L’étude, parue en juillet 2020, avait fait grand bruit : les fumeurs étaient moins à risque de contracter le COVID-19, et moins susceptibles de subir des formes graves de la maladie. Elle vient d’être retirée en raison de conflits d’intérêts en lien avec l’industrie du tabac.
La main dans le sac de tabac
« Les fumeurs sont 23 % moins susceptibles de recevoir un diagnostic de COVID-19 que les non-fumeurs », affirmait une étude l’étude publiée dans l’European Respiratory Journal. « Parmi tous les patients atteints de COVID-19, 34,8 % ont été hospitalisés et 13,0 % ont connu une issue défavorable. Le sexe masculin, l’âge avancé, le fait d’avoir une ou plusieurs comorbidités et une maladie rénale chronique, le diabète, l’obésité, la BPCO, l’immunosuppression et l’hypertension étaient associés à l’hospitalisation et à une issue défavorable. Le tabagisme actuel n’était pas associé à une issue défavorable. »
L’article publié au début de l’étude avait été reprise par la majorité des grands médias, et avait secoué le monde de la science qui s’était interrogé sur le rôle de la nicotine et de la fumée de cigarette dans un traitement éventuel contre le Covid.
Nouvel émoi un an plus tard : l’étude vient d’être retirée par le journal. En cause : un conflit d’intérêt non déclaré. « L’un des auteurs (José M. Mier) jouait à l’époque un rôle actuel et continu de consultant auprès de l’industrie du tabac sur la réduction des dommages causés par le tabac ; et qu’un autre (Konstantinos Poulas) était à l’époque chercheur principal pour l’ONG grecque NOSMOKE », a précisé l’European Respiratory Journal. « Un pôle scientifique et d’innovation qui a reçu des fonds de la Fondation pour un monde sans fumée (une organisation financée par l’industrie du tabac). »
Les rédacteurs de la revue ont précisé qu’aucune fraude avérée, à ce stade, n’avait été détectée dans l’étude, mais que le mensonge par omission des deux auteurs était un motif suffisant pour la retirer.
On peut néanmoins noter que les conclusions de cette étude se sont avérées en contradiction avec d’autres études, qui ont montré que les fumeurs peuvent présenter un éventail plus large de symptômes COVID-19 et être plus susceptibles de se rendre à l’hôpital que les non-fumeurs.
Un article paru dans BMJ Evidence-Based Medicine en août 2020 a souligné qu’il n’y avait pas assez de preuves pour déduire un effet protecteur du tabagisme :
« Les allégations selon lesquelles le tabagisme offre un effet protecteur dans le COVID-19 peuvent être préjudiciables à la santé publique et doivent être considérées avec une extrême prudence par la population générale ainsi que par les cliniciens. Même si le tabagisme offrait un effet protecteur dans l’étude COVID-19, il est peu probable qu’il l’emporte sur les nombreux effets néfastes avérés du tabagisme sur la santé ».
Les auteurs de l’article rétracté contestent la décision et ont précisé qu’ils le soumettraient à une autre revue.