision vécue comme une véritable injustice : « Calumette, c’est 60 heures par semaine de travail pour moi, c’est une équipe extrêmement investie, et ce sont des milliers de clients qu’on a accompagnés dans la sortie du tabac, qui sont aujourd’hui non-fumeurs et que nous avons sauvés du cancer du poumon. Tout cela partira à la poubelle et dix familles vont se retrouver dans la panade ». Drôle de reconnaissance, en effet.
Sébastien ne cherche pas de plan B. « Je sais que certains collègues sont en train d’essayer d’ouvrir des boutiques, de passer en physique pour sauver leur société. Je peux les comprendre, mais ce n’est pas mon cas. Je n’ai pas envie de plonger dans l’enfer administratif que représenterait un bureau de vape, de me plier en quatre pour me conformer aux ordres de gens qui ont pris de mauvaises décisions. J’espère qu’ils assumeront, et je trouverai légitime que les familles des gens qui mourront du tabac à l’avenir aillent le reprocher à leur député. Il va y avoir ce qu’on appelle juridiquement une perte de chance pour nos clients, il y a matière à attaquer en justice. »
ISO mais pas isolée
Calumette a été la première boutique en ligne certifiée IO 9001. « On m’a demandé pourquoi j’avais fait ça à l’époque, se rappelle Sébastien. C’était une façon de prouver qu’on fait du bon boulot. Ça nous oblige ».
Par exemple, pour garder la certification, « on a des contrôles réguliers de l’AFNOR. Les inspecteurs chargés de la certification regardent tout, jusque nos mails clients. Ils prennent des réclamations de clients au hasard, et nous demandent comment nous les avons tracées et résolues ».
« C’est un travail de dingue, sourit Sébastien, et chaque année, je me demande si je renouvelle. Mais ça nous motive à donner le meilleur de nous-même ».
L’entreprise sélectionne avec soin ses produits selon des critères exigeants et propose aujourd’hui près de 7 000 références issues de 200 marques et d’une centaine de fournisseurs. Soucieuse de la simplicité et de l’efficacité, elle privilégie des matériels adaptés au sevrage tabagique plutôt que des dispositifs de performance pure, et a même créé sa propre gamme d’e-liquides.
Une hache de guerre déterrée pour rien
Certaines boutiques physiques se réjouissent de la fin de la vente en ligne. « Ils sont rares, et surtout, s’ils se réjouissent des conséquences de l’article 23 sur nous, ils n’ont pas compris ce qui va leur tomber dessus, à eux. À mon avis, les boutiques de vente en ligne et les boutiques physiques sont complémentaires ».
Sébastien Joncheray détaille : « Nous réalisons des fiches de conseils et des descriptifs très détaillés, que beaucoup de nos clients apprécient. Je crois surtout que, parmi ceux qui ont le choix, les gens pour qui le contact humain est important vont aller en boutique physique, et ceux qui aiment prendre leur temps de lire des descriptifs et rentrer dans le détail vont aller chez nous. D’autant que nous ne nous contentons pas de mettre des produits en ligne, nous faisons également beaucoup du conseil par téléphone ou par e-mail. Ça arrive fréquemment qu’on passe une demi-heure au téléphone avec un client, ce qui est parfois plus difficile en boutique, quand d’autres clients attendent derrière ».
D’autant que Calumette n’a jamais voulu jouer la guerre des prix en cassant ses tarifs par rapport aux magasins physiques.
« Sans compter, assène Sébastien, que pour des personnes qui habitent en zones rurales ou un peu isolées, l’achat en ligne, c’est indispensable ». Il est fort à parier, d’ailleurs, lorsqu’on étudie la sociologie des clients sur internet, qu’une toute petite partie ira en boutique physique. Le reste se partagera entre les buralistes et le marché noir.
« On est complémentaires, il ne faut pas chercher l’opposition entre boutiques physiques et boutiques ne ligne », conclut Sébastien, qui tient aussi à s’adresser directement à ces quelques boutiques physiques qui perçoivent l’article 23 comme une chance : « Relisez-le ! Le but n’est pas d’interdire les uns au bénéfice des autres, le but est de nous tuer tous, au bénéfice de l’industrie mortifère du tabac ».
Le dirigeant et fondateur de Calumette veut encore y croire : « On assiste à une mobilisation de la profession jamais vue. L’équipe de la Fivape est incroyable, ils sont à l’initiative partout et se donnent sans compter. Je garde espoir, ce serait une injustice que tout s’arrête comme ça après tout ce qu’on a accompli. Et je reste convaincu qu’on a une utilité sociale que l’État ne remplit pas, on fait sortir les gens du tabac, on sauve des vies chaque jour ! Que vont devenir tous nos clients vapoteurs ? Vont-ils retourner vers le tabac et en mourir ? ».
















