Face aux puffs, la nouvelle vague des cigarettes électroniques jetables, deux attitudes transparaissent dans la communauté de la vape : un suivisme relativement passif, et un rejet exaspéré. Comme l’enseigne Ô Mon Vapo, qui, à travers un billet de blog, explique et dénonce les points problématiques, et ils sont nombreux. Interview.
Ça puffit comme ça
« Non, non, non, non, non et non.» Ce sont six « non » comme autant de points soulevés dans le billet de blog à travers lequel l’enseigne Ô Mon Vapo explique, arguments à l’appui, pourquoi ils ne vendront pas de puffs. Ces puffs sont devenus le nom générique des cigarettes électroniques jetables qui proposent 300 à 600 bouffées à son utilisateur avant d’être bonnes à jeter à la poubelle, puisque non rechargeables.
Et l’enseigne n’y va pas de main morte : tout y passe. L’écologie de ces systèmes ? Une calamité. Leur prix ? Une aberration. Leur marketing ? Un danger. Les dérives ? Elles sont réelles. Politiquement ? Un cauchemar. L’éthique et le bon sens ? Au bûcher.
L’ensemble rigoureusement argumenté, sourcé, avec des exemples concrets à l’appui. Une démonstration impitoyable, qui, à l’issue, mène à deux questions : pourquoi les (rares) boutiques qui proposent des puffs n’ont pas pensé à ça, et qu’est-ce qui a motivé ses auteurs à fournir ce travail de titan qui a dû leur prendre un temps considérable ?
Le plus simple est de poser la question aux intéressés, Audrey Le Fur, directrice d’ Ô Mon Vapo, et Valentin Biscarlet, responsable de boutique, qui ont corédigé l’article.
Une bonne idée ? Je puffe
Tout a commencé par le contact avec un confrère : « Il nous a demandé si nous avions des demandes pour les puffs, expliquent les responsables d’Ô Mon Vapo. C’est vrai que nous avions eu des demandes en deux ou trois occurrences, de la part d’adolescents, mais rien de marquant. » Néanmoins, la question interpelle, « comme nous sommes de satanés curieux, nous avons commencé à creuser, et nous nous sommes rendu compte de l’ampleur du truc. »
En effet, les puffs, surtout présentés comme étant d’une certaine marque (probablement contrefaits), pullulent sur les réseaux sociaux destinés aux jeunes, TikTok et Instagram principalement.
« Toute l’équipe s’est mise à travailler sur le sujet. Et nous avons pu identifier un double problème avec ces puffs spécifiques. Le premier, c’est que le marketing très agressif cible les jeunes, plus précisément les mineurs. Et le second, ce sont des produits de provenance douteuse, avec des taux de nicotine totalement illégaux, comme du 50 mg/ml. »
Et le problème dépasse le trafic spécifique de ces produits. « Plus que dénoncer ces produits-là, ce qui nous pose problème, c’est la hype que cela suppose. Nous avons eu peu de demandes jusqu’ici en boutique sur des produits jetables, mais elles émanaient toutes du même public, des adolescents mineurs. »
Un même constat : « les gens qui font la promotion sur ces réseaux sociaux sont des professionnels. Tout est bien rôdé, ce sont des gens qui ont manifestement l’habitude, des réseaux, qui ont des billes. » Pour être allé constater le phénomène sur les réseaux, votre serviteur confirme : ce sont des méthodes éprouvées, habituelles de trafiquants de drogue… ou de l’industrie du tabac.
Vouuuuus ne pufferez pas !
Audrey Le Fur et Valentin Biscarlet soulignent que « ça ne nous fait pas plaisir d’être dans la dénonciation, mais tout cela nous semble très préjudiciable pour le secteur de la vape en général. Ça va à l’encontre complète de la façon dont on travaille, le goût du bien-faire, la personnalisation en fonction du profil du fumeur, les ajustements, et surtout, avant tout, la défense des systèmes ouverts et du libre choix du consommateur. Sans compter que, si à l’achat, ça peut sembler moins cher qu’un kit de vape, sur le long terme, les coûts explosent. » Dans leur article, un comparatif du prix au millilitre avec d’un côté les puffs et de l’autre un kit ouvert amorti à l’année ne laisse aucun doute.
Audrey raconte que son compagnon est allé faire une course en vitesse chez Gifi : « il m’a envoyé une magnifique photo de puffs jetables proposés à la caisse du magasin. Bon, il y avait une pancarte indiquant que la vente est interdite aux mineurs, et lui-même n’a pas eu l’occasion de voir ce qui se passe quand ça se présente. Mais sur un groupe, nous avons vu un commentaire de quelqu’un disant qu’il a vu, dans cette enseigne, deux jeunes qui avaient l’air mineur en acheter une sans que la caissière ne vérifie leur âge. »
Sur TikTok, on trouve d’ailleurs un peu de tout, comme ce court clip à base de rap qui incite à aller acheter un puff chez Gifi plutôt que dans une boutique de vape : « c’est la même qualité, c’est le prix qui baisse ». Un régal pour les détracteurs de la vape.
Le phénomène a d’ailleurs inquiété au-delà. Le Vaporium s’est lui aussi engagé contre les puffs jetables, et la Fivape a réalisé un visuel pour mettre en garde contre les puffs illégaux.
Signalons en outre qu’au Canada, ces derniers représentent aujourd’hui 80 % des ventes en boutiques selon les observateurs. Ils ont presque fini d’achever le secteur déjà mal en point, et rappelons que les systèmes propriétaires fermés sont justement ce contre quoi la profession s’est battue lors de l’adoption de la dernière TPD.