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Opinion : faut-il sauver les buralistes ?

Mis à jour le 8/09/2022 à 12h32
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Les buralistes viennent de signer un accord avec l’état pour pérenniser leur profession. Ça semble normal, présenté comme cela, de dire que ce métier ne doit pas disparaître. Mais il est aussi légitime de se demander : pourquoi cette profession doit-elle à tout prix exister, alors que d’autres ont été balayées ?

Opinion

Un accord pour l’avenir

Le vendredi 2 février, un accord entre les buralistes et le gouvernement a été signé, après avoir été préparé en amont par la confédération des débitants de tabac et les douanes. Ce contrat est très généreux, et destiné à sauver la profession.

Ainsi, les buralistes se verront attribuer un fond de 20 millions d’euros par an jusqu’en 2021 pour les aider à transformer leur métier, et donc, leurs points de vente. Les buralistes qui verront leur chiffre d’affaire tabac baisser auront droit à une augmentation des commissions pour compenser. L’échelonnement des dettes sociales et fiscales sera facilité, le crédit sur le stock est augmenté et ainsi de suite, ad libitum…

Les buralistes se verront également associés à… La lutte contre le tabagisme, et seront notamment partie prenantes des prochains « Mois sans tabac ».

C’est généreux. Très généreux, même. Tellement généreux qu’on se demande encore pourquoi les vapoteurs ne réagissent pas. Voilà une profession qui annonce qu’elle va rentrer en concurrence frontale avec les boutiques de vape, à grand renfort de crédits d’impôts, de subventions et privilèges. Certains avocats auraient conseillé d’attaquer pour concurrence déloyale ou abus de position dominante. Pas ceux des associations de vapoteurs, manifestement.

Des jolis métiers d’autrefois

Le gouvernement a mis les petites plats dans les grands pour sauver les buralistes de France, à la grande satisfaction de ces derniers. On peut les comprendre : ils ont tous les outils en main pour sauver leur profession. Mais, vu de l’extérieur, je ne peux m’empêcher de me poser une question : pourquoi ?

La semaine dernière, Marie Roubieu est décédée. Ne cherchez pas dans votre mémoire, il est fort improbable que vous la connaissiez. C’était la dernière herboriste de France. Son histoire est intéressante : elle était la dernière titulaire du diplôme d’herboriste en France, diplôme qui fut supprimé par le gouvernement de Vichy en 1941, Pétain souhaitant réserver la profession aux pharmaciens.

Le diplôme n’a jamais été rétabli et la profession n’a jamais été reconnue en tant que telle en France, malgré les promesses de tous les gouvernements de 1945 à nos jours.

Tigres, éléphants, pandas, buralistes

Pourquoi je vous parle de ça ? Et bien, herboriste est la dernière profession en date à avoir disparu en France. Il y en a eu une succession, depuis le début de la révolution industrielle. Allumeurs de réverbères et poinçonneurs de tickets de métro ne sont plus que des souvenirs dans les livres et les chansons. Les mineurs ont disparu avec la fermeture des dernières mines du Nord.

Ces professions, bien entendu, aujourd’hui, nous apparaissent inutiles et surannées, c’est le sens de l’histoire. Mais si les objectifs réels en matière de lutte contre la tabagisme sont ceux qui sont affichés, n’ont-ils pas alors pour but de faire du métier de marchand de tabac une profession inutile et surannée ? La disparition du métier de buraliste ne va-t-il pas dans le sens de l’histoire ?

Pourquoi, en un mot, s’échine-t-on à sauver ce métier alors qu’on en a laissé mourir d’autres ?

Les fausses excuses

Bien entendu, j’entends ici les objections s’élever. Par exemple, que ça va détruire des emplois.

Je n’en suis pas certain, voyez-vous. Parce que lorsqu’on compare le temps passé par client chez les buralistes au temps passé par les même clients dans les boutiques de vape, on arrive à un rapport de vingt secondes dans un débit de tabac contre cinq minutes chez les vapoteurs.

La consommation de nicotine ne va pas disparaître, mais elle pourrait passer du tabac à la vape. Et ce sont autant d’emplois qui seront nécessaires pour vendre les produits et conseiller les clients. L’équilibre un emploi perdu/un emploi créé ne serait peut être pas atteint, mais on n’en serait pas si loin, au final, je pense.

L’autre exemple est celui des points relais que les buralistes proposent dans les zones rurales souvent mal desservies par les services publics. C’est vrai : je connais un petit village, sur la pointe de Bretagne, où le buraliste est le dernier commerce ouvert depuis la fermeture du boulanger.

Oh, attendez : c’est assez drôle, mais j’étais intimement persuadé qu’il y avait, en France, plus de gens qui mangent du pain que de gens qui fument. Or, il y a, proportionnellement, beaucoup plus de boulangers que de buralistes qui ferment. Plus précisément, 1200 boulangeries ferment définitivement chaque année en France, contre environ 460 buralistes (chiffres du syndicat des boulangers et de la confédération des buralistes). Un petit crédit d’impôt sur la farine, messieurs-dames ?

Que des points de relais services existent dans les zones rurales, que des commerces remplissent également les offices de bureau de poste, de vente de timbres fiscaux etc. Oui, c’est indispensable. Mais pourquoi les buralistes ? Allons plus loin : on voit des bureaux de tabac, en campagne, faire dépôt de pain. Pourquoi ne verra-t-on pas un boulanger faire dépôt de tabac ?

Et les impôts ?

Bien entendu, les buralistes sont collecteurs d’impôts, c’est l’objection majeure. Ils récoltent des milliards chaque année, ce qu’aucun autre commerce ne fait à cette échelle. MAIS une partie de ces recettes fiscales vient de timbres, vignettes etc… Qui pourraient être vendus par d’autres, qui eux aussi ont besoin de se maintenir. 

Les taxes sur le tabac ont rapporté énormément, et servi à construire plus d’hôpitaux que n’importe quel autre commerce. C’est une réalité. Elles ont aussi envoyé dans ces hôpitaux plus de personnes que n’importe quel autre commerce également. Les seuls à avoir envoyé plus de gens au cimetière que les buralistes sont les pompes funèbres. 

L’État prétend sortir du tabagisme, et donc renoncer aux taxes que rapporte le tabac, et aux petits à-côtés, comme les retraites en moins à payer. Ce qui implique que l’état entend se dispenser désormais des buralistes. C’est injuste ? Non. Durant leur activité, ils ont été payés pour avoir fait ce travail. Quand il n’y a plus de travail, il n’y a plus de salaire.

Ce sont les règles du commerce, or les buralistes sont commerçants indépendants. Ils ont choisi d’acheter une affaire, ils en connaissaient les risques. A aucun moment, les buralistes n’ont signé une garantie de revenus avec l’État. Cet état joue sur les deux tableaux, stipendier d’un côté et encaisser l’argent de l’autre ? Les buralistes sont ses victimes ? C’est vrai. Mais ce ne sont pas les seuls dans ce cas. L’intérêt commun est censé toujours primer, même si il y a de la casse. 

Le besoin et l’envie

La stratégie des buralistes est de demander « Que feriez-vous sans nous ? », ce qui est une question finalement très normale. Ce qui l’est moins, c’est que personne, aujourd’hui, n’aie essayé de répondre « La même chose, mais différemment. ».

Et n’exagérons rien non plus : il n’est pas question, aujourd’hui, de fermer brutalement les bureaux de tabac en activité. Ce dont il est question, c’est de voir ces commerces décroître lentement jusqu’à l’extinction. Dès lors, les anciens buralistes auraient encore quelques années d’activité devant eux. Ce n’est donc pas anormal de voir aujourd’hui des bureaux de tabac dans les rues. Ce qui semble anormal et contraire à l’histoire, par contre, c’est d’inciter des jeunes à reprendre de tels commerces en leur promettant une pérennité.

Il n’y a pas, bien entendu, de vérité ou de solution miracle. Juste un avis : ne dépensez pas l’argent du contribuable à sauver les buralistes. Les boulangers auraient besoin de cet argent public. Les bouchers auraient besoin de cet argent public. Les marchands de fruits et légumes auraient besoin de cet argent public. Les contribuables auraient besoin de cet argent public, sachant que, si il leur était rendu, la majorité s’en servirait pour acheter autre chose que du tabac. C’est la loi du marché.

Les boutiques de vape pourraient utiliser cet argent public pour sortir plus de gens du tabac.

C’est une opinion, je l’ai déjà dit. Évidemment, les buralistes, dont je sais que beaucoup lisent le Vaping Post, ne seront pas d’accord. C’est normal, et si j’étais à leur place, je ne le serai pas non plus.

Il ne reste au final qu’une question : mesdames et messieurs les buralistes, comment pourriez-vous me convaincre, moi, contribuable, de vous sauver la vie ?

Cet article d’opinion n’engage que le point de vue de son auteur et ne représente pas forcément l’avis de la rédaction.