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Polémique en Suisse vue d’ailleurs, entre vraie information et exagération

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Mais que se passe-t-il en Suisse ? Les voisins de la confédération helvétique s’interrogent en observant les remous qui secouent les vapoteurs du pays. A la base, un procès, une réunion qui a accouché de deux codes de conduite et d’un projet de loi. On vous explique tout.

Le lac est en feu

Tout commence, en Suisse, par la décision d’un vape shop de vendre des liquides nicotinés. L’OFSP (Office Fédéral de la Santé Publique) avait décidé en 2009 sans base légale d’interdire la vente, mais pas la consommation, en Suisse de liquide avec nicotine.

Aussitôt, l’Office avertit le shop, qui rétorqua qu’ aucun document officiel valide n’avait été émis. Les pouvoirs publics ont donc du prendre une décision administrative officielle, qui a pu alors être contestée devant les tribunaux. L’affaire fut menée devant le tribunal administratif fédéral, qui eut le dernier mot : en effet, rien, dans la législation Suisse, n’interdit de vendre des e-liquides nicotinés.

Tout commence par la décision d’un vape shop de vendre des liquides nicotinés. Traîné au tribunal, il gagne.

Mieux, il n’existe aucune limitation du taux de nicotine qu’un e-liquide peut contenir. Le marché Suisse était donc ouvert, et libre. Etat de fait forcé par le refus de l’administration de traiter le vapotage hors de la future loi sur les produits du tabac (LPTab).

Une première réunion début juillet, puis de nouveau en septembre, à l’initiative de l’administration fédérale, en l’occurrence l’Office fédéral de la Sécurité Alimentaire et des affaires Vétérinaires (OSAV) entre des représentants des vapoteurs et des distributeurs. Son but : conclure un accord entre ces partis pour réguler le marché helvétique en attendant le vote d’une loi. Le but était d’établir un code de bonne conduite.

A l’initiative du tribunal, une réunion a lieu entre cigarettiers et quelques vapoteurs pour définir un code de bonne conduite.

Lors de cette réunion, les industriels du tabac posèrent une exigence sur la table : que la vape soit interdite aux mineurs et qu’aucune publicité ne leur soit destinée, avec des critères pour le moins flous. Ce que les représentants de la vape acceptèrent. Ceci, en toute bonne foi : les mesures étaient, somme toutes, fidèles au code d’éthique qui fait consensus au sein de la vape helvétique.

Mais, et c’est là que le bât blesse, l’industrie du tabac refusa formellement que ce code s’applique aux produits du tabac, dont la vente aux mineurs est autorisée dans une majorité des cantons suisses (15 sur les 26).

La Suisse, modèle démocratique

Les vapoteurs présents acceptent de refuser la vente aux mineurs et signent l’accord, mais les cigarettiers refusent. 

La grogne chez les vapoteurs suisses a commencé à ce stade. La majorité d’entre eux s’est insurgée du fait que la vape doive se restreindre alors que l’industrie du tabac a le champ libre. Ils souhaitent que les industriels du tabac s’appliquent à eux-même ce qu’ils exigent des vapoteurs. Pour être précis, la vente de tabac aux mineurs est interdite dans certains cantons. Mais aucun âge limite légal n’existe au niveau fédéral.

Mais, et c’est toute la particularité de ce code, c’est qu’il s’applique uniquement à ceux qui l’ont signé. Et rien n’oblige un professionnel de la vape à le parapher et donc s’imposer de le respecter. A la lumière de ceci, nul besoin d’être grand devin pour supposer qu’il n’a pas été un franc succès.

Ce code de bonne conduite étant sur la base du volontariat, il n’est pas massivement suivi. Un projet de loi est en préparation. 

Pire encore, le projet de loi, qui doit encore faire tout un cheminement parlementaire avant d’être voté, puis entrér en vigueur au plus tôt en 2022, voudrait assimiler la vape à la loi sur les produits du tabac, avec certaines mesures, comme l’interdiction dans les lieux publics, qui hérissent au plus haut point les vapoteurs de la confédération.

Deux points chagrinent dans la loi, l’assimilation de la vape au tabac et l’interdiction dans les lieux publics.

Jusqu’alors, en effet, les dirigeants d’établissements recevant du public sont libres de décider si, chez eux, la vape est autorisée ou non. Si certains cafés ou restaurants l’interdisent effectivement dans leurs locaux, d’autres l’autorisent et apposent même des autocollants pour le faire savoir.

Catastrophique ? C’est oublier un détail : la Suisse est une démocratie directe.

La grogne version démocratie directe

Mais la Suisse est une démocratie participative, et toute loi peut être amendée ou rejetée par les citoyens.

La Suisse est une démocratie participative, par opposition à une démocratie représentative. En résumé, le fonctionnement démocratique helvétique est le suivant : le Conseil fédéral (c’est à dire l’administration) rédige un projet de loi qui est soumis ensuite à un processus parlementaire qui peut le modifier avant de le voter ou le rejeter. Lorsque celle-ci est promulguée, les citoyens ont le droit de faire un référendum, c’est à dire un appel à signature. Si ce référendum recueille 50 000 signatures de citoyens Suisses, alors il y a une votation, c’est à dire un vote, qui permet, selon les termes du référendum, soit d’annuler une loi, soit de déposer ou de modifier juste un amendement.

Non, vous ne rêvez pas. Cela signifie bien qu’aucune décision ne peut être imposée aux citoyens suisses sans leur consentement. Ceci est valable soit au niveau national, soit au niveau des cantons. Mieux encore, les citoyens peuvent faire voter une loi par référendum.

Le vote des lois en Suisse prend énormément de temps pour parvenir à un consensus. 

Ce qui explique que le vote des lois, en Suisse, prend énormément de temps. Les dirigeants prennent soin de la rédiger et de la modifier en fonction des observations citoyennes, pour essayer de faire en sorte d’avoir une loi la plus consensuelle possible au moment de sa promulgation.

Le système fonctionne pour deux raisons : d’une, les électeurs suisses sont d’un naturel pragmatique, et de deux, ils votent pour répondre à la question qui leur est posée, et pas pour contrarier leur gouvernement.

Dessine-moi une votation

Le maintien de l’assimilation au tabac dans la loi entraînera certainement une votation. 

Faut-il vous faire un dessin ? Plusieurs groupes de vapoteurs suisses ont dores et déjà fait savoir qu’ils lanceraient un référendum pour, à minima, censurer l’amendement qui assimile la vape aux produits du tabac.

Ce qui semble faire consensus, c’est que les professionnels de la vape indépendants acceptent dans leur propre code de conduite de ne pas vendre de produit nicotiné aux mineurs, et des produits de vape sans nicotine seulement si ils sont déjà fumeurs, mais, en revanche, souhaitent que l’interdiction de vente aux mineurs soit étendue aux cigarettes.

Mais la nouvelle selon laquelle la Suisse interdit la vente de liquide aux mineurs et autorise le tabac est quelque peu exagérée. 

Le projet de loi LPTab prévoit l’interdiction de vente aux mineurs de tous les produits du tabac, et personne ne s’y oppose. Mais elle n’entrera pas en vigueur avant 2022 (voire 2023). La critique porte sur la publicité, le SNUS et la vape, une version Suisse de la TPD, dont la loi est directement inspirée, sauf sur les contenances des liquides et des atomiseurs.

En un mot, la rumeur selon laquelle la Suisse interdirait le vente d’e-liquide aux mineurs, mais pas le tabac, n’est pas exagérée : les distributeurs peuvent vendre sans soucis des cigarettes aux mineurs, mais pas de produits de la vape.