Sur le site de la CFDT, le service juridique confédéral s’interroge : “Peut-on vapoter sur le lieu de travail sans être mis à l’amende ?” Il entend bien garder ouvert le débat sur l’interdiction (ou non) de vapoter dans les lieux publics et sa position semble établie d’avance.

Une cigarette électronique à combustion

Peut-on « vapoter » sur le lieu de travail sans être mis à l’amende ? à lire sur le site de la CFDT

Peut-on « vapoter » sur le lieu de travail sans être mis à l’amende ? à lire sur le site de la CFDT

Pour définir ce qu’est le vapotage, les auteurs s’appuient sur des études scientifiques, et notamment le rapport de l’OFT de mai 2013. Première question, premier étonnement : “quels sont les produits en jeu et qu’en est il de leur combustion ?”. Combustion ?

Pourtant c’est “un produit fonctionnant à l’électricité sans combustion” dit le rapport l’OFT pour définir la cigarette électronique. La nuance est fondamentale, puisque c’est la combustion du tabac à 800°C qui est à l’origine des composés cancérigènes et du monoxyde de carbone retrouvés dans la fumée du tabac.

Selon les auteurs de l’article, le rapport de l’OFT irait dans le sens d’une assimilation du vapotage au tabagisme et préciserait que « la fumée de la cigarette électronique diffuse dans l’environnement un gaz contenant de la nicotine ainsi que d’autres particules fines ou ultrafines ».

C’est une bien curieuse lecture du rapport qui est faite ici et un bien curieux compte-rendu. Non seulement le rapport ne va pas du tout dans le sens d’une assimilation du vapotage au tabagisme, mais il recommande qu’aucun frein ne soit mis aux fumeurs pour l’adoption de l‘e-cigarette. C’est d’ailleurs pourquoi il propose de créer une catégorie spécifique pour encadrer l’e-cigarette indépendamment du tabac.

Plus troublant, cette phrase : « la fumée de la cigarette électronique diffuse dans l’environnement un gaz contenant de la nicotine ainsi que d’autres particules fines ou ultra-fines » est présentée comme une citation du rapport alors qu’elle n’y figure pas. C’est même le contraire qu’on y lit : “ il n’y a pas d’exposition aux particules solides dans une pièce où l’on vapote, l’exposition aux gouttelettes liquides y étant négligeable, sauf à rassembler de très nombreux vapoteurs”.

A la limite de la signification clinique

Le rapport OFT, en mai 2013, reconnaissait déjà que “les conséquences pour la santé du vapotage passif sont moins importantes que l’exposition passive à la fumée du tabac, voire à la limite de la signification clinique” mais n’excluait pas la possibilité d’un vapotage passif. Depuis, de nouvelles recherches ont montré que la nicotine absorbée par le vapotage passif est sans répercussion sur la santé et le vapotage passif très relatif.

Le service juridique de la CFDT procède enfin à l’analyse des données juridiques, son coeur de compétence. Selon lui, ce n’est pas parce que le vapotage est un concept inconnu des textes qu’il y a un vide juridique. Après avoir fait dire au rapport de l’OFT le contraire de ce qui y est écrit pour assimiler vapotage et tabagisme, il en conclut que la loi Evin s’applique au vapotage et donne force de loi à une vieille interview de la ministre de la santé, Marisol Touraine, “vapoter c’est fumer”. Le tour est joué : la législation actuelle suffit à interdire le vapotage “dans les lieux affectés à un usage collectif”. Notons que la ministre a depuis approfondi le sujet et s’est ravisée pour dire “oui sans réserve à la vapoteuse” pour les fumeurs. Les auteurs de l’article n’ont pas réactualisé leurs informations, ni pris connaissance de l’avis du conseil d’état qui a estimé que “la législation actuelle relative à l’interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif n’est ni directement applicable ni directement transposable à la cigarette électronique sans dispositions d’adaptations”

Les services juridiques de la CFDT s’étonnent que la cour de cassation relance un débat clos pour eux.

La cour de cassation vient de confirmer dans un jugement rendu le 26 novembre que les textes relatifs à l’interdiction de fumer dans un espace affecté à un usage collectif ne peuvent être étendus à la cigarette électronique, au motif, entre autres, que « la cigarette électronique ne saurait être assimilée à une cigarette traditionnelle et que le liquide, mélangé à l’air, est diffusé sous forme de vapeur ». Les auteurs de l’article s’entêtent, et pointent du doigt la cour de cassation qu’ils accusent de prendre à contre-pied les conclusions du rapport de l’OFT. Ils préviennent dores et déjà les vapoteurs qu’il serait abusif de considérer que, depuis le 26 novembre, ils peuvent vapoter comme bon leur semble sur leur lieu de travail. C’est pourtant, ne leur en déplaise, une réalité.

Rappel de l’obligation de sécurité de résultat

Pour finir, soucieux de garantir la protection des salariés (non-fumeurs et non-vapoteurs), le service juridique de la CFDT nous sert un argument sans appel : “le vapotage passif est considéré par beaucoup comme aussi nocif que le tabagisme passif.” Par beaucoup ? Qui sont-ils ?

Pas les rédacteurs du rapport de l’OFT, pas le Conseil d’État, pas la Cour de cassation, pas les scientifiques à la pointe de la recherche sur l’e-cigarette [1, 2, 3, 4, 5], pas les vapoteurs avertis, pas les 100 médecins qui ont lancé un appel en faveur du vapotage pour les fumeurs. Les “beaucoup” sont probablement ceux qui s’en sont tenus aux articles sensationnalistes dont les informations ne sont pas vérifiées. Sont-ils une source bien sérieuse pour un service de conseil juridique ?

Rappel est fait aux employeurs qu’ils doivent prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés ». Ne devraient ils pas plutôt inciter les fumeurs à arrêter de fumer ou à s’intéresser à la cigarette électronique pour réduire leur risque tabagique ? Mais stigmatiser la cigarette électronique, outil de réduction des dommages officiel et de sevrage officieux, et source de substantielles économies est l’approche que la CFDT adopte pour défendre les ouvriers et les employés qui comptent respectivement 47 et 36 % de fumeurs.

La mise à mal de cette obligation pourrait donc parfaitement être dénoncée par les salariés dès lors qu’ils se trouveraient exposés à cette forme nouvelle de tabagisme passif qu’est le vapotage passif” effectivement s’il s’agissait d’une forme nouvelle de tabagisme passif, mais rappelons-le “les conséquences pour la santé du vapotage passif sont moins importantes que l’exposition passive à la fumée du tabac, voire à la limite de la signification clinique”.

Pourquoi pourrait-il être important de ne pas interdire le vapotage dans les lieux publics en général, et au travail en particulier ?

La cinétique de délivrance de la nicotine par l’e-cigarette est beaucoup plus lente qu’avec une cigarette tabac. Pour atteindre une nicotinémie équivalente à une cigarette de tabac, il faut 30 mn de vapotage avec une cigarette électronique de dernière génération. Le vapoteur a besoin de tirer régulièrement sur son ecig pour maintenir ce taux. Le professeur Dautzenberg explique lui même* que « Quelqu’un qui vapote toute la journée du matin au soir à une courbe de nicotine dans le sang assez similaire à celle de quelqu’un qui a un patch. » Il conseille aux vapoteurs débutants de « vapoter toutes les cinq minutes. Utilisé de cette facon, le produit s’assimile à un patch. » Il vaut mieux la perfusion continue, plutôt que le flash, qui consiste à vapoter non-stop pendant 1 minute comme le font les fumeurs avec la cigarette traditionnelle.

Les salariés qui ont l’amabilité d’accepter que leurs collègues de travail vapote courtoisement les aide finalement à sortir du tabagisme et dans une certaine mesure leur sauve la vie.

Il en va de la responsabilité de chaque vapoteur, du savoir vivre, de la cordialité et du bon sens d’adopter une attitude responsable pour profiter de la liberté dont il peut encore profiter à ce jour.


Via CFDT

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