Si la Food and Drug Administration n’autorise pas la société à continuer de vendre ses produits aux USA, son destin pourrait être scellé.

Une société tourmentée

Fondée en 2017, la société Juul Labs Inc. est-elle sur le point de sombrer aussi rapidement qu’elle a connu le succès ? Voilà la question que s’est posée il y a quelques jours le célèbre New York Times, à travers un article faisant le point sur les nombreux problèmes rencontrés par l’entreprise depuis maintenant plusieurs mois. Pour le quotidien américain, la Food and Drug Administration (FDA) tient le destin tout entier du fabricant, entre ses mains. 

La FDA a laissé en place un marché très ouvert, de type Far West, autour de ces produits de vapotage et malheureusement Juul et d'autres ont plongé dedans et l'ont exploité.<span class="su-quote-cite">Clifford E. Douglas, directeur du réseau de recherche sur le tabac de l'Université du Michigan</span>

Si de nombreuses études et enquêtes ont révélé au cours des dernières années que le taux de tabagisme aux États-Unis n’a jamais été aussi bas, cette diminution ne s’est pas faite sans heurts. Car si les adultes sont effectivement de moins en moins nombreux à fumer, de leur côté, les adolescents seraient de plus en plus à consommer de la nicotine, notamment par le biais des cigarettes électroniques. Cette observation, souvent relevée par la FDA, a jeté un véritable froid sur l’industrie du vapotage. Auparavant régulièrement reconnue comme participant à la réduction du tabagisme dans le pays, celle-ci s’est ensuite transformée, aux yeux d’une partie du grand public, d’associations et des décideurs politiques, en une entité responsable de l’accroissement de la dépendance à la nicotine chez les plus jeunes. Juul ayant possédé jusqu’à 75 % de parts du marché des pods aux USA, c’est tout naturellement vers elle qu’ont été dirigées de nombreuses attaques.

La FDA tient le destin de l’entreprise entre ses mains

Si nombre de ces attaques, pour la plupart juridiques, n’ont pas encore été traitées à ce jour et pourraient voir de nombreuses années passer avant d’être résolues, Juul doit actuellement faire face à un autre problème, dont l’échéance se rapproche à grands pas : la date du 9 septembre 2021, qui marquera la fin de la commercialisation de tous les produits de la vape n’ayant pas été autorisés à la vente sur le marché américain, par la FDA.

Les enjeux sont élevés. Si la FDA se plante sur ce coup-là, elle devra faire face à des poursuites en matière de santé publique.<span class="su-quote-cite">Eric Lindblom, chercheur principal à l'O'Neill Institute for National and Global Health Law de l'université de Georgetown, et ancien conseiller de la FDA sur le tabac</span>

Car si durant quelques mois, Juul ne cessait d’exposer ses projets d’expansion à l’étranger, ses nombreux problèmes rencontrés aux États-Unis l’ont forcé à revoir ses ambitions à la baisse, au point de n’être aujourd’hui présent qu’au Royaume-Uni, au Canada, et dans quelques rares autres pays, seulement par le biais de petits distributeurs.

Ainsi, si le fabricant de pods américain ne réussit pas à faire autoriser la vente de ses produits dans son pays d’origine, l’entreprise pourrait tout simplement disparaître.

Tout tenter et se battre

C’est pourquoi, depuis plusieurs mois, la société multiplie les opérations de lobbying destinées à influencer la décision de la Food and Drug Administration. Quelques jours après avoir payé 40 millions de dollars à l’État de Caroline du Nord pour éviter un procès qui lui ferait mauvaise presse alors que la FDA étudie actuellement son dossier, le New York Times révèle que l’entreprise aurait également versé 51 000 dollars à la revue scientifique American Journal of Health Behavior, pour que son numéro de mai/juin 2021 soit consacré à la publication de 11 études financées par la société dont les résultats prouveraient que ses produits aident à arrêter de fumer.

Dans cette somme, des frais de 6 500 $ auraient été inclus afin que le journal soit, pour cette édition, accessible au grand public. Un arrangement qui n’a pas été sans conséquence puisque 3 membres du comité de rédaction de la revue ont par la suite choisi de démissionner en signe de protestation contre cet accord.

Au cours de l’année 2020, Juul aurait aussi dépensé pas moins de 3,9 millions de dollars en lobbying fédéral, selon le Center for Responsive Politics, qui suit les dépenses politiques. Le cigarettier Altria, qui possède une partie de l’entreprise de vapotage, aurait quant à lui dépensé 11 millions de dollars à des fins similaires.

La Federal Trade Commission tente actuellement de démêler l'accord Altria-Juul, en alléguant que les deux entreprises ont conclu une série d'accords qui ont éliminé la concurrence en violation des lois antitrust. Quatorze États et le District de Columbia ont poursuivi Juul, demandant de l'argent pour payer la lutte contre la crise du vapotage chez les jeunes. Une enquête criminelle du ministère de la Justice sur la société est toujours en cours. Il existe également un litige multidistrict devant un tribunal fédéral de Californie, qui a regroupé près de 2 000 affaires sous l'autorité d'un seul juge, à l'instar du traitement des affaires liées aux opioïdes.<span class="su-quote-cite">New York Times</span>

Il ne reste désormais plus qu’à savoir si tous ces efforts paieront lorsque la FDA fera part de sa décision et choisira, ou non, d’autoriser Juul à continuer de vendre ses produits aux États-Unis.

Pour le New York Times, quand bien même cette décision serait positive, Juul passera très probablement les prochaines années à essayer de régler des milliers de poursuites judiciaires. La question étant de savoir si la Food and Drug Administration laissera à tous les plaignants, une entreprise en vie auprès de laquelle demander des comptes en cas de victoire.

Valorisée à plus de 38 milliards de dollars en 2018, l’entreprise vaudrait aujourd’hui 5 milliards.

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