Suite à leur procès remporté contre un cigarettier, les associations antitabac pourraient bien s’attaquer à toute l’industrie du vapotage.

Vers de profonds changements ?

Fin du feuilleton juridique. Mardi 17 décembre, la Cour de cassation de Paris a confirmé la condamnation de la SAS British American Tobacco France (BATF). La filiale du cigarettier était en procès depuis plusieurs années contre deux associations antitabac françaises, le Comité national contre le tabagisme (CNCT) et Demain sera non-fumeur (DNF). Nous revenons sur le déroulé de cette affaire et les raisons qui font que cette décision judiciaire pourrait bien bouleverser le marché du vapotage de l’Hexagone.

Premier procès

Le 10 janvier 2022, les associations CNCT et DNF étaient reçues lors d’une audience. Elles accusaient le cigarettier, par le biais de son site internet de l’époque, GoVype.com, de faire de la publicité illicite pour des produits du vapotage (Vype, ex-Vuse), notamment grâce à des articles, des photographies, ainsi que des vidéos. 

Le tribunal correctionnel de Paris, qui rendait son verdict le 28 février suivant, donnait raison aux associations et condamnait le cigarettier à une amende de 100 000 €, ainsi qu’au versement de 50 000 € au titre de dommages-intérêts, et 10 000 € au titre du code de procédure pénale, à chacune des associations.

Le verdict indiquait notamment que « la notion de publicité telle qu’elle a été élaborée dans le cadre des décisions rendues sur la publicité des produits du tabac est parfaitement application à la réglementation de la publicité des produits du vapotage ». Malgré la tentative de British American Tobacco France d’expliquer qu’un produit ne peut être vendu sans communication commerciale méliorative, le tribunal a jugé qu’il est « parfaitement possible de commercialiser un produit sans en faire la promotion ni inciter le consommateur à l’achat ». Il donne notamment l’exemple d’un « site vitrine, neutre, qui expose visuellement les produits et les décrit objectivement »

Des vidéos et des phrases, considérées comme incitatives

Plusieurs autres aspects du site internet avaient également été reconnus comme étant de la publicité illicite en faveur du vapotage.

Un clip vidéo, qui « rapproche la consommation de cigarettes électroniques d’un contexte jeune et festif et en fait un objet de mode et de décontraction », et un second, tourné lors d’un festival de musique, « qui met en scène des jeunes décontractés et à la mode, aimant la fête et la musique ainsi que les cigarettes électroniques ». Tous les deux ont été considérés comme ayant un objectif incitatif, donc illégal.

Un onglet baptisé « Nouvelle saveur. À rougir de plaisir. Fraise sauvage », qui, selon le tribunal, « fait écho à la prohibition de toute assimilation des produits du vapotage avec un produit alimentaire ». L’onglet « Annonce ta couleur », qui « vise à séduire le consommateur par la personnalisation de son produit et incite ainsi à la consommation par le biais d’un argument esthétique ». La mention des différentes saveurs des recharges blend doré, « saveur fraise sauvage », « fusion fruits des bois », et « mangue tropicale », qui font « également écho à la prohibition de toute assimilation des produits du vapotage avec un produit alimentaire ». 

Tout comme certains textes disposés sous des titres présents sur le site, tels que « vype : plaisirs prêts à vaper », « pourquoi choisir Vype » ?, ou encore « des e-liquides inégalés ». Des phrases que le tribunal décrit comme « évoquant une expérience et un plaisir inégalé, un produit qui s’adapte à son consommateur et lui ressemble, autant d’arguments publicitaires incitant le consommateur à se laisser tenter pour des motifs sans lien avec les caractéristiques essentielles et objectives du produit »

La partie blog du site de Vype, « qui comporte des conseils bien-être (relaxation, conseils nutritionnels et sportifs… », a également été considérée comme faisant la promotion illicite de produits du vapotage.


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La page Instagram également illégale

En plus du site internet du cigarettier, les associations attaquaient également sa page Instagram. À ce sujet, le tribunal a considéré que « sa seule utilité est de diffuser le plus largement possible les publications successivement mises en ligne sur la page… par l’utilisation de tous les mécanismes exponentiels de diffusion de l’information utilisés par les réseaux sociaux » et d’indiquer qu’une « page Instagram dédiée à la promotion d’un produit est donc nécessairement une publicité ». « Par conséquent, la mise en ligne d’une page Instagram dédiée aux produits du vapotage doit être jugée comme illicite », concluait la justice. 

Tout comme l’envoi d’e-mail à ses clients

L’un des autres points soulignés par DNF et le CNCT concernait l’envoi d’e-mail du site GoVype.com à ses clients. Là encore, le tribunal a donné raison aux associations en indiquant qu’il s’agissait de « modalités de publicité illicites des produits de la marque Vype, en ce qu’elles visent clairement à inciter les consommateurs occasionnels ou réguliers qui ont du donner leur adresse mail au moment d’une commande sur le site à poursuivre leur consommation, et notamment celles annonçant la livraison gratuite en 24H chrono sur tout le site… avec pour objectif de les maintenir dans une consommation de fumée et dans une pratique, quelle qu’elle soit, qui préserve les parts de marché des industriels du secteur »

British American Tobacco France faisait appel de cette décision. 1

 

Cette affaire étant liée à un autre procès intenté par le CNCT contre BAT, pour des raisons similaires, les deux dossiers ont été réunis. Dans le dossier ajouté se trouvait une liste de termes jugés comme étant de la publicité illicite en faveur du vapotage, qui apparaissait sur le site internet du cigarettier, GoVype.com. Nous reprenons la liste exhaustive des termes relevés et attaqués par l’association de lutte contre le tabagisme, qui ont tous été reconnus comme illégaux par le tribunal.

Liste des mots, phrases et expressions ayant été reconnues comme étant d’ordre publicitaire par la Cour d’appel de Versailles :

« La qualité, notre priorité – Vapeur plus riche, format compact et pratique – Inspiration illimitée – Épuré et puissant, rien ne décrit mieux le mod box ePen 3 Vype – Restez connecté –  Un abonnement flexible : modifiez-le, Mettez-le en pause ou arrêtez-le librement - Vous avez du goût, tout comme ePod. C’est pour cela qu’il est satisfaisant  - Abonnez-vous & faites des économies - Vype est un pionnier dans la science du vapotage -  La qualité au cœur de la conception -  Comment Vype se démarque par sa qualité  –  Vision scientifique à 360 degrés - De nos experts à nos laboratoires  –  Rencontrez nos scientifiques experts en vapeur - Comment est testée la qualité de nos cigarettes électroniques  – Nicotine et sels de nicotines : quelles différences - Le B.A.-BA du vapoteur sur les sels de nicotine  - Comment est testée la qualité des e-liquides vype - Pourquoi les accessoires Vype sont les nouveaux indispensables  - Il y a quoi dans la vapeur de nos cigarettes électroniques –  Fin des cigarettes mentholées : et si c’était le début d’une nouvelle expérience de fraîcheur –  Il y a quoi dans nos e-liquides –  Il y a quoi dans une cigarette électronique Vype - L’histoire des e-cigarettes au menthol - Vype se mobilise en France en vue d’améliorer la collecte de capsules et d’e-cigarettes dans 22 points de vente parisiens - Saveurs du vapotage : quelles sont les saveurs du vapotage les plus populaires – Notre directeur de la recherche scientifique parle de nos ingrédients et des tests de sécurité - Vype EPEN 3 la cigarette électronique championne des Français - Vapoter peut coûter en moyenne 3 fois moins cher qu’un simple paquet de cigarettes traditionnelles - Comment entretenir votre dispositif à système ouvert - E-cigarette : laquelle préférez-vous - Le petit dictionnaire du vapoteur  - E-liquides Vype : lesquels sont faits pour vous - La cigarette électronique en quelques questions - À vos nuages : découvrez le could chasing avec Vype - Epen 3 : Le meilleur dispositif en système fermé jamais créé à ce jour par Vype  – Préparez-vous pour le grand frisson – Expérimenthe la fraîcheur est à l’honneur – Tous nos produits sont développés et rigoureusement testés par nos équipes avant qu’ils ne soient proposés - Choisissez l’un des nos appareils super frais ».

Dans ce dossier, le tribunal indiquait que toutes ces phrases « constituent de manière évidente des slogans publicitaires tendant à promouvoir les produits du vapotage… et à inciter à une consommation régulière à travers notamment un programme de fidélisation supposé économique (…) ».2

 

Décision confirmée en appel

L’audience du procès en appel s’était déroulée le 9 octobre 2023 auprès de la Cour d’appel de Paris. Le tribunal donnait une nouvelle fois raison à DNF et au CNCT, mais réduisait l’amende infligée à British American Tobacco, de moitié, fixant alors son montant à 50 000 € au lieu de 100 000. Il condamnait toutefois le cigarettier à verser 5 000 € supplémentaires à chacune des associations, dans le cadre du code de procédure pénale, en cause d’appel. 

British American Tobacco se pourvoyait en cassation.3

Pourvoi en cassation rejeté

Mardi dernier, le feuilleton juridique est arrivé à son terme, puisque la Cour de cassation de Paris a rejeté le pourvoi du cigarettier, mettant fin à l’affaire judiciaire. British American Tobacco se retrouve donc condamné à 50 000 € d’amende, et à verser 50 000 € de dommages-intérêts à chacune des associations, Comité national contre le tabagisme et, Demain sera non-fumeur, ainsi que 15 000 € supplémentaires à chacune d’entre elles, au titre du code de procédure pénale.

Une décision qui risque de chambouler le marché français du vapotage

Comme ne manque pas de le relever le CNCT dans un communiqué de presse, il s’agit d’une « étape majeure dans la lutte contre les pratiques publicitaires illicites en faveur des produits de vapotage »

Non seulement, ce qui pouvait parfois être simplement considéré comme des descriptifs produits non commerciaux, a été reconnu comme de la publicité illicite, mais également le fait d’adresser des e-mails à ses clients en vue d’offrir des promotions de toute nature, ou encore la mise en place d’une page dédié à ses produits sur les réseaux sociaux. La partie « blog » du site GoVype.com a également été considérée comme de la publicité illicite en faveur des produits du vapotage, alors qu’elle se contentait d’y présenter des articles traitant de relaxation, ou encore des conseils nutritionnels et sportifs

Mais pour le tribunal, ce blog faisait ainsi « implicitement un rapprochement entre le vapotage et une vie équilibrée et en bonne santé, et comporte par conséquent sans contestation possible des mentions incitatives à la consommation en donnant une impression erronée quant aux caractéristiques sur la “santé, risques ou émissions du produit” ou en suggérant que le “produit est moins nocif que d’autres ou vise à réduire l’effet de certains composants nocifs de la fumée ou présente des propriétés… ou  a des effets bénéfiques sur la santé ou le mode de vie”, mentions prohibées sur l’emballage de produits nicotiniques et a fortiori sur n’importe quel autre support »

À noter également : parmi les nombreux arguments de British American Tobacco pour se défendre lors de ces procès se trouvait la différence de nocivité entre vapotage et tabagisme.

Dans son verdict, le tribunal indique avoir « pertinemment relevé que “la société BATF défend les contenus de son site internet et de sa page Instagram en évoquant d’une part qu’il ne s’agit que de communications commerciales ‘mélioratives’ nécessaires pour la commercialisation d’un produit qui peut valablement être vendu par internet, d’autre part que la notion de publicité pour les produits du vapotage doit être interprétée plus souplement que celle de publicité pour les produits du tabac eu égard au caractère moins nocif du produit et à son rôle dans l’arrêt de la consommation de tabac ».

Ce à quoi le tribunal a rétorqué : « La cour ne partage pas du tout l’affirmation selon laquelle les produits du vapotage seraient moins nocifs que le tabac et contribueraient à l’arrêt de sa consommation », citant l’avis ubuesque du Haut conseil de la santé publique, rendu le 26 novembre 2021, qui avait fait l’objet de vives critiques de la part de plusieurs spécialistes de santé publique. Un avis dans lequel une méta-analyse réalisée par l’organisation Cochrane, pourtant mondialement reconnue pour son indépendance et le sérieux de ses travaux, est décrite comme présentant une « attitude biaisée ».

Depuis quelques mois, la Fédération interprofessionnelle de la vape (FIVAPE), met à disposition des professionnels de la filière, un guide des bonnes pratiques pour être certain de respecter la législation française. Ce guide est à demander directement à l’association, à l’adresse : contact@fivape.org

Sources et références

1 T. corr. Paris, 28 févr. 2022, n° 8

2 Cour d’appel de Versailles, 14e chambre, 7 octobre 2021, n° 21/01496

3 Cour d’appel de Paris, dossier n°22/05581, arrêt 416

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