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Directive sur les produits du tabac : Amendements pour maximiser les gains en matière de santé publique

Mis à jour le 24/04/2023 à 13h43
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Clives Bates, ancien directeur d'une importante association de prévention du tabagisme au Royaume-Uni, propose ses amendements à la commission ENVI.

Clives Bates, ancien directeur d’une importante association de prévention du tabagisme au Royaume-Uni, propose ses amendements à la commission ENVI.

Critiquer c’est bien mais proposer c’est encore mieux. Un leitmotiv que semble suivre à la lettre l’ancien directeur de l’association ASH UK, Clives Bates, qui vient au travers d’un texte soumis à la commission européenne ENVI, de proposer ses propres amendements à la nouvelle révision de la Directive sur les produits du tabac.

Voici ci-dessous la longue (et fastidieuse) traduction de son argumentaire :


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Début de l’article de Clive bates

Les députés européens membres de la commission ENVI du Parlement européen sont sur le point de proposer 1.360 propositions d’amendements à la révision de la directive sur les produits du tabac. Je leurs ai écrit avec des suggestions sur ce qu’il fallait faire et ne pas faire afin d’obtenir le meilleur compromis pour les consommateurs et la santé du public.

Pour : Députés européens de la commission ENVI

De : Clive Bates

Cette semaine, la commission ENVI débute son étude sur 1.360 amendements (Disponibles sur le site europa) concernant la directive sur les produits du tabac proposée par la Commission. La tâche est considérable mais aussi parsemée d’embûches. La vie de plusieurs milliers de vrais européens sera soit améliorée, brisée ou éventuellement terminée par ce qui est inclut dans cette directive.

J’ai déjà suggéré des amendements détaillés : cette fois-ci, j’écris pour suggérer des principes directeurs à l’attention des membres qui œuvrent réellement pour obtenir des gains en matière de santé publique au travers de cette directive. Le concept de « réduction des risques » est précisément la partie où peuvent être enregistrés les gains les plus importants en matière de santé publique (ou perdus) et bénéficie du soutien de nombreux experts et défenseurs reconnus, malgré ce que vous pouvez entendre de la part d’activistes bruyants et malavisés basés à Bruxelles.

Je proposerai quelques principes directeurs suivis de recommandations spécifiques. Cette lettre a été postée sur le blog Counterfactual où vous pouvez lire des commentaires ou commenter vous-mêmes (en anglais).

Principes directeurs

Se concentrer sur la baisse du nombre de décès et de maladies

Avec 700.000 décès annuels liés au tabac dans l’UE et nombre d’autres cas de maladies et d’incapacités, quel serait le moyen actif le plus rapide pour réduire ce chiffre ?

La réponse est de réduire les risques associés à l’utilisation régulière de nicotine chez les adultes mais sans qu’ils ne fassent une croix définitive dessus. La cessation tabagique totale est un processus bien plus lent et ardu qui ne laisse à de nombreux fumeurs que le souhait d’arrêter de fumer. Le problème majeur de cette directive est le soutien aux produits contenant de la nicotine à faible risque qui concurrencent les cigarettes : ces dernières incluent les e-cigarettes, le tabac sans fumée et les nouveaux produits du tabac. Tout le reste est secondaire.

Considérer l’éthique

Quelles sont les bases éthiques de l’UE pour empêcher ou freiner un fumeur d’avoir accès à des produits qui pourraient potentiellement sauver sa vie ? Chaque obstacle placé sur le chemin des e-cigarettes, tabac sans fumée ou nouveaux produits du tabac devrait être vu sous cet angle et avec ses conséquences sur la santé. L’interdiction appliquée au snus n’a aucune base éthique, en particulier si l’on tient compte des milliers de décès qu’ils ont permis d’éviter en Suède. Des restrictions excessives sur d’autres produits à faible risque sont également contraire à l’éthique, font la promotion d’une mauvaise santé et augmentent les inégalités en matière de santé.

Veuillez essayer de ne pas protéger l’industrie du tabac

Il s’agit d’un marché inhabituel. Le produit dominant, les cigarettes, est très dangereux mais sa toxicité est à peine réglementée avec des mesures périphériques concernant les additifs et les arômes etc. Trop réglementer les alternatives à faible risque protègera l’industrie de la cigarette de la compétition et contribuera à augmenter le nombre de décès et de maladies.

Ceci devrait préoccuper chaque député européen qui propose des mesures de restriction sur ces produits au nom de la santé et de la sécurité. Malgré une opposition presque unanime de la part des utilisateurs de ces produits, un certain nombre de députés européens semble déterminé à réglementer les e-cigarettes comme s’il s’agissait de médicaments.

S’ils souhaitent faire cela, ils font un travail précieux pour l’industrie de la cigarette – on ne peut pas être plus claire. J’ai inclus cet argument en détail comme une critique des propositions d’amendements du rapporteur pour une « procédure simplifiée » de règlementation des e-cigarettes (amendement1250) : La route de l’enfer est jonchée de bonnes intentions… et de mauvais amendements.

Bon nombre de propositions accroissent les fardeaux règlementaires et les coûts des alternatives à faible risque aux cigarettes. Elles aident les fabricants de cigarettes et sont activement dangereuses.

Respecter les traités et maintenir les propositions dans les limites de la loi

Les propositions devraient être jugées contre des principes juridiques établis dans les traités européens et internationaux. Ces derniers requièrent que les mesures ne soient pas discriminatoires ou disproportionnées et qu’elles aient une base légale valide. Dans ce cas, la base légale est liée au développement du marché intérieur avec un niveau élevé de protection sanitaire.

Le fardeau et les coûts imposés par les règlementations doivent être fixés au minimum nécessaire pour sécuriser les objectifs de la politique publique. Alors que la libre circulation des biens et des services doit être interdite lorsqu’il en va de raisons sanitaires ou autres, il devrait y avoir des causes prouvées raisonnables. Les propositions devraient être sujettes à consultation et des raisons devraient être données.

De nombreuses propositions d’amendements ne respectent pas ces principes de législations européennes, offrent une discrétion excessive à la Commission, ou permettent à des Etats membres d’imposer des contrôles plus strictes qui ne s’alignent pas sur les traités européens.

Protéger les jeunes en réduisant le nombre d’adultes fumeurs

Réduire le nombre de jeunes fumeurs est un bon objectif bien que cela n’aura aucun effet majeur sur les 700.000 décès liés au tabac enregistrés depuis des décennies. Mais cela est loin d’être évident : la plupart des jeunes commencent à fumer car les adultes fument et il s’agit d’un rite d’entrée dans l’âge adulte.

De nombreuses mesures visant à protéger les enfants réaffirment simplement l’image du tabac car les habitudes des adultes le rendent plus attrayant aux yeux des plus jeunes.

L’approche la plus efficace face au tabagisme des jeunes est de réduire la population de fumeurs adultes aussi vite que possible.

Les alternatives à faible risque aux cigarettes sont le moyen le plus rapide d’y arriver et ne posent qu’un risque minime chez les plus jeunes. Les stratégies visant à réduire les dangers offrent une passerelle pour arrêter de fumer, pas une passerelle pour commencer.

Recommandations spécifiques

Les e-cigarettes et autres produits contenant de la nicotine (article 18)

Les e-cigarettes sont devenues de plus en plus une alternative à faible risque aux cigarettes traditionnelles mais plutôt que d’encourager leur développement pour avancer aussi vite que possible, de nombreux lobbyistes exagèrent les risques, prétendent que nous en savons trop peu, et appellent à des règlementations excessives. Ceci relève beaucoup plus d’instincts prohibitionnistes que d’inquiétudes réelles sur la santé publique.

  1. Ne réglementer les e-cigarettes comme médicaments au niveau européen que lorsque des allégations de santé sont faites, conformes avec la définition d’un médicament – ce ne sont pas des médicaments (ex amendement 1150)
  2. Ne pas autoriser les Etats membres à réglementer les e-cigarettes comme médicaments sauf lorsqu’il s’agit d’une allégation de santé – ceci est destiné à être une directive de marché interne harmonisée (ex. 1167)
  3. Ne pas justifier l’interdiction par défaut – ex. processus autorisé – car aucun processus ne s’applique aux cigarettes. Autoriser la mise sur le marché des e-cigarettes sauf s’il existe une raison pour les retirer ou les interdire. (Rejeter 1250 et soutenir les amendements 1167, 1168 et 1360)
  4. Si nécessaire, ajouter des dispositions pour créer des normes spécifiques (pureté des e-liquides) ou information (étiquetage) sur les e-cigarettes (ex. 1229, 1233)
  5. Demander aux Etats membres de présenter un rapport sur leurs activités de réglementation et sur leur régime d’application de la loi
  6. Demander à la Commission d’effectuer un examen approfondi des réglementations couvrant l’ensemble des produits nicotiniques et d’apporter des propositions cohérentes qui auront été correctement évaluées et consultées, avec une étude crédible de leurs impacts – dans le but de minimiser les risques pour la santé (ex. 1218, 1248, 1249)
  7. Donner trois années d’avance à toute nouvelle réglementation sur les e-cigarettes (ex. 1329 et 1334)
  8. Ne pas accepter de mesures qui auraient pour effet de réduire l’attrait de ces produits liés au tabac… en bannissant par exemple les arômes, en limitant les lieux de vente ainsi que la commercialisation et l’image de marque (Rejeter 1250)
  9. Rejeter la proposition de la Commission de fixer un seuil pour les liquides nicotiniques et réglementer tous les liquides en tant que produits de consommation, en se basant sur les directives existantes pour exiger des emballages et des étiquetages sûrs. De nombreux députés européens ont reconnu l’absurdité de la proposition de la Commission (ex. 1156)
  10. Il serait plus opportun de ne rien faire et de retirer simplement les e-cigarettes de la directive plutôt que d’imposer des fardeaux règlementaires excessifs inconsidérés. Le rapporteur a raison de rejeter la proposition de la Commission, mais a tort de vouloir mettre en place de nouvelles règles comme une série d’amendements, sans consultation, sans étude sur leurs impacts, sans évaluation des options et basées sur une mauvaise compréhension d’une technologie qui évolue rapidement (Rejeter l’amendement 1250)

Tabac sans fumée (article 15)

L’utilisation des snus est environ 95-99% moins dangereuse que le tabac. Malgré la popularité des snus en Suède qui a permis de réduire la prévalence du tabac au taux le plus faible d’Europe (13% contre 28% en moyenne), ils restent interdits en-dehors du pays. La Commission souhaite maintenir cette interdiction, mais n’a aucune raison crédible et est juridiquement exposée. En examinant toutes les preuves disponibles, il n’existe aucune justification éthique ou légale pour cette interdiction.

  1. Lever l’interdiction arbitraire et non justifiée qui pèse sur le tabac oral (ex. 250) et la remplacer avec une réglementation sur les ingrédients du tabac sans fumée pour réduire la toxicité de tous les produits du tabac sans fumée en vente dans l’UE (ex. 1024, 1027 et 1359). Ceci est conforme aux propositions des experts de l’OMS, du Royal College of Physicians et autres.
  2. Ne pas accepter des mesures qui réduiraient l’attrait de ces produits liés au tabac… en bannissant par exemple les arômes (ex. 461, 476). Les arômes sont bien plus importants dans le tabac sans fumée que dans les cigarettes.
  3. Etre réaliste sur les risques encourus lors de l’étiquetage de ces produits – les européens méritent d’être correctement informés (ex. 799)
  4. S’il s’avère qu’une levée de l’interdiction est impossible, alors il faut laisser chaque Etat membre décider s’il veut appliquer cette interdiction en fournissant des motifs en matière de santé, se conformant ainsi avec les bases légales de l’Article 114 (ex. 1023).
  5. Ne pas mettre à risque les gains en matière de santé publique découlant de l’utilisation de tabac sans fumée en Suède, en imposant des mesures inconsidérées sur les snus face à l’opposition du gouvernement suédois. Si la Suède n’applique pas l’interdiction, c’est son affaire (ex. 172, 1026).

Nouveau produits du tabac

Les nouveaux produits du tabac – qui utilisent de la chaleur plutôt que le principe de combustion de la nicotine afin de l’extraire du tabac – pourraient réduire considérablement les risques et attirer un grand nombre de fumeurs. Il serait illogique de placer des obstacles pour empêcher la mise sur le marché de ces produits lorsque quiconque peut mettre sur le marché des nouvelles cigarettes à tout moment.

  1. Ne pas créer une interdiction par défaut de ces produits en exigeant qu’ils passent par un processus d’autorisation (ex. Rejeter les amendements 10, 16, 48, 49, 50, 51 et 53). Aucun de ces principes ne s’applique aux cigarettes, alors pourquoi les appliquer aux produits plus sûrs ? Un processus d’autorisation sans critère d’autorisation n’a aucune valeur et créé des risques de réglementation arbitraires – ce qui n’est certainement pas conforme au marché unique.
  2. Etablir que les seuls motifs pour empêcher les nouveaux produits du tabac d’accéder au marché interne seraient que ces produits s’avèrent être plus dangereux que les cigarettes ou que d’autres produits de tabac combustibles. Ce qui ne sera jamais le cas.
  3. Maintenir l’obligation de notification comme stipulé dans la proposition de la Commission

J’espère que vous trouverez ces suggestions et idées utiles et que vous contribuerez à obtenir une directive avec un impact positif élevé pour la santé publique.

Cordialement,

Clive Bates

Londres – Royaume-Uni

Responsabilité : Je n’ai aucun intérêt de compétition. Je suis un ancien directeur de Action on Smoking and Health basé à Londres (1997-2003) et ancien fonctionnaire (2003-2012). Je dirige actuellement une petite société de conseil et le blog Counterfactual. Les opinions exprimées ici ne représentent pas nécessairement l’opinion de tout autre ancien employeur.

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Fin de l’article de Clive bates