Alors que le gouvernement durcit son discours contre le tabagisme, de nouvelles mesures ciblent aussi la cigarette électronique. Des restrictions qui inquiètent, car elles semblent ignorer les données scientifiques disponibles sur le vapotage et le sevrage.

Le vapotage à nouveau ciblé, malgré les données

Il y a quelques jours, nous rapportions les propos de Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, lors d’une interview accordée à Ouest France. Elle annonçait l’extension de l’interdiction de fumer dans plusieurs espaces publics ainsi que sa volonté de restreindre les arômes et le taux de nicotine dans les cigarettes électroniques. Le lendemain, le ministère de la Santé a publié le communiqué de presse qui accompagnait ces annonces. 

Après avoir rappelé qu’en 2023, les jeunes de 17 ans étaient 15,6 % à fumer quotidiennement, le document stipule qu’il faut « stopper la fabrique de fumeurs précoces », qualifiant le tabac de « fléau collectif. »

Pour ce faire, à partir du 1er juillet 2025, il sera désormais interdit de fumer dans les lieux suivants : 

  • Parcs et jardins publics ;
  • Plages bordant des eaux de baignade ;
  • Abribus et zones couvertes d’attente des voyageurs ;
  • Aux abords des écoles, collèges, lycées et autres lieux destinés à l’accueil, à la formation ou à l’hébergement de mineurs ;
  • Espaces ouverts et abords des bibliothèques, piscines, stades et installations sportives.

Le communiqué de presse annonce également que « la généralisation des espaces sans tabac s’accompagne de nouvelles mesures pour prévenir des addictions et protéger les plus jeunes. » Voici les mesures annoncées :

  • La réduction du taux de nicotine autorisé dans les produits du tabac et du vapotage, avec pour objectif de briser la dépendance dès la racine.
  • La limitation stricte des arômes dans les produits de vapotage, souvent pensés pour séduire les plus jeunes (ex. : goût bonbon ou barbe à papa). Ces produits sont des portes d’entrée vers la dépendance et seront encadrés dès l’année 2026.

Si, lors de son interview, Catherine Vautrin avait indiqué avoir « besoin des avis scientifiques et techniques pour fixer les détails » de ces mesures, le communiqué officiel se montre beaucoup plus incisif en annonçant clairement que les produits du vapotage seront encadrés dès 2026. 

« Le tabac est un poison : il tue, il coûte, il pollue. Et surtout, il prend nos jeunes pour cible. Les chiffres s’améliorent, mais ils restent trop élevés. Nous sommes sur la bonne voie, notamment dans notre lutte contre le tabagisme des jeunes, mais il reste une ultime bataille à livrer. Je refuse la résignation. Je choisis l’action, car chaque jour sans tabac est une vie gagnée. Notre objectif est clair : une génération sans tabac. Et nous avons les moyens de l’atteindre. Protéger la jeunesse, prévenir les addictions, débanaliser la consommation : c’est un engagement, une responsabilité, une priorité absolue. », a conclu la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles. 

Un discours à mille lieues des données scientifiques

Ces annonces sont particulièrement inquiétantes. En indiquant que les cigarettes électroniques sont « une porte d’entrée vers le tabagisme », la ministre ignore tous les travaux scientifiques ayant démontré que vapoter ne conduit pas à fumer. La cigarette électronique jouerait même un rôle de détournement du tabagisme.

Sans même parler des études internationales, plusieurs recherches ont été menées en France à ce sujet. Le rapport Drogues et addictions, chiffres clés, publié par l’OFDT en début d’année, montrait une diminution du taux de prévalence tabagique chez les jeunes, en parallèle d’une augmentation du vapotage. 

Début 2024, l’Observatoire publiait les résultats de son enquête nationale EnCLASS 2022 qui indiquait que, pour la première fois, le vapotage surpassait le tabagisme chez les collégiens et lycéens. 

Fin 2023, l’Institut National du Cancer (INCa) et l’Institut pour la Recherche en Santé Publique (IRESP) publiaient les résultats d’une étude1 menée dans le département de la Loire, et concluaient que « aucune augmentation n’a été observée dans la progression du vapotage au tabagisme. »

Aucune des données scientifiques disponibles ne soutient donc l’hypothèse selon laquelle le vapotage mènerait au tabagisme.

L’importance des arômes et de la nicotine dans le vapotage

Limiter la nicotine ou les arômes reviendrait à réduire l’efficacité du vapotage comme outil de sevrage, ce que montre un large corpus d’études.

Selon l’organisation Cochrane, mondialement reconnue pour la qualité de ses travaux, le vaporisateur personnel serait plus efficace que les autres substituts nicotiniques pour arrêter de fumer. Une efficacité qu’il doit en grande partie grâce à la présence de nicotine et d’arômes dans les e-liquides.

La nicotine, de son côté, facilite le sevrage tabagique puisque sa présence permet non seulement de soulager les symptômes désagréables du sevrage, mais elle double également les chances d’arrêter de fumer2,3.

Quant aux arômes, si les données scientifiques indépendantes manquent encore, nous savons qu’ils participent au plaisir ressenti lors du vapotage. Un plaisir qui augmente les probabilités de continuer de vapoter4, et ainsi de remplacer le tabagisme par le vapotage, dont les scientifiques s’accordent à dire qu’il est moins nocif pour la santé

Restreindre les arômes et/ou la nicotine reviendrait donc à retirer au vaporisateur personnel, tout ce qui fait son efficacité en tant qu’outil de sevrage tabagique. Une méthode bien étrange pour lutter contre le tabagisme.

Sources et références

1 A. Wamba, M. Nekaa, L. Leclerc, C. Denis-Vatant, J. Masson, J. Pourchez – Regional French evolution of tobacco and e-cigarette experimentation and use among adolescents aged 15-16years: A cross-sectional observational study conducted in the Loire department from 2018 to 2020 – Prev Med Rep, 35 (2023), p. 102278, 10.1016/j.pmedr.2023.102278.

2 Lindson, N., Chepkin, S. C., Ye, W., Fanshawe, T. R., & Hartmann-Boyce, J. (2019). Nicotine replacement therapy (NRT) for smoking cessation. Cochrane Database of Systematic Reviews, 2019(4), CD000146. https://doi.org/10.1002/14651858.CD000146.pub5

3 Lindson, N., Butler, A. R., McRobbie, H., Bullen, C., Hajek, P., Wu, A., Begh, R., Theodoulou, A., Notley, C., Rigotti, N. A., Turner, T., Livingstone-Banks, J., & Hartmann-Boyce, J. (2024). Electronic cigarettes for smoking cessation. Cochrane Database of Systematic Reviews, 2024(1), CD010216. https://doi.org/10.1002/14651858.CD010216.pub8

4 Hedeker, D., Brooks, J., Diviak, K., Jao, N., & Mermelstein, R. J. (2024). Pleasure and Satisfaction as Predictors of Future Cigarette and E-Cigarette Use: A Novel Two-Stage Modeling Approach. Nicotine & Tobacco Research, 26(11), 1472–1479. https://doi.org/10.1093/ntr/ntae121

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