L’Europe déclare la guerre aux plastiques à usage unique, responsables d’une gigantesque pollution, visible concrètement par l’apparition en mer d’un “sixième continent”. Ça tombe très bien, l’Europe, parce que, justement, il fallait qu’on parle…
Halte au plastique à usage unique
C’est un accord qui est intervenu la nuit du 18 au 19 décembre, en trilogue, pour reprendre le jargon européen, et adopté en un temps record, qui va permettre de lutter contre la pollution des océans par des matières plastiques. Voilà, du moins, la façon dont la Commission européenne a annoncé la chose.
Pour traduire, un accord en trilogue c’est un accord conclu par deux parties sur proposition de la troisième. Par exemple, dans ce cas, l’accord a été proposé par la Commission et adopté par les représentants des états et les négociateurs du parlement européen. Au moins un terme qui est compréhensible, trilogue, trois locuteurs, le compte est bon.
Parce que c’est parfois un peu plus compliqué. Par exemple, un “temps record”, ça pourrait être bien, c’est vrai que la discussion a pris une journée, avant que tout le monde se mette d’accord. Mais le texte a été proposé fin mai et personne n’y avait touché jusque là. Passons.
Donc, l’Europe a décidé de lutter contre les plastiques à usage unique, comme les couverts jetables pour pique-nique, les coton tiges, etc. Ce qui est une très bonne chose. Il n’est jamais trop tard pour réparer ses erreurs. Comment ça, l’Europe n’y est pour rien ? Attendez…
Le talent inné de la contradiction
Examinons de près un flacon d’e-liquide tel que défini dans la réglementation TPD2. Il contient 10 ml de liquide maximum. Il est, de facto, à usage unique, puisque quel serait l’intérêt de le réutiliser ? Le remplissage de tels flacons, avec une contenance réglementée, est quasiment impossible en boutiques. Il est théoriquement recyclable, même si aucune filière n’a été mise en place. Il est fait en plastique, et il a été imposé par l’Europe, en remplacement de flacons plus grands qui étaient aussi en plastique ou en verre, mais dont le potentiel de pollution par millilitre était moins élevé.
Nous ne parlerons même pas des réservoirs de liquide scellés, eux aussi majoritairement fabriqués en plastique, et limités à 2 ml.
Alors, la question est là : l’Europe va-t-elle avoir le culot de s’attaquer à quelque chose qu’elle a elle-même imposé en dépit du bon sens ?
La loi du portefeuille
Parce que l’accord ne prévoit pas d’interdiction de ces produits plastiques à usage unique, mais demande aux états d’être plus exigeants sur leur conception et leur étiquetage et de fixer des obligations aux producteurs en matière de gestion et de nettoyage des déchets.
Ce qui, en langage technocratique, signifie « ça va vous coûter plus cher ».
Malheureusement, ce sont ceux qui en ont le plus besoin qui vont être concernés. Le vapoteur aguerri achète un grand flacon de base boostée, y ajoute de la nicotine, et vape tranquillement avec son liquide en 3 mg en se félicitant des économies qu’il fait.
Le malheur, c’est que ce chanceux est ultra-minoritaire dans l’univers de la vape, où la plupart des usagers tournent sur un taux de nicotine élevé pour faire ce que la vape est censée faire, arrêter de fumer. Leur dosage de nicotine est incompatible avec les grands flacons. Ce sont eux qui vont essuyer les plâtres.
Pour un monde vert, intelligemment
Gare aux fausses interprétations : loin de nous l’idée de dire que la mesure Européenne visant à lutter contre l’abus de plastique à usage unique est une mauvaise décision. Au contraire, elle va dans le bon sens, et le seul bémol serait qu’elle arrive un peu tard.
Ce qui est regrettable, c’est la consommation excessive de ces plastiques est créée par une décision prise par ceux-là mêmes qui la condamnent. Ce n’est pas un état de fait permanent : rien n’interdit à l’Europe, aujourd’hui, de revenir sur l’interdiction des liquides nicotinés dans des flacons au-delà de 10 ml. Ce serait nécessaire, juste et intelligent. Peut-être est-ce trop en attendre d’eux.