Pour faire reculer le tabagisme, Scott Gottlieb, directeur de la Food and Drug Administration (FDA), envisage d’obliger les fabricants de cigarettes à réduire significativement la teneur en nicotine du tabac fumé. L’objectif est de pousser les consommateurs vers des produits nicotinés à moindre risque. La mise en oeuvre de cette politique soulève de nombreuses questions. Dans un rapport rédigés pour le R Street Institute, Clive Bates et Carrie Wade analysent cette proposition.
Mise à jour : 27 octobre à 13h20
Les cigarettes sans nicotine ne sont plus des cigarettes
Selon Clive Bates et Carrie Wade, les deux auteurs du rapport publié par le R Street Institute (1), supprimer la nicotine des cigarettes c’est ni plus ni moins l’interdire. “Les cigarettes sans nicotine ne sont plus des cigarettes, tout comme le whisky sans alcool n’est plus du whisky”. La cigarette est le principal produit d’un marché estimé à 94 milliards de dollars, dont plus de 40 milliards de recettes fiscales fédérales et des États. Les freins risquent d’être nombreux et l’opposition virulente.
Comment réagiront les acteurs du marché, consommateurs, fournisseurs légaux, trafiquants ? Les deux auteurs s’interrogent. Les comportements sont très imprévisibles, et ce que l’utilisateur est prêt à accepter dans le cadre d’une étude ne reflète pas la réaction des consommateurs dans la vie réelle.
Le risque qu’adviennent des conséquences imprévues est élevé estiment Clive Bates et Carrie Wade. Ils anticipent une forte résistance au sevrage tabagique forcé chez bon nombre des 38 millions de fumeurs que comptent les États-Unis. Les difficultés pratiques, fiscales, financières, juridiques, politiques liées à l’introduction de cette mesure seront probablement écrasantes.
Il existe, d’après eux, des options plus faciles à mettre en oeuvre pour diminuer l’attrait du tabagisme, comme par exemple l’augmentation des taxes, la réduction de certaines toxines, le contrôle des additifs et l’élimination des marques. La FDA devra démontrer que l’efficacité de la réduction de la nicotine est supérieure à ces mesures, mais d’après Bates et Wade elle dispose de très peu d’éléments factuels pour le faire.
La réduction de la teneur en nicotine est utile
Coté positif, les auteurs du rapport voient dans cette mesure un signal important : la fin de la combustion comme mode d’administration de la nicotine. La FDA devra travailler pour surmonter les nombreuses objections, néanmoins concèdent-ils, cette mesure constitue une “menace d’agence“, un “gros bâton” pour montrer la direction à prendre et inciter les entreprises et leurs investisseurs à réagir.
La logique de l’approche de la FDA exige que les fumeurs aient accès à des alternatives à faible risque de haute qualité, acceptables par la plupart d’entre eux. Elle doit donc s’attaquer au fardeau réglementaire excessif des produits à moindre risques et mettre en oeuvre une réglementation proportionnée aux risques “de manière à favoriser la diversité et l’innovation“, plutôt que de créer des barrières “qui créeraient un nouvel oligopole de l’industrie du tabac“.
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Les alternatives doivent être attrayantes pour les fumeurs, la vérité sur les risques relatifs doit être dite et les entreprises autorisées à le faire aussi. Pour les auteurs, ce sont là des conditions préalables à la réduction de la teneur en nicotine des cigarettes.
Une arme de dissuasion
Les deux auteurs soulignent un paradoxe. Si le marché des alternatives à moindre risque est organisé pour fonctionner, l’obligation de réduire la teneur en nicotine deviendrait inutile. La réglementation aura eu un effet bénéfique par le signal envoyé au marché. “Ces règles, tout comme les armes nucléaires, n’ont pas besoin d’être utilisées pour être utiles” mais elles doivent être crédibles et, concluent-ils, la FDA a encore beaucoup de travail à faire en ce sens.
(1) Reducing nicotine in cigarettes : Challenges and opportunities (pdf)